Artiste, résistante, militante antiraciste, Joséphine Baker est la première femme noire à reposer au Panthéon. Arrivée en 1925 à Paris, elle a noué un lien indéfectible avec la capitale.
Celle qui va faire son entrée au Panthéon au coeur du quartier Latin à Paris, aujourd'hui, le 30 novembre, a eu plusieurs vies. Joséphine Baker est née américaine en 1906 dans une famille pauvre de Saint-Louis, dans le Missouri. Pour gagner sa vie, elle danse. Dans la rue. Dans des théâtres pour 10 dollars la semaine puis à Broadway. En 1925, elle arrive en France. Elle a 19 ans. Une nouvelle page de son histoire s'écrit dans la capitale des années folles.
Paris, Paris, Paris. C’est sur la Terre un coin de paradis Paris, Paris, Paris
Paroles de "J'ai deux amours" de Vincent Scotto
L’égérie des années folles
C'est au théâtre des Champs-Elysées que les parisiens la découvrent. Elle danse, dévêtue, dans la Revue Nègre, une troupe de 25 danseurs et chanteurs noirs. Le public est sous le choc puis sous le charme. A 19 ans, elle devient une star de la Revue Nègre, spectacle musical qui a contribué à populariser en France, le jazz et la culture noire américaine.
Et c’est aussi le charme et l’élégance. Et l’âme de la France. Tout cela, oui, c’est Paris
Paroles de "J'ai deux amours", de Vincent Scotto
Meneuse de revue, icône de cabaret, chanteuse, elle sera l'artiste la mieux payée du music-hall parisien. Elle se produira aux Folies Bergères ou encore au Casino de Paris. Elle devient également un symbole de la libération sexuelle se jouant des codes et des fantasmes de la femme noire.
"Un jour, j'ai réalisé que j'habitais dans un pays où j'avais peur d'être noire. C'était un pays réservé aux Blancs. Il n'y avait pas de place pour les Noirs. J'étouffais aux États-Unis. Beaucoup d'entre nous sommes partis, pas parce que nous le voulions, mais parce que nous ne pouvions plus supporter ça… Je me suis sentie libérée à Paris", a-t-elle affirmé.
En 1931, elle remporte un succès inoubliable avec la chanson "J'ai deux amours" composée par Vincent Scotto. Elle obtient la nationalité française le 30 novembre 1937 en épousant Jean Lion, un industriel.
Médaille de la Résistance et engagement contre le racisme
Dès le début de la Seconde Guerre mondiale, en septembre 1939, elle s’engage dans la résistance et devient un agent du contre-espionnage français, "Je n'avais qu'une seule chose en tête (...) aider la France", a-t-elle expliqué. Elle a été décorée de la Légion d'honneur, de la Croix de guerre et de la Médaille de la Résistance.
L'artiste met ensuite sa popularité au service de la lutte contre le racisme et pour l'émancipation des Noirs en soutenant le mouvement américain des droits civiques de Martin Luther-King et la Licra (Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme).
De mes amours, c’est lui le favori Mais oui, mais oui, pardi. Ce que j’en dis, on vous l’a déjà dit. Et c’est Paris qui fait la parisienne. Qu’importe qu’elle vienne du nord ou bien du midi
Paroles de "J'ai deux amours" de Vincent Scotto
En 1947, divorcée de son premier mari, elle épouse le compositeur et chef d'orchestre français Jo Bouillon. Dans sa propriété, le château des Milandes en Dordogne, elle adopte douze enfants de plusieurs nationalités. Au début des années 60, c'est une période plus sombre de sa vie qui s'ouvre. Divorcée et endettée, elle doit vendre son château. Elle ne doit son salut qu'à la générosité de proches et notamment de la princesse Grâce de Monaco qui lui offre un refuge, la Villa Maryvonne à Roquebrune-Cap-Martin sur la Côte-d'Azur. Joséphine Baker s'est éteint le 12 avril 1975 dans le 13e arrondissement de Paris.
Panthéonisation de Joséphine Baker le 30 novembre
La demande de panthéonisation a été faite par la famille Baker en 2013. Une initiative soutenue par l'essayiste Laurent Kupferman. La pétition "Osez Joséphine Baker au Panthéon" a recueilli plus de 40.000 signatures.
"Artiste, première star internationale noire, muse des cubistes, Résistante pendant la Seconde Guerre mondiale dans l'armée française, active aux côtés de Martin Luther King pour les droits civiques aux Etats-Unis d'Amérique et en France aux côtés de la Lira [devenue Licra: Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme] (...) nous pensons que Joséphine Baker, 1906-1975, a sa place au Panthéon", détaille cette pétition.
Ne me demandez pas si j’aime la grâce. Ne me demandez pas si j’aime Paris. Autant demander à l’oiseau dans l’espace s’il aime le ciel ou s’il aime son nid
Paroles de "J'ai deux amours" de Vincent Scotto
Le 30 novembre, elle sera la première femme noire à entrer au Panthéon et la sixième femme après Sophie Berthelot, la physicienne Marie Curie, les résistantes Germaine Tillion et Geneviève de Gaulle-Anthonioz et Simone Veil.