Ouverture à la concurrence : quelles conséquences pour les bus à Paris ?

Alors que le conseil d'administration d'IDF Mobilités a approuvé ce jeudi les modalités de l’ouverture à la concurrence du réseau de bus de la capitale et de la petite couronne, le processus suscite l'inquiétude des syndicats et de certains élus.

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C’est une étape importante, avant le lancement des appels d'offres prévu d’ici plusieurs mois. Ce jeudi, le conseil d'administration d'Île-de-France Mobilités, l’autorité organisatrice des transports franciliens, a validé les modalités de la mise en concurrence de l’exploitation des lignes de bus dans la capitale et en petite couronne.

Le réseau, aujourd’hui exploité par la RATP, sera découpé en 12 lots. Pour ce qui est du mode de gestion, les appels d’offres se feront dans le cadre de délégations de service public (DSP), confirme IDF Mobilités, qui pilote le projet. "La RATP, comme les autres entreprises, pourra répondre aux appels d’offres", indique l'institution présidée par Valérie Pécresse (LR).

La libéralisation des transports franciliens est fortement critiquée à gauche. Les élus PCF d’IDF Mobilités déplorent ainsi "une décision historique qui signe le démantèlement de la RATP".

Une pétition a d’ailleurs été lancée par le groupe de la gauche communiste au conseil régional, qui dénonce sur Twitter une "vente à la découpe de la RATP" et un "déclassement des salarié•es". D’après la pétition, la concurrence sera synonyme d’un réseau "moins efficace", "moins économe", avec également une maintenance "à moindre coût" pouvant entraîner "encore plus d’incidents".

Le seul levier sur lequel les entreprises vont jouer, c'est la baisse des salaires et la dégradation des conditions de travail

Vincent Gautheron, secrétaire de la CGT RATP

La CGT RATP, elle, a organisé vendredi dernier une mobilisation devant le conseil régional. Vincent Gautheron, secrétaire de l’union syndicale, dénonce un "très mauvais choix". "L’ouverture à la concurrence n’était pas une fatalité contrairement à ce que disent certains, affirme-t-il. Le cadre légal permet la gestion des transports par une régie publique régionale. D’autant que la mise en concurrence dans les transports est artificielle. Les plus gros opérateurs sont tous liés à des acteurs publics : par exemple Keolis appartient à la SNCF, et Transdev est une filiale de la Caisse des dépôts et consignations."

Vincent Gautheron, qui rappelle la longue grève des conducteurs de bus Transdev de l'agglomération de Melun l’an dernier, s’inquiète des conséquences du processus pour les 19 000 salariés concernés par la mise en concurrence sur le réseau de bus à Paris et en petite couronne (dont 16 000 conducteurs, selon lui) : "Dans les transports, 70% du prix de production des services sont liés à la masse salariale. Le seul levier sur lequel les entreprises vont jouer pour faire l’offre financière la plus basse et obtenir les marchés, c’est la baisse des salaires et la dégradation des conditions de travail. Ça pose aussi la question de l’attractivité du métier de conducteur, avec des difficultés pour recruter des machinistes à l’avenir."

Le secrétaire de la CGT RATP s’inquiète aussi notamment des effets de la concurrence pour la continuité du service : "En cas d’incident sur une ligne par exemple, comment seront mis en place les bus de substitution sur un réseau concurrentiel ? Les opérateurs ne prendront pas l’initiative sauf s’ils reçoivent un ordre de l’autorité organisatrice. Et les entreprises agiront en fonction du dédommagement des coûts du service de substitution."

Comment gérer l'"information voyageurs" sur un réseau partagé par plusieurs opérateurs ?

De son côté, IDF Mobilités dit "appliquer la loi". "L’ouverture à la concurrence règle une bizarrerie en Île-de-France, on ne pouvait passer que par la RATP, qui était en situation de monopole, argumente l’autorité organisatrice des transports franciliens. Il s’agit de remettre la décision publique au cœur du système, afin que la meilleure entreprise et le meilleur service soient sélectionnés."

"La mise en concurrence du réseau de transports d'Île-de-France va permettre à Île-de-France Mobilités de définir des objectifs précis adaptés à chaque réseau et de pouvoir évaluer les opérateurs, dans le but de vous offrir un meilleur service, que ce soit en termes d'offre de transports, de régularité, de propreté, ou encore information voyageurs...", affirme l’autorité, sur son site.

L’information des voyageurs est pourtant un point qui inquiète la FNAUT (Fédération Nationale des Associations d’Usagers des Transports) Île-de-France. "Par principe, on n’est pas a priori opposé à la mise en concurrence, souligne Michel Babut, vice-président de l’association. On n’est pas ici sur une privatisation mais sur une délégation de service public, IDF Mobilités garde la main sur les réseaux et les futurs exploitants."

Si deux-trois exploitants passent par le même arrêt, on ne sait pas comment les bornes d’information seront gérées

Michel Babut, vice-président de la FNAUT IDF

"Mais sur Paris et la petite couronne, la mise en concurrence risque d’être extrêmement compliquée étant donné la densité du réseau. 12 lots c’est déjà beaucoup, poursuit Michel Babut. La mise en œuvre de l’information voyageurs n’a pas été étudiée. C’est aujourd’hui géré par la RATP. Demain IDF Mobilités pourrait coordonner ces services… Mais si deux-trois exploitants passent par le même arrêt, avec plusieurs lignes concernées, on ne sait pas comment les bornes d’information, qui donnent le temps d’arrivée des bus, seront gérées."

L’ouverture à la concurrence des transports franciliens a déjà débuté, avec plus de 1200 lignes de bus du réseau Optile en moyenne et grande couronnes. Jeudi, le conseil d’administration d’IDF Mobilités a attribué cinq lots dans ce cadre : trois à Keolis, un à Transdev et un dernier à Lacroix & Savac. Métro, RER, tramway… Un calendrier a été approuvé par IDF Mobilités fin 2020. Le processus s'étale sur une période de 20 ans pour la totalité du réseau de transports en commun.

L’ouverture à la concurrence est le fruit d’une décision européenne, qui remonte à 2007. Pour ce qui est des bus à Paris et en petite couronne, l’exploitation des futurs lots devrait débuter dans trois ans, après l'attribution des nouveaux marchés : la perte du monopole de la RATP est prévue le 1er janvier 2025. Du côté des associations d’usagers, Michel Babut espère d’ailleurs que le processus se "passera mieux qu’en grande couronne", alors que "la période des Jeux Olympiques de 2024 sera propice aux mouvements de grève".

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