Paris : "La campagne des municipales ? Mais quelle campagne ?"

A Paris comme ailleurs, la campagne des municipales a été stoppée net le 16 mars après le premier tour. Sans savoir si un deuxième scrutin pourrait se dérouler. En attendant l’avis du conseil scientifique le 23 mai, chacun tente de tirer son épingle du jeu dans cette période troublée. 
 

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Officiellement, tous les candidats l’assurent, la campagne des municipales est totalement arrêtée depuis le lundi 16 mars et le début du confinement. Le second round n’aura pas lieu avant des semaines voire des mois, la priorité n’est donc plus aux élections. "La campagne des municipales ? Mais quelle campagne ? C’est pour nous un non sujet. Nous sommes complétement engagés dans la gestion d’une pandémie mondiale", explique-t-on dans le camp de la maire sortante Anne Hidalgo. "Pour nous, la campagne est suspendue. Il n’y a plus d’action militante de terrain. Rachida Dati est dans son arrondissement auprès de ses administrés", confirme-t-on du côté de l’élue LR. 
Une campagne mise sur pause. En sourdine plutôt. Car, même si les QG de campagne ont dû baisser le rideau, chez les candidats, les visioconférences ont remplacé les réunions. A un rythme certes moins soutenu, les militants et les têtes de liste continuent de travailler pour repenser et réécrire des programmes devenus obsolètes dans ce nouveau contexte de crise sanitaire, sociale et économique. Pour redessiner ce que sera la France d’après. "On doit remettre à plat nos propositions pour pouvoir faire face à cette urgence, reconnaît l’écologiste David Belliard. J’entends beaucoup de colère, notamment de la part de personnes qui ont été méprisées par les pouvoirs successifs, qui se retrouvent aujourd’hui en première ligne sans gants, sans masques. On va sortir de ça avec une crise majeure et on ne pourra plus faire comme avant. " 
Un changement de modèle et de braquet rendu inéluctable pour le mathématicien Cédric Villani, engagé dans différents groupes de travail et de recherche, notamment au sein de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst). "Il y aura un avant et un après. 2020 sera dans l’histoire une année charnière. On voit des initiatives et des prises de position comme jamais, c’est le moment d’écouter tout le monde en mettant notamment l’écologie au cœur de la relance." 
 

L’horizon lointain du deuxième tour

Pour les candidats, cette crise pourrait bien rebattre les cartes. Surtout si le premier tour des élections est finalement rendu nul… Une décision qui sera prise le 23 mai lorsque le conseil scientifique rendra son avis sur le maintien du second tour en juin ou sur un plus probable report à la rentrée. Cette dernière option, qu’appellent de leurs vœux plusieurs candidats, signifierait repartir à zéro. "Faire dans la précipitation un second tour alors que les gens craignent pour leur santé, que certains ont du mal à manger, ça serait un véritable non-sens", plaide l’insoumise Danièle Simonet. Rejoint dans son constat par David Belliard. "Lors du premier tour, nous étions dans une situation absurde qui a mis en danger des élus, des assesseurs, des candidats. Je ne veux pas que l’on reparte sur un second tour où on jouerait avec la vie des gens." Quitte à reporter ces élections au printemps 2021, en même temps que les départementales et les régionales, comme le demande Cédric Villani… 
Un nouveau calendrier qui n’arrangerait pas forcément les affaires des candidats sortis du premier tour en position de force. "On fera ce qu’on nous dira de faire. Mais même en temps de crise grave, il faut que la vie démocratique continue",  plaide-t-on chez Rachida Dati. "Ça nous semblerait incongru d’annuler ces élections pour lesquelles nous nous sommes mobilisés, pour lesquelles se sont mobilisés des assesseurs et des parisiens en masse. Il y a eu un vrai plébiscite pour la maire sortante", réagit-t-on parmi les proches d’Anne Hidalgo qui, arrivée en tête des votes avec 30 % au premier tour, espère bien conserver son score. Même si la crise pourrait bien conforter son avance. 
 

Anne Hidalgo la cheffe de guerre

Dès le lendemain du premier tour des municipales, Anne Hidalgo, dont le mandat a été prolongé comme pour tous les maires sortants, a dû réenfiler son costume de chef de guerre, déjà endossé à la suite des attentats, les manifestations des gilets jaunes et l’incendie de Notre-Dame. Multipliant les initiatives, devançant le gouvernement en fermant les parcs et les marchés. Allant même jusqu’à annoncer dimanche dernier un plan de déconfinement pour Paris… quelques heures avant celui présenté par le Premier ministre. Un dynamisme salué jusque chez ses adversaires. "Anne Hidalgo a fait preuve de beaucoup de réactivité, reconnaît l'Insoumise Danièle Simonnet. L’impréparation de ce confinement hasardeux, c’est le gouvernement qui en porte la responsabilité." Un avis que partage Cédric Villani. "Il n’y a pas eu de fautes notables dans la gestion de la crise par Anne Hidalgo. Le dépistage dans les Ehpad, elle l’a fait en passant outre les nombreux blocages de l’administration. Les tests pour la population, c’est quelque chose qui a également été poussé énergiquement par la ville." 
Une ville qui va devoir relever le défi de déconfiner ses 2,2 millions d’habitants d’ici le 11 mai en multipliant les tests, en distribuant des masques, en installant des distributeurs de gel, en créant des pistes cyclables temporaires pour éviter aux parisiens de s’entasser dans les transports en commun. Ou en s’attaquant à l’épineuse question de la réouverture des écoles. Autant de sujets périlleux auxquels Anne Hidalgo a dû s’atteler en urgence et qui a propulsé la maire de la capitale sur le devant de la scène. "Dans ces périodes de crise, il y a indéniablement une prime au sortant", résume le chef du groupe EELV au conseil de Paris, David Belliard, arrivé en quatrième position avec moins de 11 % des voix au premier tour. Pour autant, pas question pour ses rivaux d’être relégués au rôle de spectateur. "Il y aujourd’hui un certain nombre de choses qui valident ce que les écologistes disaient avant. Le système qui était le nôtre a abouti à rendre la ville extrêmement fragile avec des difficultés à répondre à la crise politique. On doit accélérer nos propositions. Une partie de l’opinion peut y être favorable."

