Alors que la vitesse de circulation est limitée à 30 km/h dans la plupart des rues parisiennes depuis 2021, le nombre de contraventions aurait explosé dans la capitale. Pourquoi de nombreux automobilistes ne respectent-ils pas la mesure ?
Depuis que la circulation des véhicules est limitée à 30 km/h dans une grande majorité des axes routiers de la capitale, "le nombre de PV dressés via les radars automatiques parisiens (...) a été multiplié par 10 en moyenne" selon le site Caradisiac, qui cite des statistiques "transmises par le ministère de l’Intérieur", après "un recours en justice".
Le site donne notamment l’exemple de la rue Maubeuge, où la règle des 30 km/h a été lancée "a priori dès la fin de l’année 2020" : le nombre moyen de contraventions mensuelles est passé de 200 de 2019 à juillet 2021, à 1 508 depuis septembre 2021. Avenue Daumesnil, ces données sont passées de 381 de 2019 à juillet 2021 à 6 271 depuis septembre 2021.
"Ça génère forcément une réflexion sur le respect de cette règle", réagit Céline Kastner, directrice des politiques publiques de Mobilité Club France (ex-Automobile Club Association). "La mise en place de cette limitation implique un renforcement des contrôles pour valider l’efficience de cette mesure avec, mathématiquement, une hausse des infractions relevées. Mais il ne suffit pas de mettre des panneaux et des contraventions pour que la règle soit respectée", déclare-t-elle.
"Cette limitation est pertinente à certains endroits, où cohabitent de nombreux usagers différents, notamment des usagers vulnérables. Mais certains automobilistes ont l’impression que la règle est édictée pour générer des PV", poursuit Céline Kastner.
"La sécurité routière, c’est une course de fond. Il faut un travail d’information et de sensibilisation, pour que la règle soit comprise et ainsi acceptée. Pour une modification durable des comportements, la répression est un outil nécessaire mais pas suffisant. Il faut continuer la prévention, avec des mesures de pédagogie et d’accompagnement", souligne-t-elle.
"La solution, c’est soit plus de radars, soit plus d’aménagements"
"Une forte hausse des contraventions, ce n’est pas surprenant", réagit Patrice Nogues, ancien président de la Fédération française des Usagers de la Bicyclette (FUB), qui gère aujourd’hui le site ville30.org en recensant les territoires concernés par la mesure. "On a lancé en France le concept des 30 km/h généralisés en ville - les 50 km/h devenant l’exception - en 2005 avec la FUB. Ce principe avait déjà été conceptualisé en Suisse", retrace-t-il.
"Normalement, il ne devrait pas y avoir de panneaux pour faire respecter la règle. Mais à Paris, ça s’est fait un peu rapidement avec certains axes larges concernés où les automobilistes continuent de se comporter comme sur des routes à 50 km/h. La solution, c’est soit plus de radars, soit plus d’aménagements avec - comme dans les zones 30 - des ralentisseurs, des chicanes, des rétrécissements…", poursuit Patrice Nogues.
"Ces obstacles sont pénibles et coûtent de l’argent à la municipalité, il y a peu d’espoir que la personne au volant s’autodiscipline dans les faits. Il faut une sacrée force mentale : moi-même, je change de personnalité quand je conduis. A Paris, la vitesse moyenne de déplacement tourne autour de 18-19 km/h, notamment en raison de la congestion. Se défouler avec des pointes d’accélération, ça n’est pas compatible avec la capitale. Il ne faut pas confondre vitesse et précipitation", indique-t-il.
"Améliorer la sécurité routière et à faire baisser les nuisances sonores"
Patrice Nogues, qui appelle à "généraliser et homogénéiser" le dispositif au niveau national, pointe aussi du doigt la conception des véhicules, "aujourd’hui peu adaptés" : "Espérons qu’avec les voitures hybrides et électriques, ou les autorégulateurs de vitesse par exemple, la mesure soit plus facile à mettre en œuvre. En tout cas, on n’en est plus au stade de l’expérimentation. Il y a une explosion du nombre de villes où la mesure est appliquée, au moins 25% de la population française est déjà concernée."
Sur son site, la mairie de Paris explique que cette baisse de la vitesse autorisée sur les routes "vise principalement à améliorer la sécurité routière et à faire baisser les nuisances sonores". "Une réduction de 20 km/h de la vitesse des usagers de la route permet de diviser par deux le bruit (de l’ordre de -3 décibels) aux abords des voies de circulation", mais aussi de "réduire le nombre d’accidents corporels d’environ 25 %", voire "plus de 40 % pour les accidents graves et mortels", écrit la municipalité.
Le dispositif, mis en place suite à une consultation, permet enfin "de repenser l’espace public, de l’aménager autrement et de favoriser les mobilités douces", souligne la Ville. La mairie rappelle par ailleurs que "le boulevard périphérique (vitesse limitée à 70 km/h) n'est pas concerné, ainsi que les boulevards des Maréchaux et quelques axes (les avenues dans les bois de Boulogne et de Vincennes, les Champs-Elysées, l’avenue Foch, l'avenue de la Grande Armée, la rue Royale…) où la vitesse reste à 50 km/h".
Contactée, la municipalité n’a pas répondu à nos sollicitations.