Les travailleurs sociaux du secteur de la protection de l’enfance sont-ils soumis à l’obligation vaccinale ? Non selon la loi du 5 août 2021. Et pourtant, certains professionnels vont devoir se faire vacciner. Une association pour la protection de l’enfance dénonce les aberrations de la loi.
Educatrice spécialisée, s’occupant de mineurs, Margaux L. n’est pas, selon la loi du 5 août 2021, soumise à l’obligation vaccinale. Cette jeune femme de 30 ans travaille depuis 2015 au sein de l’association Olga Spitzer, une association francilienne de plus de 900 salariés qui œuvre pour la protection de l’enfance et de la famille. Margaux n'est pas anti-vaccin mais elle a fait le choix d’attendre pour se faire vacciner. Pourtant, elle va y être obligée faute de quoi elle pourrait être suspendue et ne plus toucher son salaire.
La raison : au quotidien elle côtoie des psychologues et partage les mêmes locaux. Des professionnels, eux, soumis à la vaccination obligatoire. Et selon la loi toute personne partageant les mêmes locaux que des psychologues doivent se faire vacciner.
"L’information de la vaccination est tombée assez brutalement car jusqu’à présent nous, les travailleurs sociaux de la protection de l’enfance, n’étions pas soumis à l’obligation vaccinale", raconte-elle. Et de poursuivre, "ma direction m’a demandé de me faire vacciner pour respecter la loi. Je vis cela comme une pression, celle de perdre mon travail ou en tout cas, d’avoir une suspension de salaire si je ne le fais pas".
Je souhaite continuer mon travail car je crois en ce que je fais, mais je suis en porte-à-faux avec mes convictions.
Pour l'éducatrice spécialisée, ce n'est pas qu'une question de salaire, elle sait aussi que beaucoup de personnes comptent sur elle, les jeunes qu'elle accompagne ou les familles qu'elle aide. "Ethiquement, professionnellement, c'est très inconfortable d'autant plus que nous sommes en sous-effectif, la profession n'attire pas en raison du manque de reconnaissance salariale", dit-elle partagée entre ses convictions personnelles et son professionnalisme.
"La situation est d’autant plus délicate et difficile à vivre qu’il y a des rendez-vous prévus avec le ministère et les associations de la protection de l’enfance pour clarifier certains points dont celui-ci. Les choses sont potentiellement amenées à changer. Cela me met donc dans une position d’incertitude. J’ai besoin de savoir, d’avoir des informations claires pour prendre une décision", conclut-elle.
"Des informations claires", le directeur général de l'association Olga Spitzer aimerait lui aussi en avoir car cette situation génère des tensions dans un secteur déjà très fragile et sur sollicité. En effet, les violences envers les mineurs ont augmenté de 50 % lors du premier confinement selon une étude de l'Inserm et du CHU de Dijon.
Je dois appliquer la loi mais quelle loi faut-il appliquer ?
"Les établissements relevant de la protection de l’enfance ne sont pas soumis à la loi sur l’obligation vaccinale", explique-t-il. "Mais dans notre association, différents professionnels travaillent ensemble, ceux qui sont soumis à l’obligation et ceux qui n’y sont pas soumis. En tant que directeur, je dois appliquer la loi mais quelle loi faut-il appliquer ?", se questionne-t-il. Tout en demandant aux salariés de se faire vacciner, il dénonce une situation ubuesque qui se fait au détriment de la protection des enfants et des jeunes.
"Il règne ici une grande ambiguïté, qui plonge nos structures dans un grand flou et met nos établissements en risque sur des personnels essentiels à la survie mentale et à la prise en charge de nos enfants. Cette situation floue et incohérente n’est pas tenable, elle génère des tensions et des problèmes de recrutements dans notre secteur déjà profondément fragilisé", peut-on lire dans un communiqué de l'association.
Aujourd'hui, l'association interpelle l’Etat : "nous demandons de la clarté et de vraies mesures pour la protection de l’enfance. Des enfants sont en danger, et nos structures doivent être en situation de les accompagner, dans le respect de la Loi, avec le soutien des pouvoirs publics".
Une rencontre entre le ministère des Solidarités et de la Santé et les fédérations de travailleurs sociaux est prévue pour clarifier la situation.