Police Judicaire de Paris : des enquêteurs spécialisés dans les affaires non résolues

L’UAC3, l'Unité d’Analyse Criminelle et d’Analyse Comportementale des Affaires Complexes de la Brigade Criminelle de la Police Judiciaire de Paris s'attache à résoudre les "cold case", les affaires non résolues.

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Guy Georges, Michel Fourniret, les disparues de la RN20 et plus récemment le Grêlé, il est des crimes qui obsèdent les enquêteurs et les magistrats : ceux des affaires non résolues, œuvre d’un seul auteur compte tenu du mode opératoire utilisé et du caractère parfois sériel.

Avec les progrès de la science, la modernité des techniques d’investigation, l'identification de l’ADN, la création du FNAEG (Fichier National Automatisé des Empreintes Génétiques) le 17 Juin 1998, les enquêteurs ont confondu nombre de criminels. Notamment les policiers de l'Unité d’Analyse Criminelle et d’Analyse Comportementale des Affaires Complexes de la Brigade Criminelle de la Police Judiciaire de Paris. C’est eux qui ont réussi à mettre un nom et un visage derrière le portrait-robot du Grêlé.

Le Grêlé, des "trous sur les joues"

Paris, le 7 Avril 1986. La petite Sarah, 8 ans, est laissée pour morte dans les sous-sols d’un immeuble place de la Vénétie dans le 13ème arrondissement. Elle raconte aux policiers de la 5eme DPJ (division de la Police Judiciaire) qu’un monsieur l’a coincée dans l’ascenseur, descendue au 4ème sous-sol, lui a attaché les mains dans le dos puis lui a donné des coups de poings dans le ventre avant de lui mettre un foulard autour du coup et de l’étrangler.

Trois jours plus tard, toujours dans le 13ème arrondissement, Nathalie 7 ans, échappe par miracle à une tentative de viol. Elle parvient à décrire son agresseur et donne deux détails importants : "une mèche longue de cheveux qui lui descend sur l‘œil et "des trous sur les joues." 

L’homme portait une mèche et sa peau était marquée comme grêlée par d’anciens boutons.

Luc-Richard, demi-frère d'une victime

Le 5 Mai 1986, Cécile Bloch 11 ans, est sauvagement assassinée dans les sous-sols de l’immeuble de ses parents, dans le 19ème arrondissement. L’autopsie révèlera que son décès est consécutif avec un étranglement par liens, suivi d’un coup de couteau donné dans la région thoracique. La fillette a aussi été violée. Entendu par les enquêteurs, le demi-frère de Cécile, Luc-Richard, révèle qu’il a pris l’ascenseur avec un inconnu peu avant les faits. Il en donne une description : "l’homme portait une mèche et sa peau était marquée comme grêlée par d’anciens boutons."

Le Grêlé, 5 lettres qui imprègnent une série de meurtres abjects commis à Paris et en Seine-et-Marne de 1986 à 1997. Au total, ce tueur en série également pédophile est soupçonné de six viols et quatre assassinats. Plus vieux cold case de France, cette affaire a obsédé des générations de policiers à la Brigade Criminelle de Paris. Malgré des portraits robot, une ADN recueillie, le Grêlé a échappé aux limiers de la Crim’ pendant 35 ans. Jusqu’au 29 Septembre 2021.

Le tueur en série et violeur, un ancien policier

Le 29 Septembre dernier, le corps de François Vérove, 59 ans, est découvert dans une maison au Grau-du-Roi. Dans une lettre adressée à sa famille, il écrit "se sentir rechercher par la police." Comme 750 anciens gendarmes en poste en Île-de-France à l’époque des faits, l’homme avait reçu une convocation pour se présenter "dans le cadre d’une vieille affaire." Le lendemain, le prélèvement ADN parle : son empreinte "matche" avec celle du Grêlé.

Durant 35 ans, les enquêteurs de la brigade Criminelle et ceux de la Brigade de Protection des Mineurs (en charge des viols et tentatives de viols) n’ont jamais cessé leurs investigations. Un témoignage revenait : celui d’un suspect qui présentait une carte tricolore pour mettre en confiance ses victimes.

