Dans la vie de tous les jours, Vincent Periat est fleuriste. Dès qu'il a du temps libre, il flâne dans Paris et prend des notes, là où il passe. De ses balades, il en a tiré un livre de cartes insolites. Rencontre avec un baroudeur de l'asphalte parisien.
Faire une balade dans Paris avec Vincent Périat, c'est un peu comme ouvrir un livre d'histoire qui serait constamment en mouvement. Dans chaque rue, il a une nouvelle anecdote à partager. Chaque bâtiment est un prétexte pour raconter la petite et grande histoire qui va avec.
Chaque vendredi, il se déplace "la plupart du temps à pied" dans la capitale pour en parcourir les rues historiques. Dans le quartier du Marais, il s'arrête net devant des murs qui servent aujourd'hui de façade à un lycée. "Au Moyen-Âge, les murs formaient des fortifications avec l'enceinte du Philippe Auguste. Elle servait à l'époque à protéger Paris. Il y a eu des enceintes de protection de l'Antiquité jusqu'au 19ème siècle ", raconte-t-il.
Il arpente la ville de Paris avec son sac à dos et ses baskets depuis plusieurs décennies. Arrivé dans la capitale à 22 ans pour ses études, ce quarantenaire a tiré de ses flâneries un recueil dans lequel il répertorie 100 cartes "pour voir Paris autrement". Ces cartes sont l'objet de son premier livre : "Atlas Inutile de Paris" aux éditions le Tripode. "Ce livre est le résultat de 10 ans de travail et de promenades, j'explore chaque quartier comme d'autres exploreraient une île déserte."
À la recherche de curiosités dans cette ville qui le fascine. Si certaines cartes peuvent sembler d'utilité publique comme celle du ramassage des poubelles quartier par quartier, d’autres sont plus inattendues comme la carte des vacheries à Paris.
"Ce sont les étables et les laiteries qui figuraient à Paris avant 1895 et permettaient de tirer le lait des vaches", précise l'auteur. Au quotidien, il est fleuriste à Saint-Denis. Son histoire de Paris, il l'écrit sur son temps libre. "Je lis beaucoup. Je passe notamment beaucoup de temps à la Bibliothèque historique de la Ville de Paris."
En continuant plus loin, on découvre avec lui l'Hôtel de Sens. "Le monument est connu, mais on sait, qu’au début du 20ème siècle, il se trouvait dans un îlot insalubre. C'est là que l'on recensait les cas de tuberculose et plaçait les malades jusqu'à ce qu'ils soient guéris. J'en ai fait une carte également."
Une maison hantée en plein Paris
Le livre se structure toujours de la même manière : une carte et quelques phrases en légende sur chaque page pour expliquer le propos. "Certaines cartes nécessitent des explications, car il faut un contexte comme celles des maisons hantées et des fantômes dans Paris." Après avoir fait le tour du Marais, il ralentit le pas et baisse la voix.
"On arrive bientôt devant une maison hantée", nous dit-il calmement en approchant de la rue de Bièvre. Selon la légende, cette maison aurait connu "une malédiction qui a poursuivi une famille pendant des générations", raconte l'auteur d'un ton passionné.
"Un travail faisable par tout le monde"
Cette fascination pour la capitale, l'ancien étudiant en design la cultive depuis le plus jeune âge. "Mon grand-père m'a donné la passion de Paris et de son histoire. Enfant, j'habitais en Auvergne, lui avait vécu dans les Yvelines et quand il m'y emmenait, nous passions toujours par Paris où il me racontait des tas d'anecdotes", se souvient le fleuriste.
Vincent Périat n'est pas historien. Son travail est le résultat d'années de recherches personnelles et de curiosité. "Je n'ai pas vocation à ce que ce livre soit pris au sérieux. D'ailleurs, il y a peut-être certaines erreurs de localisation et dans les détails. C'est un livre pour tous les curieux de l'Histoire de Paris. Tout le monde peut avoir accès aux sources que j'ai consultées. Il faut simplement du temps et de la curiosité."
Un temps qu'il s'accorde en dehors de ses heures de travail. "Dès que je le peux, je prends le temps d'admirer Paris que je souhaite connaître toujours davantage", nous dit-il en scrutant au loin l'île-Saint Louis. "Elle fait partie de ces îles qui restent dans Paris alors que beaucoup ont disparu au fil des siècles. L'île Saint-Louis est née de la fusion de ce que l'on appelait au Moyen-Âge l'île aux Vaches et l'île Notre-Dame," explique-t-il.
En traversant le Pont Marie, il s’arrête encore pour contempler cette fois-ci un platane.
"Ça a l'air banal comme arbre, mais selon mes comptes, c'est celui que l'on retrouve le plus souvent à Paris", assure le professionnel de la botanique. L'une de ses cartes est d'ailleurs consacrée aux arbres à Paris.
Ce livre retrace 10 ans de promenades dans Paris. À l’avenir, il se voit réitérer ce travail dans une autre ville. "Mes amis me disent que cet 'Atlas Inutile' est déclinable dans beaucoup de grandes villes, alors pourquoi pas faire ça ailleurs en Europe", conclut-il, assis sur un banc. Et ce n'est pas n'importe lequel. Ce banc est au centre géographique de Paris. Un point central qui a, lui aussi, sa propre carte dans les pages de "l'Atlas Inutile de Paris".