Rentrée universitaire : "Il y a urgence à lutter contre la précarité étudiante"

A l’approche de la rentrée universitaire, les organisations étudiantes pointent du doigt une nette hausse du coût de la vie, et des mesures insuffisantes pour lutter contre la précarité face à l’inflation.

"Quand je vois l’augmentation des prix, j’appréhende… Je me demande comment la rentrée va se passer, et combien je vais devoir demander à mes parents." Lucas, étudiant en deuxième année de master en sciences sociales à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), joint les deux bouts grâce à l’aide de sa famille, qui représente "de deux tiers aux trois quarts" de son budget. Il a également un job étudiant : "Je fais du tutorat pour un étudiant non-voyant de ma fac, je l’aide pour ses travaux. Ça me prend entre 12 et 16 heures par semaine."

"La rentrée, c’est toujours une période un peu compliquée. Dès qu’il y a des dépenses exceptionnelles, par exemple du matériel informatique, je fais les comptes pour savoir où j’en suis. Loyers, courses… En général, ça tient bien, et j’arrive à consulter mon psychologue régulièrement. Mais pour réduire les dépenses de santé je ne consulte pas forcément, et pour les sorties avec mes potes je demande à aller dans des endroits pas trop chers", raconte Lucas, âgé de 28 ans.

"J’ai fait ma licence à Corbeil-Essonnes. A Saint-Denis, je paie le même loyer pour une location deux fois plus petite. Pour les transports, je dois aujourd’hui payer mon pass Navigo plein pot. A partir d’un certain âge, l’université ne prend plus en charge la moitié du montant", ajoute-t-il.

"Je ne suis pas le plus à plaindre, j’en suis conscient, je peux faire appel à mes proches. Mais dépendre de sa famille, ce n’est pas facile au quotidien. J’ai peur pour l’avenir, en cas de changements, mes parents ne pourront pas forcément m’aider", explique cet étudiant non boursier, "à la limite" d’être éligible.

"On demande la mise en place d’une allocation d’autonomie"

Loyers, alimentation, bourses insuffisantes… Pour l'année 2022-2023, le coût de la vie étudiante augmente de 6,47%, selon une enquête de l’Unef publiée ce lundi. Cette hausse représente un budget supplémentaire nécessaire de 35,7 euros de plus par mois, d’après le syndicat étudiant. Et ce alors que l’inflation s'élève à 6,1% en juillet, selon les chiffres de l’Insee.

L’Unef souligne que "la quasi-totalité des postes de dépenses" augmente, à l'exception de celui des transports qui stagne en raison notamment de politiques publiques locales dans les grandes villes. "Ça fait des années qu’on alerte sur la question de la précarité étudiante, déplore Samya Mokhtar, vice-présidente du syndicat. Cette année, l’inflation touche tout le monde mais particulièrement les plus précaires et donc les étudiants, avec le prix des produits de première nécessité et l’énergie par exemple."

"Pour l’alimentation, la situation qu’on dénonçait avec la crise sanitaire perdure. Des étudiants ont du mal à se nourrir, certains sautent des repas. Il y a toujours autant d'étudiants dans les files d'attente des distributions alimentaires. C’est terrible, il y a une urgence à lutter contre la précarité étudiante", indique Samya Mokhtar.

Elle pointe du doigt "le bilan du précédent quinquennat d’Emmanuel Macron, avec des mesures pas efficaces et des investissements pas à la hauteur pour aider les étudiants". Alors que le gouvernement prévoit de revaloriser les bourses de 4% à la rentrée, cette mesure reste insuffisante d’après le syndicat.

"Il faut repenser totalement le système. On demande la mise en place d’une allocation d’autonomie calculée sur le seuil de pauvreté, à destination de l’ensemble des étudiants. Leurs revenus reposent soit sur l’aide de leurs parents, qui n’est pas stable, soit sur le salariat, qui est la première cause d’échec dans l’enseignement supérieur. Ça creuse les inégalités", dénonce la vice-présidente de l’Unef.

La Fage dénonce des annonces "inférieures à l’augmentation du coût de la vie"

De son côté, la Fage estime la hausse des dépenses pour les étudiants à 7,38% sur un an, dans son étude annuelle publiée également ce lundi. Entre 2021 et 2022, l'ensemble des dépenses (frais de vie courante cumulés aux frais de rentrée) atteint ainsi 2 527 euros en moyenne selon l’organisation étudiante. A eux seuls, les frais de rentrée passent de 1351,14 euros à 1374,70 euros en Île-de-France sur un an, contre une hausse de 1132,44 euros à 1164,36 euros en région. 

"Pour la plus grande partie des étudiant·e·s, celle qui ne perçoit aucune bourse, faire face au coût réel d’une année étudiante est inimaginable sans recourir au soutien de la famille, ou à défaut, au salariat. Cette triste réalité suffit à expliquer que les jeunes issu·e·s des familles les plus modestes sont aussi celles et ceux qui ont le moins accès au diplôme ou qui présentent le plus de risques de décrochage", déplore la Fage, qui dénonce une "inégalité d’accès à l’enseignement supérieur".

La Fage dénonce des annonces gouvernementales "inférieures à l’augmentation du coût de la vie et en-deçà des besoins des étudiant·e·s". L’association demande notamment "une réforme des APL" mais aussi "une réforme structurelle des aides sociales étudiantes", "revalorisées et indexées sur l'inflation", avec la "fin des échelons" et un "versement sur 12 mois". Face à une flambée du prix des mutuelles étudiantes, la Fage préconise par ailleurs le rattachement des étudiants boursiers à la complémentaire santé solidaire.

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