Obèses, et alors ? Des femmes luttent contre les discriminations

Aujourd’hui, la France compte 8,6 millions de personnes en situation d'obésité. Un chiffre qui ne cesse d’augmenter. Selon l’OMS, l’obésité est une maladie chronique complexe associée à de nombreuses comorbidités et à une mortalité élevée. Focus sur le sujet à l'occasion de la Journée mondiale contre l'obésité.

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Linda Ahmed Yahia a cette voix bienveillante qui fait du bien, qui vous entoure et vous rassure. Directrice de l’association "La Ronde des formes", elle se bat depuis 2009 contre la grossophobie. L’appel bouleversant un jour d’une connaissance à elle, victime de discrimination de la part d’un professionnel, l’ébranle. Elle décide alors de venir en aide aux personnes atteintes d’obésité. L’association est née quelques années plus tard en 2013.

Depuis les témoignages se multiplient et le nombre de victimes ne cesse d’augmenter. L’association compte aujourd’hui plus de 80 adhérents et elle est suivie par 200 personnes qui vont et qui viennent pour trouver du réconfort et une écoute.

À l’association, des professionnels sont là pour aider les personnes en surpoids à se réapproprier leur vie. "Certains se sont retrouvés isolés, victimes de leur corps et rejetés, aussi bien sur le leur lieu de travail, que dans la vie quotidienne", précise Linda qui ajoute : "et nous, nous sommes là pour les sensibiliser, les écouter, les conseiller. Ils rencontrent des professionnels aguerris sélectionnés pour leur connaissance, leur empathie… Ils participent à des ateliers collectifs ou individuels. On leur propose un suivi diététique et nutritionnel mais aussi psychologique et sportif." 

"Des tentatives d’amaigrissement jusqu’à atteindre 120 kg"

Murielle Demange est membre de la Ronde des formes. Elle s’y sent bien, et comprise. En 2015, elle s’est fait réduire l’estomac : "Une opération lourde mais j’étais en surpoids depuis l’enfance, des échecs permanents de tentative d’amaigrissement jusqu’à atteindre 120 kg".

A 64 ans, Murielle vit mieux son corps même si "le combat continue chaque jour, car votre cerveau lui n’a pas subi d’opération". Elle n’a pas oublié ces années où elle sentait le regard des autres sur elle, où elle n’osait pas s’assoir lorsqu’elle montait dans le métro. Elle se souvient de cette vendeuse qui lui a dit "nous navons pas votre taille" alors qu'elle avait à peine franchi le pas de la porte. "Je venais juste faire un cadeau à ma fille", explique-t-elle. Ou ce concessionnaire qui lui conseillait une plus grosse voiture alors que ne voulait qu'un "modèle plus petit".

Des réflexions et des vexations quasi-quotidienne, qu’elle n’est malheureusement pas la seule à vivre.

8,6  millions d’obèses en France

Femme de santé engagée et Présidente du Collectif National des Associations d’obèses (CNAO), Anne-Sophie Joly en a fait les frais toute sa vie. Elle aurait un nombre incalculables d’anecdotes terribles à raconter. Depuis 23 ans, elle se bat contre le rejet du GROS : "l’obésité n’est pas un choix de vie, on ne se lève pas un matin et on se dit super on va être obèse".

A 16 ans, elle commence à prendre du poids puis ça va crescendo jusqu’à atteindre 163 kg à 30 ans. "J’ai toujours été plus grande que tout le monde, plus carrée avec une très forte poitrine, à 13 ans je faisais déjà 1m75…", se remémore-t-elle.

Un terrain génétique favorable, une sensibilité à fleur de peau, 8 ans d’études loin des siens. Et quand elle rentrait chez elle pour des réunions de famille, Anne-Sophie entendait les réflexions faites à sa mère, les sous-entendus insupportables et culpabilisants : "il faut faire quelque chose, ce n’est pas possible ce poids". La jeune femme essaie toute sorte de régime. "J’arrivais à perdre 10 kg mais quelques mois plus tard j’en reprenais 15. Il suffit d’une contrariété. C’est très compliqué. La famille vous rejette et les amis vous en avez moins", raconte-t-elle. "Vous êtes parfaite en clown de service mais on ne vous emmène jamais en boite de nuit, les amis sortent sans vous", poursuit-elle. Sans parler du nombre de fois, où elle a entendu cette fameuse phrase : "Anne-Sophie, tu es une fille super mais avoir une histoire, une relation avec toi, ok. Il faut juste que personne ne le sache".

Puis elle raconte ses déconvenues lors des entretiens professionnels. Diplômée des beaux-arts et de l’Ecole d’Architectes de Paris, Anne-Sophie tape à plusieurs portes pour trouver un emploi. Des refus à répétition au vu de son physique. "Vous finissez par trouver un boulot mais on vous cache dans un bureau car il ne faut surtout pas que vous puissiez rencontrer les clients", déplore-t-elle.

"L’obésité n’est pas un choix de vie"

"Un jour je me suis retrouvée à un entretien de pré-embauche, j’étais devant 2 personnes de l’entreprise, dont la big boss, belle comme tout, filiforme, mon opposée. Devant moi, elle dit à son collègue : 'ce n’est pas possible à tous les niveaux et physiquement elle ne correspond pas au standard de la boite, je n’en veux pas'". Anne-Sophie rajoute : "on prend sans cesse des baffes. Alors on se détruit encore plus parce qu’on pense qu’on n’a pas droit à sa place dans le paysage social".

Puis un jour la jeune femme réagit, la colère monte. Pas question de se faire "bouffer la vie par les autres, je dois arrêter de baisser la tête et me battre".

Anne-Sophie Joly veut comprendre "Pourquoi les réagissent-ils ainsi ? Pourquoi ce rejet ? De quoi ont-ils peur ?". Elle développe alors une appétence au comportement psychologique et psychiatrique des gens. Ça l’aide à avancer, à s’adapter.

Si elle a souffert toute sa vie du regard des autres, de cette souffrance est née une force. C’est là qu'est né le collectif. Depuis elle multiplie les combats, les interventions et participations au sein de multiples groupes de travail étatiques, associatifs ou privés. Elle tente de porter au mieux et avec justesse la voix des associations d’obèses du Collectif, de la population souffrant de surpoids et d’obésité.

Discriminations aussi médicales

Si le chemin de la lutte est long il n’est cependant pas vain. Linda, Murielle et Anne-Sophie toutes, s’accordent à dire qu’à force de communiquer et de se battre, la société évolue et les progrès se font sentir.

"On leur donne plus la parole. À la télévision, dans les publicités, on voit plus de gens en surpoids. Je remarque qu'on réagit un peu plus face à la discrimination", précise Linda.

Pour Anne-Sophie : "aujourd’hui, le rejet ne vient plus forcément de la rue mais principalement du monde du travail et du coté des professionnels de santé. Quand on va voir un médecin, on ne trouve pas la réponse adaptée ni une prise en charge appropriée, on nous dit qu’il faudrait manger moins".

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