Depuis jeudi, 755 interpellations ont eu lieu dans Paris lors de manifestations contre la réforme des retraites. Des élus, des magistrats et des avocats dénoncent des arrestations arbitraires. Le préfet de police de Paris Laurent Nunez se justifie.
C'est désormais devenu un rituel. Chaque soir depuis jeudi, des milliers de manifestants se retrouvent dans les rues de Paris pour protester contre la réforme des retraites et l'usage du 49.3 par le gouvernement. Le lendemain matin, chacun fait le décompte des incidents et des interpellations.
Ce mardi soir, au 6e soir de ces mobilisations, 3500 personnes étaient encore présentes place de la République. Un rassemblement dans le calme avant que des violences n'éclatent vers 21h. Après deux heures de tension avec les forces de l'ordre, plusieurs petits cortèges ont ensuite pris la direction du Châtelet ou encore de Bastille avec des feux de poubelles et l'installation de barricades sur le passage.
Selon le préfet de police de Paris, Laurent Nunez interrogé sur France Info ce matin, les pompiers ont dû intervenir à 85 reprises, notamment sur un feu qui s'était propagé à un immeuble rue de la Corderie dans le 3e arrondissement de Paris. 46 nouvelles interpellations ont eu lieu dans la soirée.
Critiques sur les interventions des forces de l'ordre
Depuis jeudi, ce sont 755 personnes qui selon nos comptes ont été interpellées dans la capitale. Des interpellations qui ont donné lieu à 9 déferrements jeudi, 13 vendredi, 20 samedi ou encore 19 dimanche faute d'infractions suffisamment caractérisées.
De quoi susciter les critiques de magistrats, d'avocats et d'élus. Lundi, le syndicat de la magistrature et le syndicat des avocats de France avaient dénoncé un usage abusif de ces gardes à vue et la brutalité de la répression. "Nous condamnons cette politique de répression du mouvement social et toutes les violences policières illégales qui seraient survenues au cours des derniers jours, et appelons à ce qu’elles ne demeurent pas sans suite, sans attendre de nouveaux drames", a notamment écrit dans un communiqué le syndicat de la Magistrature.
La Défenseure des droits a de son côté fait part de son inquiétude. Elle a alerté mardi sur les conséquences d'interpellations préventives synonymes de privation de liberté et rappelé les règles de déontologie dans le maintien de l'ordre, lors des manifestations contre la réforme des retraites. "Cette pratique peut induire un risque de recourir à des mesures privatives de liberté de manière disproportionnée et de favoriser les tensions", a averti Claire Hédon, se disant "préoccupée par les vidéos circulant sur les réseaux sociaux, de nombreux articles (...), témoignages et saisines reçus par l'institution sur de possibles manquements déontologiques dans le maintien de l'ordre au cours des évènements des jours derniers".
"Il n'y a pas d'interpellations massives"
Sous le feu des critiques sur sa gestion du maintien de l'ordre, le préfet de police Laurent Nunez s'est défendu ce mercredi matin, au micro de France Info, d'avoir fait procéder à des arrestations préventives. "Il n'y a pas d'interpellations massives. Évidemment, le temps de la garde à vue est de 48h. Il est parfois difficile d'établir la matérialité des faits en 48h (...) Quand on n'arrive pas à matérialiser les actes, les individus sont relâchés mais ça ne veut pas dire qu'il n'y avait pas d'infraction." Le préfet a également tenu à défendre la technique de nassage des manifestants, pourtant très contestée. "Les nasses sont mises en place uniquement les soirs de ces violences qu'on ne peut pas cautionner."
Particulièrement pointée du doigt par les manifestants et plusieurs observateurs : la Brigade de répression des actions violentes motorisées (Brav M), créée en 2019 en plein mouvement des gilets jaunes. Depuis jeudi, plusieurs vidéos circulent sur les réseaux sociaux et témoignent de dérives. Une enquête a été ouverte par l'IGPN après la diffusion lundi d'une vidéo montrant un policier des Brav M asséner un coup de poing à un manifestant. "J'ai demandé un rapport. C'est la procureur de Paris qui a saisi l'IGPN", a réagit Laurent Nunez qui refuse de jeter l'opprobre sur cette unité. "Les Brav M sont des compagnies d'intervention dont c'est le métier, qui sont formées. C'est une unité parfaitement adaptée pour disperser les groupes." Les députés de la France Insoumise viennent de demander leur dissolution au ministre de l'Intérieur.