Les trois policiers, deux hommes et un femme sont ressortis libres de leur garde à vue. Ils étaient auditionnés par l' IGPN depuis dimanche. Une information judiciaire a été ouverte par le parquet de Paris. De son côté, la famille de la passagère décédée porte plainte contre le conducteur et contre X.
Information judicaire ouverte
"Une information judiciaire a été ouverte ce jour à l’encontre des trois policiers des chefs de violences volontaires par personne dépositaire de l’autorité publique ayant entraîné la mort sans intention de la donner, violences volontaires par personne dépositaire de l’autorité publique avec usage ou menace d’une arme ayant entraîné une incapacité totale de travail de plus de huit jours et violences volontaires par personne dépositaire de l'autorité publique n’ayant pas entraîné d’incapacité totale de travail", a annoncé ce mardi la procureure de la République de Paris dans un communiqué.
Un appel à témoin va également être lancé par l'IGPN à la demande du parquet.
De leur côté, les trois policiers, deux hommes de 23 et 32 ans et une femme de 31 ans, qui étaient auditionnés depuis dimanche après-midi à l'IGPN, la police des polices, pour "violence avec arme par personne dépositaire de l'autorité publique", sont sortis de leur garde à vue, sans poursuites à ce stade. "Ils sortent libres de toute charge (...) L'enquête va se poursuivre sous une autre forme et ils donneront tous les éléments de réponse afin que la vérité se manifeste pleinement", a déclaré leur avocat, Me Laurent-Franck Liénard. "Ils n'ont rien à cacher et démontreront leur respect des règles et la légitimité de leur action", a-t-il ajouté.
Dépôt de plainte contre le conducteur et contre X
La famille de la passagère mortellement blessée par des tirs de policiers, samedi à Paris, va porter plainte pour "homicide involontaire" contre le conducteur du véhicule dans lequel elle se trouvait et contre X, a appris ce mercredi franceinfo auprès de son avocate, confirmant une information de RTL.
"En refusant d'obtempérer alors que les passagers le suppliaient de s'arrêter, il a commis une violation délibérée aux règles de prudence et de sécurité et a causé la mort de Rayana", précise l'avocate de la famille, Sylvie Noachovitch, ajoutant qu'elle "ne connaissait pas" le conducteur.
La famille de cette jeune femme âgée de 21 ans va également porter plainte contre X pour "violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner" et "homicide involontaire". "À en croire la version des témoins, il n'y avait plus de danger pour la vie des policiers au moment des tirs", précise maître Noachovitch. "Ils ne peuvent pas invoquer la légitime défense."
"D'un côté, vous avez un conducteur qui a pris en otage Rayana qui voulait sortir du véhicule au moment où il n'obtempérait pas. Malheureusement, il a laissé les passagers dans son véhicule. Donc, j'estime que ce conducteur a eu une attitude irresponsable qui a entraîné la mort de Rayana", a détaillé l'avocate à franceinfo.
En ce qui concerne les policiers, "on ne sait pas qui a tiré, qui est le responsable de ce meurtre mais il n'est pas normal que ce véhicule fût si criblé de balles. Il y a dix coups qui ont été tirés. Toute la vérité doit être faite sur cette affaire", a ajouté maître Noachovitch.
Les policiers disent avoir agi en état de légitime défense, mais l'avocate de la famille de Rayana attend encore qu'ils le démontrent. "Au regard des différents témoignages dont on a connaissance, ils étaient déjà en position de sécurité au moment où les tirs sont partis. Donc, soit ils étaient en position de sécurité et il n'y avait plus lieu de tirer, soit ils étaient en légitime défense et ils peuvent l'opposer."
Rappel des faits
Samedi, vers 11 heures, un équipage de trois policiers appartenant à la Brigade Territoriale de Contact à VTT du commissariat du 18ᵉ arrondissement décident de contrôler un véhicule, de marque Peugeot modèle 207, avec quatre occupants à son bord au niveau de la rue Ordener, relate le parquet de Paris.
