Depuis quatre mois, l'Institut Curie à Paris a fait le choix de la médiation canine, en la "personne" de Snoopy, pour permettre d'apporter du bien-être aux personnes malades, mais également au personnel hospitalier.
"Bonjour Docteur Snoopy !", s'exclame tout sourire Madame F., 85 ans, en soin à l'Institut Curie depuis trois ans. Arrivée en début de matinée pour une consultation médicale, c'est avec un plaisir non dissimulé qu'elle retrouve la nouvelle recrue de ce centre hospitalier de cancérologie, situé dans le Ve arrondissement de Paris.
Depuis son arrivée il y a quatre mois à l'Institut Curie en tant que médiateur canin, Snoopy, un setter anglais blanc et noir âgé d'environ deux ans semble avoir conquis patients et soignants. Au point d'ailleurs de se faire régulièrement surnommer "la star"!
La venue de Snoopy dans ce centre de cancérologie est une première en France, car jamais auparavant un chien n'avait été recruté à temps plein dans une unité de soins. Cette idée, très originale, est celle des soignants du service plaies et cicatrisation de l'Institut, en réponse à une morosité devenue ambiante. "Depuis le Covid, tout le monde 'tire la gueule'. Le recrutement se fait moins bien et l'hôpital est de plus en plus cloisonné. En intégrant Snoopy, l'idée était vraiment de permettre à tout le monde de retrouver le sourire, et un peu plus de légèreté", explique Isabelle Fromantin, infirmière spécialisée dans les plaies chroniques.
Améliorer le bien-être des patients
Après un premier mois d'adaptation en décembre, Snoopy a définitivement intégré l'équipe de soignants au mois de janvier dernier et fait désormais partie du service. Là-bas, il est encadré par cinq infirmiers référents, ce qui lui permet de se promener dans les couloirs de l'hôpital plusieurs heures par jour. "Les rencontres avec nos patients se font dans les couloirs ou dans les salons de famille. Il ne va pas dans les chambres des patients, à l'exception de personnes qui sont en fin de vie et qui en font la demande", explique Maxime Chéron, infirmier et référent de Snoopy. Mais les missions du setter ne s'arrêtent pas là. Le jeune médiateur participe aussi à des consultations médicales ou intervient auprès d'un patient quelques minutes avant un soin qui pourrait être source d'angoisse.
Ces moments d'interaction ont pour objectif d'apporter du bien-être et du réconfort aux malades, tout en récréant du lien social. Et cela fonctionne, comme en atteste le Docteur Pauly : "La présence de Snoopy permet de rassurer nos patients, mais également de recréer du lien en favorisant les moments d'échange dans la salle d'attente. Le Covid a enfermé les gens, je pense que le simple fait de pouvoir le caresser et de retrouver cette sensorialité est important."
Pour Madame F., atteinte d'un cancer du sein, les bienfaits qu'apporte la présence de l'animal sont loin d'être négligeables : "Quand on est malade et fatigué, avoir de l'affection est précieux. En salle d'attente, je constate que les gens vont engager la conversation sur le chien, et parler d'autre chose que de la maladie. Cela crée de la dérivation de pensées…", explique l'octogénaire.
Snoopy, un employé qui a des droits
Si Snoopy a pour mission d'apporter de la gaieté dans ce centre de cancérologie, ses référents, eux, se sont donné pour mission de veiller au grain à son confort. Avec une règle d'or : être attentif à ses besoins. "S'il n'a pas envie d'aller vers les patients ou s'il est fatigué, nous n'allons pas le forcer", explique Maxime Chéron, qui applique un principe d'éducation positive avec Snoopy. C'est pourquoi toute l'équipe s'assure quotidiennement que ses temps de promenade en extérieur et que ses temps de repos soient respectés. Il est d'ailleurs suivi par une éthologue, une scientifique qui étude le comportement des animaux, afin de détecter toute attitude anormale qui témoignerait d'une source de stress.
L'hygiène et la santé de Snoopy font également l'objet d'une surveillance vétérinaire toute particulière, milieu hospitalier oblige. À cela s'ajoutent un brossage quotidien et un vermifugeage régulier. "Sur son harnais, il est écrit 'ne pas me caresser sans autorisation', mais c'est simplement pour rappeler aux patients qu'ils doivent bien se laver les mains après", détaille Maxime Chéron.
"Avant nous étions soudés, maintenant nous sommes liés"
Pour l'équipe référente, l'arrivée de Snoopy est un véritable succès, même si cela leur demande une certaine organisation. Chaque soir et chaque week-end, l'un des cinq infirmiers-référent prend en charge le chien sur le mode de la "garde alternée", comme ils s'amusent à appeler ce roulement. Une incursion dans leur vie privée qui s'est faite très facilement grâce à son tempérament "hyper câlin" et "flexible".
Un véritable projet commun qui intéresse déjà d'autres centres hospitaliers, mais qui ne peut se faire que sous certaines conditions, comme le confie Elodie Labedade, infirmière stomathérapeute et référente de Snoopy : "Sa prise en charge nous implique nous mais aussi nos familles. Le bon fonctionnement de la médiation ne peut se faire qu'à condition d'être une vraie équipe". Elle remarque d'ailleurs des changements au sein du service depuis son arrivée : "Avant je disais que nous étions soudés, maintenant je dirais que nous sommes liés".
À terme, l'objectif pour l'unité plaies et cicatrisation est de réaliser une étude en deux ans sur l'impact de cette médiation canine, intitulée M-KDOG. La première année, elle portera sur le bien-être du personnel soignant, avant d'évaluer dans un second temps l'impact sur les patients malades. D'ici là Snoopy va prendre quelques jours de congé bien mérités… Direction Biarritz !