Procès de l'incendie de la rue Erlanger : "J'ai actionné mon briquet et je suis partie sans me retourner", explique l'accusée

"Je n'ai pas réfléchi aux conséquences", a regretté lundi l'incendiaire présumée de la rue Erlanger à l'ouverture de son procès devant les assises de Paris, quatre ans après le sinistre qui a tué dix personnes dans la nuit du 4 au 5 février 2019.

Société
De la vie quotidienne aux grands enjeux, découvrez les sujets qui font la société locale, comme la justice, l’éducation, la santé et la famille.
France Télévisions utilise votre adresse e-mail afin de vous envoyer la newsletter "Société". Vous pouvez vous désinscrire à tout moment via le lien en bas de cette newsletter. Notre politique de confidentialité

"J'ai actionné mon briquet et je suis partie sans me retourner", relate dans le box des accusés Essia B., 44 ans. Le visage bouffi, les traits tirés, mais la voix claire et posée, elle reconnaît avoir mis le feu au deuxième étage de son immeuble du XVIe arrondissement de Paris "dans un esprit un peu gamin, de vengeance", après un différend avec un voisin.

L'incendie s'est alors rapidement propagé dans les étages de ce bâtiment en fond de cour, difficile d'accès pour les secours, piégeant de nombreux habitants dans leur appartement.

"C'était un geste qui n'était pas voulu, qui était insensé. Je n'ai pas réfléchi aux conséquences (...) je n'ai jamais voulu faire de mal à personne", assure-t-elle. "Je suis vraiment désolée pour les familles des victimes. C'est pas ce que je voulais", ajoute l'accusée entre deux sanglots, dans une salle d'audience remplie de parties civiles, habitants de l'immeuble ou proches de disparus. "Je sortais de l'hôpital psychiatrique, j'étais très mal (...) je ne dormais plus depuis quatre jours", tente d'expliquer l'accusée qui avait bu de l'alcool et fumé du cannabis le jour des faits.

Diagnostiquée avec un trouble de la personnalité "borderline", Essia B. est actuellement prise en charge dans une unité hospitalière spécialement aménagée (UHSA), une structure dédiée aux détenus nécessitant des soins psychiatriques. A la demande de ses avocats, elle détaille son lourd traitement : un anxiolytique, deux antipsychotiques et quatre antidépresseurs.

Enfant "très joyeuse", Essia B. raconte avoir grandi dans une "famille aimante, toujours présente". "Une famille d'intellectuels", avec un père d'origine tunisienne "chef des interprètes à l'Unesco" et une mère "directrice des langues à l'université de New York à Paris". Seule ombre au tableau, une "addiction au sucre", "dès (son) plus jeune âge".

"Une souffrance en moi"

Puis la bascule, à l'adolescence. Moquée par des camarades à cause de sa prise de poids, "je me suis refermée sur moi-même et je me suis affamée pendant des mois. J'ai fait une phase d'anorexie", explique l'accusée. A 14 ans, elle découvre la bière, avec des camarades plus âgés. "Ça a été une révélation. Le poids du monde s'est enlevé de moi et je me suis mise à l'alcool comme ça. A mon premier sevrage, à 17 ans, j'étais à 24 bières par jour. J'ai une souffrance en moi que je n'arrive pas à contrôler". Elle teste aussi toutes les drogues possibles, "sauf l'héroïne". "Ça me faisait déconnecter de la réalité".

Une trentaine d'hospitalisations

Après un diplôme hôtelier en Suisse, elle est embauchée en CDI dans un établissement haut de gamme à Biarritz (Pyrénées-Atlantiques), mais elle est rapidement mise en arrêt maladie.

Entre les cures de désintoxication et les séjours en structure psychiatrique à la demande de ses proches, Essia B. cumulait une trentaine d'hospitalisations au moment des faits. La dernière, quelques jours avant le drame, après un "délire mystique".

Si son casier judiciaire est vierge, le président de la cour lui rappelle plusieurs incidents : elle aurait mis le feu à des vêtements dans un magasin pour voler la caisse, aurait insulté et griffé des pompiers venus la secourir après une tentative de suicide. "Je m'en souviens plus M. le président, je vous jure", répète-t-elle, se justifiant par l'état second dans lequel elle se trouvait.

Elle affirme avoir "changé" en détention. "Aujourd'hui j'ai conscience (des conséquences de mes actes), ce drame m'a ouvert les yeux". "J'essaie, avec les psychologues, de savoir qu'est-ce qui se passe entre moi et le feu", ajoute-t-elle.

Deux expertises psychiatriques ont conclu que le discernement d'Essia B. n'était pas "aboli" lors des faits mais simplement "altéré". Si le jury retient cette circonstance, la peine encourue sera réduite à trente ans de réclusion criminelle. Dans le cas contraire, elle risque la perpétuité.

Source : AFP

Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
choisir une région
France Télévisions utilise votre adresse e-mail pour vous envoyer la newsletter de votre région. Vous pouvez vous désabonner à tout moment via le lien en bas de ces newsletters. Notre politique de confidentialité