Université : la rentrée chaotique des étudiants de La Sorbonne Nouvelle

Après deux ans de retard sur le calendrier initial, l'université Sorbonne Nouvelle fait enfin sa rentrée dans des locaux flambants neufs situés dans le 12e arrondissement de Paris. Mais il manque une trentaine de classes pour accueillir les 16 500 étudiants.

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Avec sa façade blanche aux lignes ondulées, percée de fenêtres trapézoïdales, c’est un bâtiment qui ne passe pas inaperçu dans le quartier de Nation (12e). Conçu par Christian de Portzamparc, le premier Français à avoir reçu le Prix Pritzker en 1994 (l’équivalent du prix Nobel en architecture), le nouveau campus de l’Université Sorbonne Nouvelle a tout pour séduire, sur le papier. A l’intérieur, une bibliothèque en triplex dotée de 1100 places assises, un théâtre, une salle de cinéma. Mais également trois amphithéâtres, 146 salles de cours, deux salles de sport, un vaste restaurant universitaire… Un projet évalué à environ 150 millions d’euros destiné aux étudiants de Paris 3 contraint de déménager de leur site historique de Censier, obsolète et amianté.

"C’est très beau, ça en jette", s’extasie Marina, 18 ans qui découvre pour la première fois ces locaux livrés en février dernier. L’étudiante, inscrite en première année de littérature, se dit pourtant désenchantée. "J’aurais dû reprendre hier, mais on a appris il y a deux semaines que la rentrée était repoussée au 3 octobre. Pour des problèmes d’organisation je crois. Je suis un peu inquiète et j'attends de voir comment cela va se passer."

 

Car malgré la taille de son bâtiment, 35 000 m2 dont 25 000 m2 de surface utilisable, l’Université Sorbonne Nouvelle n’est pas en capacité actuellement d’accueillir ses 16 500 étudiants. Par manque de place selon Emma Rubio-Milet, professeur d’espagnol, qui a suivi le projet de construction depuis le début. "Il manque 30 salles de cours. L’université semble en avoir pris conscience en juin alors que cela fait plus de 8 ans que nous le disons, depuis que nous avons vu les premiers plans d’architecte." En 2016, les membres du CHSCT (comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail) de l’Université avaient notamment mandaté un cabinet pour réaliser une expertise. "Il a démontré que nous aurions certainement des problèmes de place, mais l’ancienne équipe de la présidence de l’Université n’a pas tenu compte des recommandations", poursuit Evelyne Payen-Variéras, maître de conférence en anglais et élue CGT du conseil d’administration.

Pour pallier ces difficultés, l’université a dû trouver cet été 12 autres salles de cours à louer : à la Défense ou encore dans des lycées situés dans le sud de Paris. Refaire de nouveaux plannings dans la précipitation. Mais également mettre en place des cours en distanciel pour les enseignements dit « transversaux ».

Des mesures temporaires selon le président de l'Université Jamil Jean-Marc Dakhlia. "Chaque rentrée universitaire est un défi en soi. Là, s’ajoute la prise de possession de locaux complètement différents. Cela nécessite un temps d’adaptation." S'il reconnait un déficit de salles capables d'accueillir des groupes d'une quarantaine d'étudiants, pour Jamil Jean-Marc Dakhlia, il s'agit surtout d'une question d'organisation. "On ne peut pas juste tabler sur le nombre de salles. Il y a aussi des salles spécialisées qu'il faut intégrer dans les calculs qui sont des salles de pratique artistique ou des salles informatiques que nous n'avions pas avant, ou pas dans ces proportions-là. Et ça, ça change complètement le mode d'utilisation des locaux parce que ce sont des salles qui peuvent être mutualisées à certains moments. C'est comme-ci on changeait complètement de logiciel."

Le président de l’Université a demandé cet été aux enseignants de refaire leurs emplois du temps, arrivés trop tardivement selon lui, en étendant leurs plages horaires pour optimiser l'espace. Impossible pour Evelyne Payen-Variéras, maître de conférence.

En anglais, nous avions 13 salles auparavant. Aujourd’hui, nous en avons huit. Dire que c'est une question de planning, ça n'est pas sérieux. Ca ne rentre pas et tous les créneaux sont déjà pris.

Evelyne Payen-Variéras, maître de conférence

D'autant que pour le moment, tous les locaux ne sont pas accessibles comme la salle de cinéma ou deux amphithéâtres, dont le plus grand de 500 places. Et que des problèmes plus graves sont apparus la semaine dernière, lors d'une réunion d'accueil des élèves. Un élément d’une corniche en bois pesant plusieurs kilos s’est détaché et a frôlé une étudiante. Un incident "inadmissible et scandaleux" pour le président de l’Université qui a demandé au ministère si des poursuites pouvaient être engagées contre l’entreprise de construction.

Une rentrée chaotique qui a de quoi agacer un personnel déjà sous tension. Ce mardi après-midi, une cinquantaine de membres de l'Université et des étudiants se sont réunis en assemblée générale pour lister l'ensemble des difficultés rencontrées et les conditions de travail qu'ils estiment dégradées depuis plusieurs années. Deux motions ont été votées. L’une demandant le retour à un climat plus apaisé avec la présidence de l’Université. L’autre la fin des cours en distanciel mis en place en septembre.

"On a déjà vu pendant le Covid que le distanciel entraînait une véritable rupture sociale avec l’absence de contact avec les enseignants, les autres étudiants. Que cela entraine aussi des problèmes en termes d’accès au numérique. C'est entendable en cas de crise sanitaire mais ça ne l'est plus aujourd'hui, pas à cause de locaux qui ont été sous-dimensionnés", estime Paul Malherbe, président de l’Unef de la Sorbonne Nouvelle. L’organisation syndicale demande également que d’autres salles de cours soient cherchées dans le quartier pour permettre aux étudiants de déjeuner sur le site et d’avoir accès à ses équipements derniers cri. 

De son côté, la présidence de l'Université a décidé de mettre en place un groupe de travail qui doit analyser l’occupation réelle des salles. Elle a également mandaté un prestataire extérieur pour analyser l'occupation des locaux et faire des préconisations. 
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