Manifestation contre la réforme des retraites : des avocats déposent une centaine de plaintes suite aux gardes à vue arbitraires

Une centaine de plaintes ont été déposées par un collectif d’avocats au Tribunal judiciaire de Paris. Ils dénoncent les gardes à vue abusives subies par des manifestants et les suites judiciaires inédites. Une atteinte selon eux à la liberté de manifester. Explications avec Me Pascual, avocate et membre du collectif.

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Des arrestations en marge ou dans les cortèges et des gardes à vue qui durent jusqu’à 48 heures, c’est pour de nombreux citoyens la tournure qu’a prise le simple fait de participer aux manifestations contre la réforme des retraites.

Entre 100 et 115 plaintes ont ainsi été déposées au Tribunal judiciaire à Paris ce vendredi matin par un collectif de vingt-deux avocats. Leur motif : atteinte arbitraire à la liberté individuelle par personne dépositaire de l’autorité publique, non-intervention pour l’arrêt de privation de liberté et entrave à la liberté de manifester.

Dans un communiqué, s’appuyant sur les données de la préfecture de police, ces avocats soulignent qu’« il a été comptabilisé 425 placements en garde à vue aboutissant à seulement 52 poursuites judiciaires ». Un chiffre qui, selon eux, démontre un « recours aux placements en garde à vue (…) aussi massif qu’infondé ». Ils pointent également le « classement sans suite sous conditions » appliqué dans de nombreux cas.

Nous dénonçons d’abord ces arrestations arbitraires fondées sur peu, voire rien du tout.

Me Ainoha Pascual

Avocate

Interview de Me Ainoha Pascual, avocate, elle est membre de ce collectif qui a décidé de mener cette action en justice. Elle nous explique cette démarche judiciaire inédite.

Pourquoi avez-vous décidé de faire cette démarche ?

Me A.P. : Au fur et à mesure on s’est rendu compte qu’un nombre important de personnes a été interpellé et placé en garde à vue. Elles ont été relâchées sans aucune poursuite après 24 à 48 heures de garde à vue. On a voulu dénoncer cette volonté manifeste de dissuader les citoyens de participer à ce mouvement social.

Qu’est-ce que le « classement sans suite sous condition » que vous pointez du doigt dans ces plaintes ?

Me A.P. : Nous dénonçons d’abord ces arrestations arbitraires fondées sur peu, voire rien du tout. Ce qu’on a constaté c’est que la plupart des gardes à vue se sont soldées par un classement sans suite. Cela signifie que l’infraction n’est pas ou insuffisamment caractérisée. Mais il y a la volonté pour certaines gardes à vue d’aller plus loin. On leur dit « on va classer car il n’y a pas assez d’éléments, mais on va le soumettre à des conditions », c’est-à-dire que l’on va classer mais on va vous demander de ne plus participer à une manifestation, on va classer mais on va vous demander de donner votre téléphone.

D’une part il n’y a pas assez d’éléments pour poursuivre, mais d’autre part on impose une forme de peine, en dehors de tout débat contradictoire et sans aucune possibilité de contester. Cette procédure appliquée dans le domaine du maintien de l’ordre, cela reste inédit.

Contre qui portez-vous plainte ?

Me A.P. : Ces plaintes peuvent viser les policiers qui procèdent à ces gardes à vue arbitraires, mais aussi les parquetiers qui ne mettent pas de terme à la procédure. C’est pourquoi nous portons plainte contre X.

À quoi ces plaintes peuvent-elles aboutir ?

Me A.P. : On se fait peu d’illusion. Pourtant des magistrats se saisiront peut-être de ces affaires, cela arrive. Du côté de certains agents de l’Etat, il y a des responsabilités, c’est notre intime conviction. Nous attendons une prise de conscience de la part de la justice et du politique sur ce qui est en train de se dérouler.

 

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