L’Ircam rouvre l’Espace de Projection, une salle de concerts unique avec une immersion sonore en 3D

Le centre dédié à la création musicale et à la recherche scientifique, situé à deux pas du Centre Pompidou à Paris, rouvre le 12 janvier son Espace de Projection, fermé depuis 8 ans. Une salle de concerts et de spectacles "sans équivalent", bardée de technologies audios. Des journées portes ouvertes sont prévues jusqu'au 17 janvier.

Quand on pénètre dans l’"Espro" (le surnom donné à l’Espace de Projection), au sous-sol de l’Ircam (Institut de Recherche et Coordination Acoustique/Musique), on plonge dans un décor rétro-futuriste encerclé par une armée de haut-parleurs. Les murs de cette salle, conçue dans les années 1970 par l’architecte Renzo Piano et le compositeur et chef d'orchestre Pierre Boulez, sont couverts de dizaines de périactes : des panneaux qu’on peut orienter à distance pour faire varier l’acoustique du lieu et créer toute une variété d’environnements sonores. Des matériaux dotés de trois faces : une première absorbante, une deuxième réfléchissante et une troisième diffusante.

"C’est un lieu sans équivalent, explique Frank Madlener, directeur de l’Ircam. Une chanson a capella, un monologue de théâtre, de la musique électronique très puissante… On peut moduler l’acoustique en temps réel avec plus ou moins de réverbération, en fonction des œuvres et des morceaux diffusés."

La salle est fermée au public depuis huit ans, en raison de présence d’amiante. Après 14 mois de travaux, pour un budget de cinq millions d’euros, la rénovation est enfin terminée. Les panneaux acoustiques, qui s’ouvrent et se ferment à la demande, sont désormais contrôlés par un simple écran sur un pupitre. Avant les travaux, le système était déjà motorisé mais le pilotage passait par une armoire de six mètres de long.

Le plafond de l’Espro, également mobile, peut descendre de 10 mètres à 3 mètres du sol. De quoi jouer sur le volume de la salle, qui passe ainsi de 4 000 à 1 200 mètres cubes. Lors des concerts, l’espace peut accueillir 500 personnes debout, 300 assises et même 120 spectateurs allongés sur le sol pour certaines œuvres.

A l’occasion de la réouverture de l’Espace de Projection, "l’Ircam en Fête" propose du jeudi 12 au mardi 17 janvier une série de concerts (avec notamment une performance de Jean-Michel Jarre), d’installations mais aussi d’expériences participatives en portes ouvertes. La musicienne Lucie Antunes est programmée pour la soirée d’ouverture. "C’est une sorte de crémaillère, raconte l’artiste. Il y aura des compositions pensées pour l’Espro et d’autres morceaux réadaptés en ajoutant de longues nappes sonores, pour jouer avec l’espace. C’est une salle incroyable, on peut tout adapter."

"Quand vous avez goûté à cette salle, et que vous vous retrouvez ailleurs, le son peut vite vous sembler plat"

Autre technologie de l’Espro qui permet de plonger le public dans une immersion sonore à part : un ensemble de près de 250 haut-parleurs. Un dôme d’enceintes permet ainsi d’offrir une expérience audio "spatialisée", avec un son en trois dimensions qui évolue autour du spectateur.

Transfert, une création du compositeur Florent Caron Darras, programmée le mardi 17 janvier à l’Ircam, repose d'ailleurs sur le son en trois dimensions. "On a commencé par une prise de son en forêt, pour enregistrer des paysages sonores avec un micro 3D. Les sons d’origine - les chants d’oiseaux par exemple - sont ensuite petit à petit remplacés par des instruments et des synthétiseurs. Pour le concert, il y aura un ensemble instrumental de 10 personnes, et une musique électronique spatialisée en utilisant une centaine de haut-parleurs", explique le compositeur, en découvrant le matériel de la salle avant les répétitions.

"L’Espace de Projection reste un labo expérimental, un prototype, indique le directeur Frank Madlener. Les techniques de spatialisation audio sont par exemple reprises par les salles de spectacles vivants, les opéras, pour amplifier les voix des acteurs en donnant l’illusion de suivre naturellement leur position sur scène."

"L’un des principaux enjeux pour le monde de la culture peut se résumer en une question : comment donner envie au public de sortir, avec quelque chose qu’on n’a pas chez soi ?, souligne Frank Madlener. Il faut donner donner envie au public de se déplacer. L’Espro permet d’accueillir de la musique contemporaine, de l’art visuel, des sciences participatives… Quand vous avez goûté à cette salle, et que vous vous retrouvez ailleurs, le son peut vite vous sembler plat et sec."

Au-delà de son Espace de Projection, l’Ircam abrite de nombreux studios, situés sous la fontaine de la place Igor-Stravinsky. On y trouve notamment une "chambre anéchoïque" : une "chambre sourde" où plus de 99% des ondes sonores sont absorbées.