La Chapelle : l'histoire sans fin des migrants expulsés des campements

634 migrants ont été évacués tôt ce matin d'un campement à la Chapelle (XVIIIe arrondissement de Paris). Mais près de 400 sont restés sur le trottoir, faute de place dans les bus. Des hommes isolés et des familles qui errent dans Paris depuis des mois, au gré des évacuations.

Ils n’ont pas pu monter dans les bus faute de place. Plus de 400 hommes, femmes et enfants qui dorment depuis un mois sous le pont du métro aérien à La Chapelle se retrouvent désormais sur le trottoir avec leurs sacs à dos, sans savoir où aller.

"L'opération d'évacuation a commencé à 7h ce matin mais les bus ont été très vite pleins. On voulait monter dedans mais la police nous a repoussé, raconte Saïd, 27 ans, originaire de Somalie. Nous étions prêts à aller n'importe où en France, peu importait. Tout ce qu'on veut, c'est un toit. On a juste besoin de dormir."

A côté de Saïd, un père de famille Afghan, accompagné de ses six enfants âgés de 8 à 14 ans. Il ne parle pas français et cherche à savoir si une autre évacuation aura lieu dans la journée. Grâce à un traducteur sur son téléphone, il nous explique sa situation : "La police est venue ce matin. Cela fait un mois que nous sommes ici."

Lui aussi a tenté de monter dans le bus, sans y parvenir. "Nous sommes dans la rue depuis décembre. Je ne sais plus où aller. J'appelle tous les jours le 115 mais il n'y a pas de solution. Et là, la police vient de prendre notre tente avec nos couvertures et nos vêtements. Je suis à bout."

L'homme se dit militaire. Il a quitté son pays parce qu'il était menacé. C'est également le cas d'un de ses compatriotes assis quelques mètres plus loin. Sur son téléphone, il nous montre ses diplômes et ses photos en habit de soldat, aux côtés de l'armée française. "J'étais sergent-chef dans le district de Tagab en Kapisa depuis onze ans et je travaillais avec les Français. Lorsque les Talibans ont repris le pouvoir, je les ai aidé à évacuer. Je pensais que la France aurait une place pour moi mais personne n’a rien fait et j'ai dû m'enfuir."

Arrivé en France il y a une semaine après un long périple depuis l'Iran où il s'était réfugié, cet homme fait désormais partie de ces milliers de migrants qui peuplent les rues de la capitale. Qui errent de campements en campements, au gré des évacuations. Il y en a eu seize depuis le début de l'année.

"Autant de personnes restées sur le carreau, c’est assez exceptionnel"

Une histoire sans fin qui désespère les associations qui ont décidé de leur venir en aide comme Utopia56. "Autant de personnes restées sur le carreau, c’est assez exceptionnel. Il y a eu une opération de comptage hier soir réalisée par France Terre d'Asile mais comme toujours, le nombre de migrants a été sous-évalué, regrette Flore d'Utopia56. Il faut qu’on arrête cette politique, qu’on offre enfin des hébergements aux gens. Nous avons 200 mineurs à la rue à Ivry depuis cinq mois. Et nous venons d'apprendre que 14 000 places d'hébergement allaient être supprimées. "

Dans un communiqué publié cet après-midi, la préfecture de la région Île-de-France reconnait avoir sous évalué le dispositif : "Les maraudes de France Terre d'Asile indiquaient une présence comprise entre 550 et 600 personnes (...) Cependant, l'afflux soudain et important de nouvelles personnes n'a pas permis la prise en charge de l'ensemble du public présent, et ce malgré les moyens importants déployés par les services de l'Etat qui poursuivront leur mobilisation dans les prochaines semaines pour permettre une prise en charge de ceux n'ayant pu bénéficier d'une orientation."

Ce matin, 634 hommes isolés ont été pris en charge. 228 d'entre eux ont été acheminés vers des centres d'hébergements en Île-de-France, 406 dirigés vers la province.

"Je veux juste un endroit où dormir avec ma famille"

Pour ceux qui sont restés, le seul espoir est désormais de pouvoir réintégrer le camp, nettoyé par un bulldozer et pour le moment interdit d'accès par les policiers. Parmi eux, Fayçal, 12 ans, au bord des larmes. Le petit garçon s'exprime dans un français parfait. "Je veux juste un endroit où dormir avec ma famille, même si c'est ici", dit-il en pointant le no man's land qui lui servait de refuge depuis deux semaines. Depuis son expulsion de la Suisse où il vivait depuis sept ans.

"J'étais à l'école, en classe de 8e (NDLR : équivaut à la classe de 6e en France) mais nous n'avons pas obtenu les papiers pour rester. Je voudrais retourner à l'école. Qu'est-ce qu'on va faire maintenant ?", se demande-t-il.

A 17h, un important dispositif de CRS était toujours en place à la Chapelle et tentait de disperser les personnes. 

Selon les chiffres de la préfecture d'Île-de-France, depuis le début de l'année, 4 649 personnes ont été mises à l'abri dans le cadre de 16 opérations conduites par les services de l'Etat. 12 380 orientations vers des solutions d'hébergement en région ont été réalisées depuis janvier 2022. 

 

 

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