Du côté des Républicains, pas question non plus de céder du terrain. Depuis le début de la crise sanitaire, Rachida Dati, arrivée en deuxième position avec 22 % des voix, distribue des masques, met en place un drive test et le fait savoir. Fustigeant aussi régulièrement dans les médias la gestion de la crise à Paris. Dans une interview donnée sur LCI le 22 avril, elle qualifiait les mesures promises par Anne Hidalgo de "mesures gadgets". Preuve que la campagne n’est pas loin même si les Républicains s’en défendent. "Ce n’est pas une question de rivalité. Rachida Dati joue son rôle d’élue qui garde sa liberté, tempère une de ses proches. Il y a des désaccords par rapport à la gestion de la crise comme le nettoyage des rues ou celui du mobilier urbain, la gestion des masques : les maires d’arrondissements ont dû se débrouiller par eux-mêmes. Quand au plan de déconfinement, ils l’ont appris par voie de presse." Des attaques jugées "indécentes" par l’entourage d’Anne Hidalgo. "Si certains veulent profiter de ce moment-là pour faire de la politique politicienne, don’t act. Les résultats s’en ressentiront dans les urnes".
 

Agnès Buzyn, la grande absente

Grande absente de ce débat, la chef de file des Marcheurs. Arrivée 3e du scrutin, Agnès Buzyn semble avoir disparu des radars depuis plusieurs semaines. Pas d’interview depuis celle donnée au Monde dans laquelle elle faisait part de ses regrets. Pas disponible au téléphone pour répondre à nos questions. "Elle a retrouvé ses fonctions de professeure d’hématologie à l’hôpital Percy de Clamart. Elle travaille du matin au soir dans un service qui gère du Covid", nous explique-t-on au sein de son équipe de campagne avec qui "elle garde le lien". Le 8 avril, l’ancienne ministre de la Santé a réuni une grande partie de ses têtes de liste en visioconférence. Sans vraiment aborder la question des municipales. "On s’appelle tous les 15 jours pour se donner des nouvelles. Difficile de se projeter dans l’après", reconnaît une proche. Officiellement, Agnès Buzyn est toujours candidate. Mais parmi les marcheurs, certains murmurent qu’elle pourrait abandonner surtout si les élections sont repoussées. "Elle nous a dit que dès que la vie électorale recommencera, elle reprendra son bâton de pèlerin. C’était de son devoir de le dire sinon elle aurait ouvert une véritable crise politique chez les marcheurs. Mais honnêtement, je ne suis pas sûr qu’elle repartira, confie un élu parisien. Elle a quitté le gouvernement dans une période compliquée. Elle est rentrée dans la campagne là encore dans un contexte difficile. Une campagne dure et violente avec un résultat décevant à la clé. Le fait de redevenir médecin a certainement été salutaire pour elle, ça a redonné du sens à ce qu’elle faisait. En ressortira-t-elle plus motivée que jamais pour se défendre ou n’aura-t-elle plus envie de se mêler à la foire d’empoigne ? Je ne sais pas."

Mais y a-t-il d’autres choix ? Pour l’instant, à la République en Marche, c’est le désert. Approchée en février, la maire du 9e arrondissement Delphine Bürkli a refusé de reprendre le flambeau de Benjamin Griveaux. Quand au dissident Cédric Villani, qui a obtenu 7 % des voix au premier tour et très occupé à repenser la société "à l’échelle nationale et européenne", rien n’est clair quand au rôle qu’il entend jouer pour la ville de Paris. "Mes journées du matin au soir, c’est le Covid. La campagne est très secondaire par rapport à cette crise centenaire. Nous verrons bien au moment venu… Mais comme j’ai coutume de le dire, je ne recule pas devant les engagements quand il y en a."

A Paris, si la campagne est officiellement à l’arrêt, la vie politique, elle, continue. Dès mardi, les élus parisiens doivent se retrouver au conseil de Paris pour la première fois depuis février. Cela faisait plusieurs semaines que l’opposition réclamait de pouvoir débattre et discuter de la gestion de la crise du coronavirus, s'étonnant du manque d'informations et de dialogue depuis le 16 mars. "Je fais des propositions mais je n’ai pas toujours de réponses, explique Pierre-Yves Bournazel. Pourtant l’objectif des élus, c’est que les parisiens traversent au mieux cette crise. Nos mandats valent moins que la santé publique."

Même constat pour Danièle Simonnet : "Avec le groupe Décidons Paris, nous avons fait de multiples courriers mais ils sont restés sans réponse. J’aimerais notamment que l’on aborde ce plan de déconfinement, sous dimensionné, et de mesures d’accès d’urgence à l’alimentation. J’aurais également souhaité que l’on auditionne des experts." Pas sûr qu’en une matinée, toutes ces questions puissent être abordées. Même si l’opposition, confinée, n’entend pas rester silencieuse jusqu’au 11 mai. 














 
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