De nombreux patients obligés d'arrêter leurs soins réguliers, les personnels soignants inquiets

Ils sont orthophonistes, kinésithérapeutes, ou podologues : au contact de personnes fragiles, ils ne peuvent pas les soigner à domicile et la téléconsultation reste marginale. Ces personnels médicaux s'inquiètent de l'état de santé de leurs patients après la fin du confinement.

Comment soigner des personnes fragiles sans être à leur contact ? C'est le dilemme que rencontrent de nombreux professionnels de santé des secteurs du paramédical. Car leurs patients ont besoin de soins réguliers mais sont obligés de les interrompre. "Depuis l'annonce du confinement (mis en place le 17 mars, ndlr), il a été recommandé à tous les patients fragiles de rester chez eux. Mais la plupart de nos patients sont fragiles, on travaille dans la santé", explique Camille Beurton, orthophoniste dans le XIVe arrondissement.

Les soins urgents ne sont pas non plus possibles car ces professions n'ont pas été inscrites comme étant prioritaires pour recevoir masques et gel hydroalcoolique. Après un flottement qui duré près de 10 jours, ces professions reçoivent finalement l'autorisation d'exercer par téléconsultations à partir du 26 mars.

"Je ne fais pas de télétravail. J'ai essayé d'appeler mes patients, mais ils sont tous âgés et ne sont pas en mesure de le faire. A la fois pour eux qui ne sont pas à l'aise avec le numérique et du nôtre, la rééducation se prête très mal au télésoin", poursuit Camille Beurton.

Même constat pour Hélène Klein, kinésithérapeute dans le XIIIe arrondissement de Paris. "La fermeture de cabinet était nécessaire pour le bien de nos patients. Maintenant, l'activité manque. J'essaie de mettre en place des programmes pour mes patients, via des mails, des vidéos et j'appelle ceux les plus isolés."

Claudine, 72 ans, fait partie de ces personnes qui bénéficient de soins réguliers. Kiné, orthophonie, elle avait quatre rendez-vous par semaine. "Je suis très isolée. Je suis en train de me rendre compte que je n'arrive plus à faire face. Hier, j'ai bloqué ma carte de crédit parce que je suis dans un tel état de stress", raconte-t-elle.

 

Inquiétude pour l'état de santé des patients en arrêt de soins

Cette situation d'arrêt des soins provoque l'inquiétude des professionnels de santé. "Comment va-t-on récupérer nos patients après un mois et demi de confinement ? Je suis très inquiète, ils ont besoin de faire du travail régulier", craint Camille Beurton.

Si Claudine tente de poursuivre ses traitements en téléconsultation, comme avec ses rendez-vous en psychologie, certains rendez-vous ne peuvent pas être remplacés. "Je ne suis plus la même personne qu'il y a trois semaines. Je me rends compte que j'avais atteint une sorte d'équilibre entre toutes mes activités. Là c'est coupé court, je le vis comme une punition, j'ai des angoisses de mort pour mes proches et pour moi", témoigne-t-elle.

Un problème dont ont bien conscience les instances professionnelles. "De fait aujourd'hui, avec le confinement, les patients consultent beaucoup moins. Il y a une baisse de l'activité globale au niveau des professions. Les orthophonistes, orthoptistes et podologues sont pratiquement à l'arrêt. Les kinésithérapeutes sont en très faible activité. Il y a un effet domino sur toute la chaîne de soin", affirme Daniel Guillerm, président de la Fédération Française des Praticiens de Santé (FFPS).

L'état de santé de ces personnes dépendra, entre autres, de la durée du confinement mais aussi de la façon dont il va se produire. Mais cette orthophoniste parisienne prévoit, fataliste, une perte d'autonomie de certains de ses patients : "Je pense que cela va entraîner beaucoup d'institutionnalisation post-confinement, les patients risquent d'être mis en maison de retraite et ne vont plus pouvoir rester chez eux de façon autonome"

Risques de faillites

Mais ces patients pourront-il continuer à voir leur praticien ? "On travaille à trouver des solutions pour faire en sorte qu'en sortie de crise, il n'y ait pas de dépôt de bilan. Si le tissu des professionnels de santé se délite, ce sera une catastrophe. Le gouvernement en a conscience", indique Daniel Guillerm de la FFPS.

Les professions libérales ont en effet été intégrées à un plan d'aide aux entreprises et peuvent recevoir une aide de 1 500 euros sous conditions : une fermeture administrative ou "une perte de chiffre d’affaires d’au moins 70 % (un chiffre abaissé à 50%, ndlr) durant la période comprise entre le 1er mars 2020 et le 31 mars 2020, par rapport à la même période de l’année précédente".

Mais les professions paramédicales n'ont pas obtenu de fermetures administratives. Et la baisse du chiffre d'affaire calculée sur ce mois de mars pose un sérieux problème en Île-de-France : "En mars 2019, c'étaient les vacances scolaires", raconte Hélène Klein, kinésithérapeute qui n'a que peu travaillé ce mois-ci. "Et nos charges continuent. Sur la reprise, il va falloir beaucoup travailler."

Cette dernière l'affirme, plus le confinement va durer, plus sa situation financière va se détériorer : "Il faudrait que je reprenne mi-mai, sinon cela va être très compliqué pour moi. Sachant que l'on entend que la reprise ne sera pas pleine avec les mesures de déconfinement progressif".
 
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