ENTRETIEN. "On porte des charges lourdes, on inhale des produits toxiques" : éboueur à Paris, un quotidien difficile

Les éboueurs de la ville de Paris en grève. La réforme des retraites, ils la vivent comme une injustice, un manque de considération. Nous avons rencontré l’un d’eux, Ludovic Franceschet.

Ludovic est le coup de balai le plus connu de la capitale, "l’éboueur star" des réseaux sociaux en quelque sorte. Il a rejoint les rangs de la brigade des "ripeurs" (agents de propreté) de la ville de Paris en 2017. S’il aime son métier, s’il le défend, il ne se voit pas pour autant faire des années supplémentaires, la réforme des retraites il n’en veut pas. Entretien. 

Pourquoi soutenez-vous la grève aujourd’hui ? 

Ludovic Franceschet : sans la réforme, je partirais à 66 ans. Avec la réforme, ce sera 2 ans de plus. Je ne me vois pas être éboueur jusqu’à 68 ans. J’aime ce métier, mais il est usant. J’ai commencé à travailler à l’âge de 17 ans.

Avant d’être agent de propreté, j’ai eu plusieurs vies, cumulé des CDD dans la restauration, j’ai été aide-soignant, j’ai travaillé dans l’agriculture, en grande surface… Je suis en CDI depuis 6 ans à la Ville de Paris. Une stabilité et un confort certes, mais ce métier est très fatigant.

En quoi est-il plus pénible qu’un autre ? 

Pour plusieurs raisons. Déjà, nous travaillons en extérieur et nous subissons la pluie, le froid et les fortes chaleurs l’été. Vous ne vous rendez peut-être pas compte, mais c’est très dur de ramasser les poubelles sous 40 degrés, parce qu’aujourd’hui, c’est ça Paris l’été. Il y a les odeurs derrière les camions, on évacue toutes sortes de déchets et on trouve de plus en plus de produits toxiques. On inhale tout ça ainsi que les pots d’échappement, la pollution de la ville qui est une réalité. Ce métier, c’est aussi porter des charges lourdes, on s’abîme le dos, le corps. 

Moi par exemple depuis 4 ans, j’ai régulièrement les doigts engourdis à force de traîner mon "roule sac". Je fais Paris à pieds, je balaie, je ramasse. Toujours les mêmes gestes. Je suis aussi "ripeur" derrière le camion, on se tord souvent les poignets, les chevilles.

C’est un métier très physique mais difficile aussi moralement et stressant. On se fait souvent insulter à Paris, on ralentit les voitures, les gens vous hurlent dessus, ça ne va pas assez vite, ce n'est pas le bon moment… Il faut supporter tout ça.

Quel est votre statut et quelles sont vos craintes avec cette réforme ?

J’ai commencé plus tard ce boulot, donc mon cas est différent, mais pour mes collègues qui ont une carrière longue, la retraite est normalement prévue à 57 ans (52 ans pour les égoutiers). Notre métier fait partie des professions qui ont le droit à des départs anticipés du fait de la pénibilité. Nous avons un régime spécial, mais c’est normal, je trouve et si cela change, ce sera catastrophique. Vous savez, certains d’entre nous n’atteignent jamais l’âge de la retraite, ou partent avant pour invalidité.

Alors 2 ans, de plus, c’est totalement injuste. On m’a dit que les éboueurs de Paris avaient 12 ans (17 pour les égoutiers) d’espérance de vie de moins que l’ensemble des salariés de France. 12 ans, vous vous rendez compte ? On vieillit plus vite avec ce métier. Si c’est pour être en mauvaise santé quand on partira à la retraite, à quoi bon ?

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