Ces supermarchés sans clients, d’où partent des livraisons de courses très rapides proposées par des applications, se sont multipliés depuis le début de la crise sanitaire. Un décret du gouvernement pourrait prochainement les légaliser. Un projet qui inquiète l'Hôtel de Ville.
Les "dark stores" font de nouveau parler d’eux. Et à Paris, la mairie est en état d’alerte. Emmanuel Grégoire, le Premier adjoint (PS) à la mairie de Paris chargé de l'urbanisme a tweeté samedi 13 août son "inquiétude" et son "incompréhension" à propos d'"un projet d'arrêté (...) qui légalise de fait les darkstores."
La capitale hausse le ton depuis plusieurs mois contre ces lieux ouverts par les acteurs de la livraison rapide de courses à domicile, considérant qu'ils ne respectent pas les règlementations en matière d'urbanisme. Pour implanter ce genre d'entrepôts-supermarchés, les plateformes de livraison instantanée qui les utilisent (Cajoo, Uber Eats, Gorillas...) doivent en théorie demander une autorisation. Or, selon la mairie de Paris, beaucoup de ces "dark stores" sont installés illégalement. Au mois de mars 2022, la Ville avait annoncé un chiffre de 45 "dark stores" illégaux.
Ces "dark stores" sont considérés par la mairie comme des entrepôts, alors que les locaux dans lesquels ils ont été installés sont le plus souvent des locaux commerciaux. Mais le décret du gouvernement propose de considérer les "dark stores" comme des magasins normaux, et non plus comme des entrepôts.
Si ce texte était adopté, il viendrait réduire les moyens juridiques dont la mairie de Paris dispose pour lutter contre leur implantation. "Un simple point de collecte suffira pour être considéré comme un commerce", a indiqué Emmanuel Grégoire dans son tweet. Ce dernier demande "au gouvernement de suspendre ce projet et de convoquer une réunion de travail spécifique sur ce sujet avec France Urbaine et les grandes villes concernées".
Nuisances, concurrence déloyale…
Entrepôts et commerces n'ont pas les mêmes impacts en termes de nuisance et d'animation de quartier. Les riverains se plaignent notamment des nuisances générées, notamment par le va-et-vient des livreurs.
Contactée par France 3 Paris Île-de-France, l’adjointe à la mairie de Paris en charge du commerce estime que ces "dark stores" représentent "énormément de nuisances pour les riverains et une concurrence déloyale pour les commerces classiques". Ils posent aussi la question "du modèle social. On sait qu’il y a eu plein de problèmes avec des coursiers et que la plupart sont extrêmement maltraités", insiste l’élue. Elle ajoute : "Si demain, on n’a que des mini-entrepôts à la place de commerces, c’est tout le lien social qui est représenté par les commerçants qui disparait de nos villes."
Même son de cloche du côté de la maire Anne Hidalgo. "Détruire les liens sociaux, la vie des quartiers, les droits des travailleurs, pousser à la surconsommation. Les 'Dark stores' sont à contre-courant des solutions utiles à l’ère du changement climatique. Pour nous c’est non!", écrit-elle sur son compte Twitter.
"Concertation"
Interrogé par l'AFP, le ministère délégué auprès du ministre de la Transition écologique, chargé de la Ville et du Logement, a confirmé qu'un projet de décret et un projet d'arrêté étaient "en cours d'élaboration", notamment pour "mieux encadrer le développement des dark stores, dark kitchen" et "clarifier le statut de ces locaux". Une "concertation" est en cours "depuis six semaines", a précisé le ministère..
Le projet "a été soumis en juillet à la consultation des différentes parties prenantes (collectivités locales et professionnels concernés). Cette consultation a permis de recueillir les premiers retours et les différentes propositions des parties prenantes sur le texte", selon la même source. "Dans les prochaines semaines, le travail d'adaptation du texte et de concertation des acteurs concernés va se poursuivre afin de concilier au mieux les différents enjeux", a-t-il ajouté.
"Oui, il faut réguler les darkstores et trouver l’équilibre entre vitalité des centres-villes et emploi. C’est tout l’objet de ce projet!", indique sur Twitter le ministre délégué à la Ville et au Logement Olivier Klein, répondant au tweet d’Emmanuel Grégoire. "C’est un projet mis en concertation, pour recueillir les observations de Paris et d’autres municipalités", écrit de son côté Clément Beaune, ministre délégué chargé des Transports et député de la 7ème circonscription de Paris.
En juin, la mairie de Paris a annoncé vouloir infliger, d'ici début juillet, les premières pénalités financières aux "grands acteurs" de la livraison de courses rapides à domicile. La capitale compterait désormais, selon M. Grégoire, une centaine de ces commerces, en plein essor depuis les restrictions de déplacement destinées à endiguer l'épidémie de Covid-19.