Tandis que l’invasion russe en Ukraine se poursuit, la Fondation Louis Vuitton confirme la prolongation de l’exposition jusqu’au 3 avril prochain. Alors que les pays européens multiplient les sanctions, les œuvres risquent-elles d’être saisies ?
Ces "icônes de l’art moderne" avaient été nationalisées par Lénine en 1918, suite à la révolution bolchevique. La collection, qui réunit 200 œuvres françaises et russes des frères moscovites Mikhaïl Abramovitch Morozov et Ivan Abramovitch Morozov, va-t-elle repartir vers Moscou et Saint-Pétersbourg à la date prévue ? Matisse, Picasso, Gauguin, Van Gogh… Les tableaux, exposés depuis le 22 septembre à la Fondation Louis Vuitton dans le bois de Boulogne, appartiennent en grande partie à des musées et des propriétaires russes.
Le Musée de l’Ermitage, le Musée des Beaux-arts Pouchkine, le Musée National Russe, la Galerie Trétiakov et la Fondation Culturelle Ekaterina figurent en effet parmi les partenaires de l’événement. A noter que certaines œuvres exposées appartiennent par ailleurs au musée national des Beaux-Arts de la Biélorussie à Minsk, et au Musée des Beaux-Arts de Dnipropetrovsk, en Ukraine.
"Il serait difficile de saisir ces tableaux", explique Me Olivier de Baecque, spécialiste en droit de l'art. L’avocat rappelle un précédent, en 1993 : "A l’occasion d’une exposition Henri Matisse au centre Pompidou, avec des œuvres du collectionneur Sergueï Chtchoukine, ses ayants droit avaient tenté de faire saisir les tableaux, prêtés par des musées nationaux russes. Les héritiers estimaient que la nationalisation des œuvres en 1918 par l’Union Soviétique était une spoliation. La justice française a finalement rejeté la demande, sur le fondement de la souveraineté des Etats. Mais l’affaire a par la suite suscité l’inquiétude des musées."
Des tableaux légalement "insaisissables"
Un an plus tard, le 8 août 1994, une loi a donc été promulguée, poursuit Me Olivier de Baecque : "Ce mécanisme a permis de rendre insaisissables les œuvres prêtées par une puissance étrangère ou une institution étrangère, lors de leur séjour en France. Avant chaque exposition, il suffit de promulguer un arrêté d'insaisissabilité, et de proroger le dispositif en cas de prolongation de l’événement." Les arrêtés pris dans le cadre de l’exposition de la collection Morozov et de sa prolongation sont ainsi consultables en ligne (ici et là). Il est indiqué que les tableaux concernés sont légalement insaisissables "jusqu'au 15 mai 2022".
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De son côté, la Fondation Louis Vuitton confirme le maintien de l’exposition jusqu'au 3 avril. D’après nos informations, la fondation compte "respecter toutes les lois internationales et veiller à la protection des œuvres". C'est la première fois depuis sa création que la collection quitte la Russie, explique la page dédiée à l'événement. L’exposition a déjà attiré plus d’un million de visiteurs.
Au-delà du cas de la Fondation Louis Vuitton, le château de Versailles a prêté trois tableaux au Musée du Kremlin, dans le cadre d’une exposition sur l’histoire du duel. L'ouverture est prévue le 4 mars.