Des distributions alimentaires pour les étudiants sont organisées à Paris et en Île-de-France. Une enquête de l'association Linkee confirme que la précarité des étudiants progresse et même s'amplifie.
"Depuis la rentrée, les prix ont beaucoup augmenté", explique Morgane, étudiante à l'Inalco, l’Institut national des langues et civilisations orientales, près du campus de Diderot dans le 13e arrondissement, "sans l’association Linkee, je pense que je ne pourrais pas manger des légumes tous les jours, je pense que je tournerais aux pâtes", avoue Morgane.
Des distributions faites par des étudiants pour des étudiants
Morgane est à la fois bénévole et bénéficiaire de Linkee. Depuis 2016, l'association récupère des denrées invendues ou en surplus auprès des supermarchés pour les distribuer aux étudiants ou personnes en grande précarité. Chaque semaine, la jeune femme distribue des colis, et à l'issue de la distribution repart avec un colis sous le bras. "En général dans les colis, on trouve des produits frais et bio, mais aussi des protections féminines, et parfois des places de cinéma", raconte la jeune femme. "Chaque panier permet, en un déplacement, d’avoir de quoi manger toute la semaine", ajoute-t-elle.
"La crise du Covid a mis en lumière la précarité des jeunes", explique Julien Meimon, président de l'association Linkee. "En octobre 2020, les files d’attente étudiantes pour accéder à l’aide alimentaire avaient choqué l’opinion. Deux ans après", dit-il, "le constat est toujours le même. Pire, de nouveaux étudiants sont venus grossir les rangs de nos distributions."
Deux ans après, "les files d'attente pour l'aide alimentaire ne font plus la une de l'actualité, mais elles sont toujours là, toujours plus importantes", explique Julien Meimon. Et de poursuivre : "Pour nous, rien n'a changé. La semaine dernière, nous avons battu le triste record du nombre de colis distribué en une semaine en Île-de-France, un chiffre qui s'élève à une dizaine de milliers de colis", se désole-t-il.
"Les files d'attente sont très longues, lundi soir, près le campus de Diderot, nous avons distribués près de 600 paniers, en trois heures", abonde Morgane.
97 % sont touchés par la précarité alimentaire
Linkee vient de publier, une enquête sur la précarité post-Covid des étudiants sur la base d'entretiens longs menée auprès de 4000 étudiants, tous bénéficiaires de l’aide alimentaire.
Cette étude met en lumière les conditions de vie précaires d'une grande majorité des étudiants interrogés. "97% des étudiants se restreignent sur la qualité et la quantité de leur alimentation", observe Julien Meimon. "Faute de moyens, ils sont un quart à ne pas pouvoir acheter de fruits, près de 2 sur 3 à ne pouvoir acheter ni viande, ni poisson, et 11% à ne même pas accéder aux légumes", détaille-t-il. "Les pâtes deviennent le repas quotidien". "Et encore", insiste Julien, "même ces produits de base ont vu leur prix augmenter avec l’inflation."
Autre chiffre dévoilé dans l'enquête : près de 2 étudiants sur 3 disposent d'"un reste à vivre" de moins de 50 euros, après avoir payé leurs factures (logement, charges, abonnement de transport, internet et téléphonie). Avec ces 50€, soit moins de 12€ par semaine, ils doivent couvrir l’ensemble des dépenses d’alimentation, d’habillement, de santé et de loisirs.
Linkee est présente en Île-de-France dans une vingtaine de villes. A Créteil, Saint-Quentin-en-Yvelines, Aubervilliers, ou encore Malakoff. Les distributions de colis sont organisées dans des bars, des restaurants ou sur les campus universitaires.
L'association "1 Cabas pour 1 Etudiant"
Même bilan pour Marion Dolisy-Galzy, créatrice du site 1 Cabas pour 1 Etudiant qui met en relation un parrain et un étudiant. "Les étudiants ne peuvent pas se nourrir correctement, et ce n'est pas possible de s'arrêter à ce constat", explique-t-elle.
L'idée de la création de ce site est née le 3 février 2021, en pleine crise sanitaire, raconte-t-elle. "Je suis à ce moment-là dans un supermarché. Il est 17h45. Cela fait plusieurs semaines que je vois à la télévision les images des étudiants qui font la queue dans les distributions alimentaires", se souvient cette cheffe d’entreprise. "En allant à la caisse, je croise dans un rayon une étudiante en train de calculer ses courses sur son téléphone portable. Je la vois reposer son paquet de sucre…"
Touchée par la situation de précarité des étudiants, elle décide de créer un site de parrainage de proximité. "Le but est de mettre en relation une personne qui souhaite s’engager en faveur de jeunes en difficulté, et un étudiant dans le besoin", résume Marion Dolisy-Galzy.
125 parrainages fonctionnent actuellement en Île-de-France et l'association continue de chercher des parrains. "Pour que le lien soit plus facile, le mieux c'est qu'elles résident dans la même ville", précise-t-elle.