C'était il y a plus de 35 ans. Le 6 décembre 1986, Malik Oussekine était tué à Paris par des policiers en marge d'une manifestation contre la loi Devaquet sur la réforme des universités. En quatre épisodes, la série "Oussekine", vient documenter le destin de cet étudiant Français d'origine algérienne de 22 ans, battu à mort par des policiers.
Après "Le Bureau des Légendes" et "Baron noir", le réalisateur Antoine Chevrollier poursuit son exploration des blessures françaises avec la série "Oussekine", diffusée à partir du 11 mai sur Disney+.
Mort de Malik Oussekine, dans la nuit du 5 décembre
Les faits remontent à l'hiver 1986, en plein mouvement de contestation étudiante contre le projet de loi "Devaquet" instaurant la sélection à l'entrée de l'université.
Vers une heure du matin, le 5 décembre, Malik Oussekine, un étudiant de 22 ans, sort d'un concert, il est poursuivi jusque dans un hall d'immeuble de la rue Monsieur-Le-Prince dans le VIe arrondissement. Il est battu à mort par les "voltigeurs", ces policiers à moto qui étaient chargés de disperser les manifestations et circulaient à deux sur une moto, le passager étant muni d'une grande matraque.
A l'époque, un riverain témoigne de la violence des policiers
Seul témoin du drame survenu cette nuit-là, Paul Bayzelon, fonctionnaire au ministère des Finances, habite rue Monsieur-Le-Prince. Il raconte : "Je rentrais chez moi. Au moment de refermer la porte après avoir composé le code, je vois le visage affolé d'un jeune homme. Je le fais passer et je veux refermer la porte". (...) Deux policiers s'engouffrent dans le hall, se précipitent sur le type réfugié au fond et le frappent avec une violence incroyable. Il tombe, ils continuent à frapper à coups de matraque et de pieds dans le ventre et dans le dos. La victime crie : 'Je n'ai rien fait, je n'ai rien fait.'" Paul Bayzelon a dit avoir voulu s'interposer mais s'être fait lui aussi matraquer jusqu'au moment où il a sorti sa carte de fonctionnaire. Les policiers quittent les lieux. Malik Oussekine décède peu après à l'hôpital.
Démission du ministre, Alain Devaquet
Le lendemain, Alain Devaquet, ministre délégué à l'Enseignement supérieur et auteur du projet de loi, présente sa démission, alors que les étudiants défilent en silence, portant des pancartes "Ils ont tué Malik". Le projet de réforme est retiré. Le lundi 8 décembre, après de nouvelles manifestations, le Premier ministre Jacques Chirac annonce le retrait du texte.
La polémique enfle
Trois mois plus tard, le ministre délégué à la Sécurité, Robert Pandraud, déclenche une nouvelle polémique en déclarant à des journalistes du Monde que Malik Oussekine "n'était pas le héros des étudiants français qu'on a dit" et en ajoute: "si j'avais un fils sous dialyse, je l'empêcherais de faire le con dans la nuit".
Des peines de prison avec sursis pour les policiers
Les deux membres du "Peloton voltigeur motocycliste", le brigadier Jean Schmitt et le gardien Christophe Garcia, 53 et 23 ans à l'époque des faits, ont été jugés trois ans plus tard aux assises de Paris pour "coups et blessures ayant entraîné la mort sans intention de la donner". Ils sont condamnés le 27 janvier 1990 à des peines de prison avec sursis (cinq et deux ans respectivement).
Diffusion de la série à partir du 11 mai
Composée de quatre épisodes d'une heure chacun, la série "Oussekine" va être diffusée en France et dans le monde sur la Disney+.
"Le temps est venu de raconter nos histoires et dépoussiérer le roman national", explique le réalisateur, Antoine Chevrollier. "Malik Oussekine n'est pas un fait divers. C'est un fait de société majeur qui doit être considéré comme tel", explique-t-il. "En grattant, je me suis rendu compte qu'on pouvait raconter plein de choses comme la guerre d'Algérie (1954-1962), la situation politique de la France qui vivait une cohabitation, le contexte social... et que seule une série me permettrait de déployer toutes ces histoires", précise le réalisateur.