La nouvelle plateforme d'admission en master fait de nombreux déçus après la publication des premières admissions vendredi. Beaucoup d'étudiants se retrouvent sans formation, et sans solution. Un phénomène qui n'est pas nouveau et qui semble s'aggraver chaque année.
Pour Adèle, étudiante en troisième année de la très sélective double licence à Paris 1 Panthéon-Sorbonne, le passage en master est loin d'être gagné. Sur les quinze vœux formulés (soit le maximum autorisé), elle n'a été retenue qu'à deux d'entre eux, et sur liste d'attente uniquement. Pour elle, impossible de se projeter à deux mois de la rentrée universitaire : "on se sent un peu abandonné par le système, par notre université et par la plateforme."
Une situation compliquée à vivre pour cette étudiante en droit et sciences politiques, comme elle le confie au micro de France 3 Paris IDF. "Visiblement mon dossier scolaire n'était pas suffisant. Je ne sais pas trop quelles sont les raisons, ni quelles sont les cases à cocher pour les masters vu que tout est généralisé avec cette nouvelle plateforme. On peut avoir des bonnes notes et pas un dossier suffisant ou l'inverse, c'est assez flou".
Une première pour "Mon Master"
Un flou que beaucoup de jeunes dénoncent, alors que le couperet est tombé vendredi dernier pour les 210 000 étudiants qui s'étaient inscrits sur la nouvelle plateforme "Mon master". Inaugurée cette année et pensée sur le modèle de Parcoursup, cette plateforme nationale du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche présentait l'avantage de simplifier les procédures d'admission avec la mise en place d'un dossier unique.
Mais l'arbre n'est pas parvenu à cacher la forêt : celle du manque de place dans les masters, de plus en plus sélectifs. "Depuis la réforme de 2016, les universités ont le droit d'appliquer la sélection à l'entrée du master 1. Elle se fait sur des critères relatifs au dossier du candidat, mais également selon les capacités d'accueil décidées lors de délibérations internes", explique Maître Rémy Dandan, avocat en droit public."Les universités ont ainsi fixé des capacités d'accueil de 20, 30 ou 40 élèves maximum, or dans certaines filières les étudiants sont parfois plus de 2 000 ou 3 000 à candidater", poursuit l'avocat spécialisé en droit de l'éducation et de l'enseignement supérieur. L'écart entre l'offre et la demande est donc abyssal dans certaines filières très demandées comme la psychologie, STAPS ou encore le droit.
La possibilité d'un recours
Or, comme le rappelle Me Dandan, il est possible de saisir le rectorat lorsqu'un étudiant se retrouve sans aucune admission : il s'agit du droit à la poursuite d'études. "L’article R. 612-36-3 du code de l’éducation prévoit les modalités et les conditions de la saisine du Recteur pour faire valoir le droit à la poursuite d’études, et précise que, 'le recteur de région académique présente à l'étudiant qui remplit les conditions de saisine, après accord des chefs d'établissement concernés, au moins trois propositions d'admission dans une formation conduisant au diplôme national de master.'", indique l'avocat basé à Lyon.
Pour Sarah, qui étudie également en double licence à l'université Paris 1, le recours sera sa dernière solution, elle qui s'est vue refuser tous ses vœux, à l'exception d'un, loin sur la liste d'attente. "Je dois attendre d'être refusée définitivement pour faire un recours. Mais les étudiants communiquent beaucoup entre eux, je vois que le recours est un droit, mais j'ai l'impression qu'il ne fonctionne pas dans la majorité des cas", raconte-t-elle, inquiète.
Un accroissement des inégalités
Un constat partagé par Me Dandan, qui précise toutefois que "si le rectorat ne vous propose pas ces trois admissions, vous êtes en droit de saisir le juge administratif, et vous pourrez obtenir une admission par injonction du juge". Des procédures possibles donc, mais qui renforcent les inégalités entre les étudiants, selon l'avocat : "Légalement le rectorat est obligé, mais c'est là qu'il y a une vraie inégalité car la plupart des étudiants ne peuvent pas se payer les services d'un avocat. De plus, le rectorat compte beaucoup sur l'usure des étudiants qui dans la plupart des cas ne savent pas que cela est possible".
Alors que l'ex-ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche Frédérique Vidal annonçait en 2021 la création de 3 000 à 4 000 places supplémentaires dans les masters les plus demandés, le syndicat l'Union étudiante en demande aujourd'hui 30 000. "Nous revendiquons également l'ouverture d'une phase complémentaire qui permettrait à certains étudiants d'obtenir une place en master, car à part le recours gracieux et la saisine auprès du rectorat, il n'y a pas de solution concrète", détaille leur porte-parole Eléonore Schmitt.
Une meilleure cartographie des filières en tension
"Nous avons 185 000 places d'ouverte en première année de master, et 173 000 candidats considérés comme éligibles", indique le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche. "C'est un chiffre global, nous sommes conscients qu'à l'échelle des filières il peut y avoir des tensions", précise un proche de la ministre Sylvie Retailleau.
"Jusqu'à présent nous n'avions pas de visibilité nationale sur les filière en tension, car chaque formation gérait ses recrutements de son côté. Avec la nouvelle plateforme, nous aurons une cartographie plus complète des endroits où il peut y avoir des tensions", précise la même source.
Pour le ministère, la centralisation des candidatures sur une plateforme unique permet donc de mieux gérer l'offre et la demande, mais elle permettra surtout d'allouer plus facilement les places vacantes. "Lorsqu'un étudiant accepte une offre de formation, la plateforme annule directement ses autres demandes, ce qui libère des places. Avant, les universités n'étaient pas automatiquement au courant lorsqu'un étudiant se désistait, et elles devaient attendre la rentrée pour recontacter d'autres étudiants", précise le ministère.
Les phases de saisines rectorales, qui débuteront désormais au 30 juin, contre la fin août avant l'arrivée de la plateforme, est également un autre atout défendu par le ministère. "L'objectif est que tous les étudiants aient un master".
Selon Franceinfo, en 2021, sur les 12 050 saisines reçues, 7 013 étaient recevables et seulement 2 845 ont donné lieu à une proposition d'admission.