Nous paysans : la crise de la Covid-19 a accéléré le développement des circuits courts alimentaires

Acheter ses légumes sans passer par un intermédiaire, des Franciliens y croient. Comme à chaque crise sanitaire ou de confiance, les consommateurs se tournent vers les circuits courts.

"Avec le confinement qui débute à 18h, on a adapté les horaires de distribution, du coup ce sont les gens qui sont en télétravail qui se dévouent pour installer les tables", plaisante Céline. Cela fait trois ans que cette jeune parisienne a rejoint l'Amap (association pour le maintien d'une agriculture paysanne) du XVe arrondissement. Elle avait envie de changer de canal de distribution, de passer au circuit court, si possible bio et surtout avec des produits de saison.  

40 personnes sont inscrites dans cette Amap située près de la Motte-Piquet. Ce mardi, tous masqués, les adhérents viennent comme toutes les semaines chercher leur panier de légumes. Le système de prépaiement est le socle du fonctionnement de l'Amap.

Le principe est simple explique Céline : un contrat lie un producteur (la plupart du temps, de fruits et de légumes, mais parfois aussi de volailles, d’oeufs, de fromages…) à un petit groupe de consommateurs. Le producteur s’engage à fournir chaque semaine des produits frais et les adhérents paient lors de leur inscription une cotisation correspondant à 1 an de paniers.

"Chez nous, le montant de la cotisation est de 16,50 euros par semaine, et par contrat notre maraichère s'engage à fournir 5 ou 6 types de légumes chaque semaine", explique Celine.

L'avantage pour la maraichère, continue-t-elle, c'est qu'elle bénéficie d’une avance de trésorerie pour faire face aux dépenses de son exploitation (pertes liées aux aléas climatiques ou aux problèmes phytosanitaires, achats de semences...) sans avoir à s’endetter auprès d’une banque. L'avantage pour les Amapiens comme ils s'appellent entre eux, c'est de pouvoir acheter des légumes de saison qui sont d’une fraîcheur irréprochable (généralement cueillis le matin même du jour de livraison), et qu'il n'y ait pas de gaspillage puisque la maraichère vend tout ce qu'elle apporte.

On passe directement du producteur au consommateur

Elle arrive juste à l'heure avec sa camionnette de Sougy, une petite commune de la Beauce située à environ 100 km de Paris. Dans sa première vie, Mélanie travaillait en région parisienne dans un laboratoire de recherche sur les allergies alimentaires. "Depuis un certain temps avec mon conjoint on avait envie de mettre en conformité nos valeurs et nos actes. J’ai donc suivi une formation et passé un brevet professionnel de responsable d’exploitation agricole".

"Je suis issue d’un milieu d’agriculteurs, poursuit-t-elle. Mon père m’a prêté 1,2 ha de son exploitation pour que je débute mon activité de maraîchage. J’ai choisi le maraichage car c’est une culture à taille humaine et en plus j’adore les légumes ! Toutes les semaines, lorsque je viens livrer mes légumes, j’apprécie les échanges avec les Amapiens. Il y a une reconnaissance de la qualité de mes produits et c’est très valorisant".

"Manger au temps du coronavirus"

Chaque crise sanitaire, comme la maladie de la vache folle ou la crise des lasagnes à la viande de cheval, ramène des consommateurs dans les circuits courts constate Yuna Chiffoleau, directrice de recherche à l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae).

Si l’engouement n’est pas nouveau, il s’est ­accéléré ces derniers temps. "Il y a une dizaine d’années, le circuit court, c’était 10% du panier alimentaire moyen. Aujourd’hui, c’est entre 15% et 20%, ce qui représente environ 20 milliards d’euros annuels", précise-t-elle.

"Pour connaitre les habitudes alimentaires des Français, deux jours avant le premier confinement nous avons lancé une enquête sur l’alimentation", poursuit la sociologue également co-directrice de l'enquête sur nos systèmes alimentaires intitulée "Manger au temps du coronavirus".

"Nous avons observé au départ, un rush de la population vers les supermarchés (la peur de manquer a entrainé par exemple un stockage de produits secs) mais au même moment, les agriculteurs locaux ont été, eux aussi, largement sollicités pour fournir des produits frais. En Île-de-France, les maraichers ont vu les demandes être multipliées par 10", détaille-t-elle. "Les motivations principales de cet engouement pour la production locale étaient que les produits étaient moins manipulés et qu’il y aurait donc moins de transmission possible du virus".

Plus de circuit-court qu'auparavant

D’autres éléments sont venus renforcer le système des circuits courts, dans cette enquête plusieurs points ont été observés. "Les citadins étaient dans la recherche de produits de qualité, ils avaient plus de temps pour faire la cuisine et surtout une solidarité s’est instaurée vis-à-vis des producteurs locaux, particulièrement après l’annonce de la fermeture des marchés en plein air", explique Yuna Chiffoleau.

Les réseaux sociaux ont aussi joué un grand rôle et faciliter les relations entre citoyens les producteurs, rappelle la sociologue. Des groupements d’achat intra-familiales et entre amis se sont aussi mises en place et ce qui a facilité les choses. Enfin, autre argument : les producteurs pouvaient faire de la livraison à domicile.

"Est-ce que cela va durer ?", s'interroge Yuna Chiffoleau. "Aujourd’hui, la vie a repris, la circulation automobile s’est intensifiée et c’est plus compliqué pour les producteurs d’effectuer de la livraison à domicile. Mais ce que l'on peut remarquer, c’est que le niveau de circuit-court reste quand même plus fort qu’avant la crise de la Covid-19".

"Pour faire face à la demande de la population, les collectivités locales, sont très motivées pour développer les circuits courts. Aujourd’hui, elles réfléchissent à créer des marchés, des boutiques de producteurs ou encore à installer des producteurs sur des terrains communaux. C’est un choix politique", précise Yuna Chiffoleau. Selon elle, les consommateurs sont en demande de ce type d’initiative et c'est grâce à cet engagement que le circuit court continuera à gagner du terrain.

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