INTERVIEW. Violences policières : Sébastien, manifestant éborgné suite à l'explosion d'une grenade de désencerclement à Paris

Le 23 mars dernier, Sébastien, cheminot de 46 ans, a perdu un œil après l'explosion d'une grenade de désencerclement lors de la mobilisation contre la réforme des retraites à Paris. Il n'avait pas souhaité s'exprimer dans la presse jusqu'à ce jour. Il nous a accordé une interview.

Sébastien travaille à la SNCF depuis 23 ans. Ce cheminot de 46 ans est chargé de l'entretien des TGV. Le 23 mars dernier, ce syndicaliste Sud Rail à Villeneuve-Saint-Georges dans le Val-de-Marne a perdu l'usage de son œil gauche suite à l'explosion d'une grenade de désencerclement alors qu'il défilait contre la réforme des retraites. Dans cette interview, il revient sur la manifestation et les violences policières.

Que s'est-il passé avant l'explosion de la grenade de désencerclement ?

Nous étions le premier cortège syndical. Un moment le cortège s'arrête. On s'est demandé pourquoi. J'étais avec mon fils, nous sommes allés voir ce qu'il se passait en tête de cortège. Nous sentions qu'il commençait à y avoir des tensions. On fait demi-tour. Je ne suis pas tout en noir. Pas de casquette. Plutôt en jaune, avec mon organisation syndicale. Au moment de repartir dans l'autre sens, je me suis retrouvé parmi un groupe de personnes.

D'un coup, je ne comprends pas ce qui m'arrive. Je me prends l'œil gauche. Mon fils me dit qu'une grenade de désencerclement m'a touché et je vois que mon œil saigne. Je ne m'y attendais pas. Je n'ai entendu aucune sommation et la police était relativement loin de nous. À côté de nous, il y avait beaucoup de gens qui n'étaient pas des casseurs.

Comment s'est déroulée votre prise en charge ? 

Mon fils m'a aidé à m'orienter. Nous sommes tombés sur des street medics et j'ai ensuite été pris en charge par les pompiers. Ils m'ont emmené à l'hôpital Cochin où je suis resté hospitalisé trois jours. J'ai été opéré le jour de mon arrivée. Je garde des séquelles physiques, j'ai perdu l'usage de mon œil gauche, mais également psychologiques. J'ai encore du mal à dormir depuis cet événement. 

Comment analysez-vous ces violences policières ?

Je ne suis pas spécialiste de ces questions. Je suis un syndicaliste qui milite. En revanche, j'observe que lorsque le gouvernement refuse le dialogue avec les organisations syndicales et de passer en force, les choses ne peuvent que dégénérer. Ce n'est pas la police, le problème mais le gouvernement reste sourd, et ne joue pas la carte du dialogue social. Les policiers sont fatigués, désabusés et se retrouvent en première ligne. Cette violence est générée par le positionnement idéologique d'Emmanuel Macron. Les gens ne veulent pas de cette réforme, et de mobilisations après mobilisations, il y a des excès de violence car il n'y a pas de discussion. Je pense qu'il va y avoir des séquelles irréversibles en termes de démocratie, de confiance dans les institutions républicaines, vis-à-vis de la police et même des élus.

 

Comptez-vous donner des suites judiciaires ? 

J'entends porter plainte. J'ai été contacté par l'Inspection Générale de la Police Nationale (IGPN) sur demande du procureur. Je prends néanmoins le temps de prioriser ma santé avant d'entamer des procédures judiciaires. Je prendrai contact avec un avocat d'ici quelques jours. Je le dois à tous ceux qui continuent à manifester de manière pacifiste. Je veux le faire afin de montrer qu'ils ne doivent pas être les premiers pris à partie lors des manifestations. 

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