Quatre structures médico-sociales franciliennes sont en grève jusqu'au dimanche 13 octobre. Le personnel médical dénonce les méthodes de management de sa direction. La situation durerait depuis plusieurs années.
Impossible de rater les grandes lettres rouges placardées sur la porte cochère du 5 rue des Beaux-Arts. "CMPP en grève", peut-on lire à l’entrée du centre médico-psycho-pédagogique (CMPP) La Passerelle située dans le 6e arrondissement de Paris.
Cette semaine, depuis ce lundi et jusqu’au dimanche 13 octobre, les médecins ne répondent qu’aux impératifs. "C’est dire l’urgence de la situation", s’alarme une psychiatre de l’établissement, "beaucoup sont tiraillés entre leur éthique professionnelle et ce que l’on doit défendre."
Quatre structures médicales en grève
Trois autres structures médico-sociales sont aussi concernées par cette mobilisation : le bureau d’aide psychologique universitaire (Bapu) Luxembourg (Paris V) et les CMPP d’Alfred-Binet de Meudon (Hauts-de-Seine) et d’Athis-Mons (Essonne). Les équipes médicales signalent toutes un "management abusif" de leur direction, accusée de "s’apprêter à saccager ces lieux d’accueils psychopédagogiques pour enfants, adolescents et étudiants."
Certains de ces centres prodiguent des soins psychothérapeutiques à des patients souvent moins favorisés selon certains soignants. "La demande complexe est à la croisée de plusieurs maux : psychique et social", poursuit cette même psychiatre en poste depuis plusieurs années, pour qui "ce métier très difficile nécessite un soutien de la direction". C’est bien là que le bât blesse. La Croix-Rouge qui dirige ces établissements, est pointée du doigt : mise en place de pointeuses "rétrogrades", non-remplacement de professionnels et changements réguliers de dirigeants.
De son côté, la direction de l'association assure s'appuyer, entres autres, "sur les recommandations des Hautes Autorités de Santé". Selon la Croix-Rouge, l'idée de la "badgeuse" découlerait de la volonté de faciliter les démarches qui touchent aux plannings, congés et heures supplémentaires. Un moyen pour mieux "piloter l'activité" et respecter ses "obligations d'employeur".
Le déficit : ennemi de la santé
Le mouvement de grève est inédit, mais la situation ne semble pas dater d’hier. En 2020, Clément Jallade, alors médecin-chef du CMPP d’Athis-Mons, reçoit un avertissement pour avoir alerté sur des "méthodes de management assez brutales". "Ce qui s’est passé est ce qui est dénoncé actuellement", détaille-t-il, "face à la crise du secteur de la santé, l’Agence régionale de santé, demande aux établissements de fonctionner sans déficit. Plutôt que de partir de la réalité du terrain, les dirigeants choisissent d’imposer leurs méthodes."
La logique comptable est difficile à concilier avec le temps et la disponibilité que nécessite la pratique de la médecine psychiatrique
Clément Jallade, médecin psychiatreà France 3 Paris Île-de-France
"Une logique comptable difficile à concilier avec le temps et la disponibilité que nécessite la pratique de la médecine psychiatrique", explique Clément Jallade. D’autant que le manque de moyens des CMPP n’a jamais été aussi flagrant. "Certains patients doivent attendre 6 mois pour obtenir un rendez-vous", glisse un psychologue établi depuis plus de 10 ans à La Passerelle.
Interrogé sur les annonces du gouvernement qui a fait de la santé mentale la "grande cause de 2025", il plaide pour que les financements soient ciblés vers la construction de structures d’accueils quand la tendance est tout autre, selon lui.
En juin dernier, un premier épisode avait déjà mis le feu aux poudres. Toujours pour pallier le déficit, un plan de sauvegarde de l’emploi avait mené à la fermeture de six établissements de santé franciliens.
Ce mercredi 8 octobre à 13 heures, l’équipe médicale organise un rassemblement devant le CMPP de La Passerelle avec l’espoir d’obtenir des réponses de la direction.
De par son "statut d'association à but non lucratif, la Croix-Rouge ne cherche pas à dégager d'excédent et se doit de présenter des comptes à l’équilibre" répond l'organisme d'aide humanitaire ce jeudi 10 octobre. Son mail à destination de France 3 Paris Île-de-France rappelle que "sa priorité est d'être en soutien des professionnels sur le terrain afin de garantir un meilleur accompagnement des patient".