Les policiers poursuivent alors ce véhicule. Au niveau du 47 boulevard Barbès, la voiture est bloquée dans la circulation puis redémarre en dépit d'un nouvel ordre de s'arrêter. A ce même endroit, deux policiers à vélo et un autre fonctionnaire d'un équipage de police secours, arrivé sur place en renfort, entourent le véhicule et ouvrent le feu à plusieurs reprises. Le véhicule poursuit sa course jusqu’au croisement entre la rue Custine et la rue de Clignancourt où il percute un autre véhicule, détaille également la procureure de Paris.
Le conducteur âgé de 38 ans est touché au thorax et la passagère avant, âgée de 21 ans, est atteinte à la tête. Les deux passagers arrière de la voiture n'ont pas été blessés. La jeune femme décèdera le lendemain. Le pronostique vital du conducteur n'est à ce jour plus engagé.
Deux enquêtes ouvertes
Le 4 juin deux enquêtes ont été ouvertes. "Une enquête de flagrance a été ouverte des chefs de tentative d'homicide sur personne dépositaire de l'autorité publique, refus d’obtempérer aggravé par la mise en danger d’autrui, conduite malgré annulation du permis de conduire et conduite sous l’empire d’un état alcoolique et après avoir fait usage de substances classées comme stupéfiants", explique la procureure. Elle a été confiée au 2ᵉ District de police judiciaire de la Direction Régionale de la Police Judiciaire (DRPJ). Le conducteur du véhicule a été placé ce jour en garde à vue.
Une autre enquête a été ouverte le même jour "des chefs de violences volontaires par personne dépositaire de l’autorité publique ayant entraîné la mort sans intention de la donner et violences volontaires par personne dépositaire de l’autorité publique avec usage ou menace d’une arme ayant entraîné une incapacité totale de travail de plus de huit jours." Elle a été confiée à l'Inspection Générale de la Police Nationale (IGPN).
L'usage des armes par les forces de l'ordre
Les récents tirs mortels de la police lors de refus d'obtempérer, comme ce week-end à Paris, mettent en lumière le cadre complexe de l'usage des armes par les fonctionnaires, modifié par une loi en 2017. (loi de février 2017 à l'article 435-1 du code de la sécurité intérieure)
Cette loi encadre les conditions d'ouverture du feu des policiers - jusqu'alors soumis au Code pénal et aux principes de la légitime défense comme tout citoyen. Les policiers sont autorisés à tirer en cas de refus d'obtempérer s'ils ne peuvent stopper la voiture autrement que par l'usage des armes et si, dans sa fuite, le conducteur est "susceptibles de perpétrer (...) des atteintes à leur vie ou à leur intégrité physique ou à celles d'autrui". Les principes d'"absolue nécessité" et de "stricte proportionnalité", liés à la légitime défense, restent en vigueur.
Pour rappel, début avril, un policier a tué par balle un automobiliste lors d'un contrôle à Sevran. (Seine-Saint-Denis) Il a été mis en examen pour "violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner".
Un mois plus tard, l'agent qui a tué près du Pont-Neuf, deux hommes soupçonnés d'avoir redémarré précipitamment vers une patrouille, a lui été mis en examen pour "homicide volontaire", une qualification criminelle qui avaient fait bondir plusieurs syndicats policiers.
Ce mardi, les trois fonctionnaires qui ont fait feu samedi dans le XVIIIe arrondissement de la capitale lors d'un contrôle sur une voiture qui aurait foncé sur eux, tuant par balle une passagère et blessant grièvement le conducteur, sont sortis de garde à vue sans poursuites judiciaires à ce stade.
La question de l'usage de la force par les policiers et gendarmes a pris une tournure politique avec une nouvelle passe d'armes entre le chef de la France insoumise Jean-Luc Mélenchon et ses adversaires politiques. M. Mélenchon a affirmé ce mardi sur France Inter assumer d'avoir fustigé ce week-end "une police qui tue". Il a expliqué avoir "monté le ton" pour dénoncer "l'évolution de l'usage de la force de la police telle qu'elle est aujourd'hui définie par le pouvoir politique qui commande".