Alors que les comparutions immédiates s'enchaînent dans les tribunaux franciliens après les émeutes qui ont secoué la région depuis la mort du jeune Nahel à Nanterre, les greffiers ont cessé le travail ce lundi après-midi. Ils protestent contre la dégradation de leurs conditions de travail et des rémunérations jugées insuffisantes. Certaines audiences n'ont pas pu se tenir.
Des greffiers allongés sur le sol du Tribunal de grande instance de Paris pour signifier une profession à bout de souffle. Ils sont encore des dizaines réunis sur les marches du palais de justice historique, situé sur l'île de la Cité, en majorité vêtus de robes noires, à chanter des Marseillaises et à scander des slogans : "Greffiers en colère, révisez nos salaires".
Sur leurs pancartes, les mêmes mots qu'ils brandissent depuis le début de ce mouvement spontané, hors syndicats, lancé en protestation contre un projet de nouvelle grille indiciaire, après des années de conditions de travail dégradées et de salaires qui n'évoluent pas.
Ils ont du mal à trouver des remplaçants pour tenir les audiences
Hervé Bonglet, secrétaire général de l'Unsa Services judiciairesFrance Info, le 3 juillet 2023
De quoi ralentir sérieusement le flot de comparutions immédiates qui fait suite aux émeutes après la mort du jeune Nahel à Nanterre. Hervé Bonglet, secrétaire général de l'Unsa Services judiciaires a déclaré auprès de nos confrères de France Info : "ils ont du mal à trouver des remplaçants pour tenir les audiences." Si les procureurs sont largement mobilisés, les greffiers constituent un rouage essentiel. Et ils ont été "sursollicités" ces derniers jours.
"Pas de greffiers, pas d'audience"
Tout le week-end, plusieurs dizaines de comparutions immédiates ont eu lieu dans les tribunaux franciliens habituellement fermés. Cet après-midi, certaines de ces audiences ont dû être renvoyées à cause de la mobilisation de ces auxiliaires de justice. La loi permet cependant de remplacer des greffiers absents par d'autres agents du tribunal qui peuvent, dans ce cas, prêter serment.
Interrogé par l'AFP, un greffier qui exerce à la permanence du parquet du tribunal judiciaire de Bobigny (Seine-Sait-Denis) constate que la surcharge de travail n'est pas récente : "Je sais à quelle heure j'arrive le matin, 8h, mais je ne sais jamais quand je pars." Car sans les greffiers, difficile de tenir une audience, il ajoute : "On est les spécialistes de la procédure. Le magistrat traite le fond, nous on constitue le dossier, et on s'assure qu'il est en conforme au code de procédure pénale." Ce sont aussi les greffiers qui avisent les victimes, les avocats, les interprètes si besoin. À l'audience, au pénal, eux encore qui "notent tout" ce qui se dit, qui s'assurent que les droits des mis en cause soient respectés.
Claire, est greffière dans l'Essonne, en tribunal de proximité, aux prises avec "les souffrances des gens au quotidien" selon elle. Après 23 ans de carrière, elle a aujourd'hui espoir que les choses s'améliorent. "Personne ne nous connaît (…) mais on fait ce métier par choix, pas par dépit, pour rendre une bonne justice", ajoute-t-elle. "On a un très grand sens du service public, c'est rare qu'on fasse ce genre de mouvement... mais nos conditions de travail se sont dégradées depuis des années, alors que c'était déjà pas terrible."
L'intersyndicale a été reçue au ministère de la Justice la semaine dernière mais en est ressortie très déçue. Un nouveau rendez-vous est fixé ce mardi matin.