La nouvelle juge d’instruction en charge du dossier, Nathalie Turquey, décide alors d’exploiter cette piste. Elle reprend tous les indices et les lieux de commission des crimes. Le travail est titanesque. Elle demande la liste de tous les gendarmes nés entre 1950 et 1966, ayant été affectés dans une unité implantée autour de Saclay entre 1980 et 1987, ayant fait partie du corps de la gendarmerie de l’armement aux mêmes dates, ayant été détachés dans les colonies de la gendarmerie, affectés à la Garde Républicaine. 2500 noms lui sont transmis. Nathalie Turquey resserre alors le spectre. La liste tombe à 750 noms. La Brigade Criminelle vérifie les adresses des anciens militaires ciblés. Le premier gendarme sera interrogé le 1er octobre 2018 à Paris. Tous se font prélever leur ADN.

Le 24 Septembre 2021, François Vérove ne s’est pas rendu à sa convocation. Il savait manifestement qu’il serait démasqué par son empreinte génétique. Il préfère se suicider. Toutefois, si sa mort met fin aux poursuites à son encontre, l’enquête criminelle, elle, continue. Une information judiciaire a été ouverte pour "viols sur mineurs de 15 ans, assassinats, tentative d’homicide volontaire, vols avec arme, usage de fausse qualité et enlèvement et séquestration sur mineur de 15 ans." 

L’identification du Grêlé est la première affaire résolue par l’UAC3 même si la Crim’ n’en n’a pas fini avec le Grêlé. Toujours en charge du dossier, la brigade mythique de l’ancien 36 Quai des Orfèvres, reconstitue le parcours du criminel à la recherche notamment d’éventuelles complicités mais aussi de victimes. Plus d’une quinzaine de faits pourraient être reliés à François Vérove. 

L'Unité cold case de la Brigade Criminelle de Paris

D'autres affaires non résolues attendent dans les armoires de la PJ. Des "crimes mystérieux" sans élément ni mobile connu mais parfois avec des suspects qui n’ont pas pu être "accrochés" comme on dit dans le jargon et sur lesquels pourraient à nouveau porter les actes d’enquête. Certaines sont classées, d’autres font encore l’objet d’une information judiciaire. 

A Paris, ces meurtres et viols, parfois commis en série, sont désormais confiés à une unité dédiée. L’UAC3 (Unité d’Analyse Criminelle et d’Analyse Comportementale des Affaires Complexes). Créée le 3 juin 2021 à l’initiative du patron de la Brigade Criminelle, Michel Faury, sa réflexion et le travail de ses policiers avait été engagée plusieurs mois en amont.

"Les dossiers criminels sont de plus en plus lourds et complexes. Très vite, ils deviennent chronophages. Les enquêteurs prennent une charge de travail importante et n’ont pas toujours le recul nécessaire pour revenir sur des dossiers plus anciens", explique Christian Sainte, Directeur de la Police Judiciaire de Paris.

Si on ne dégage pas de moyens spécifiques côté police et justice, on perd une capacité à élucider ces dossiers.

Christian Sainte, Directeur de la PJ de Paris

"Cette Unité a germé dans l’esprit des personnels de la Brigade Criminelle à l’occasion de cette affaire du Grêlé. On voit bien l’intérêt de la chose : ce sont des enquêteurs déchargés du reste qui ont travaillé exclusivement sur ce dossier pour en permettre l’aboutissement. Si on ne dégage pas de moyens spécifiques côté police et justice, on perd une capacité à élucider ces dossiers dont la tentation peut être grande de les refermer à partir du moment ou au bout d’un an, deux ans, il n’y a pas d’évolution positive", ajoute-il.

La Brigade Criminelle de Paris travaille par nature sur les affaires les plus compliquées. Elle est saisie en ce sens par les magistrats. Si l’enquête s’éternise, les témoignages deviennent approximatifs, le recueil de nouveaux indices peu probable ; les crimes peuvent alors devenir des cold case. "Quand une enquête criminelle doit prospérer, évoluer favorablement, qu’il y a une dynamique d’enquête, cela progresse très vite. Dans les affaires non résolues, nous n’avons pas de piste, pas d’information, les enquêteurs galèrent. C’est important de se donner du temps et de dédier des personnels spécifiquement formés', poursuit Christian Sainte.

Six policiers, tous avec un haut niveau d’expérience à la Brigade Criminelle, ont intégré l’UAC3. Rompus aux méthodes d’investigation de la Crim', et à leur durée, ils travaillent sur des affaires non résolues et apportent également leur assistance et technicité aux services de police départementaux de la petite couronne. Pas de formation spécifique mais une approche différente : un regard neuf distinct des investigations initiales, utilisation des outils et logiciels qui permettent de dresser des anagrammes, des schémas de lien criminel et technique entre les individus.

Enquête policière et analyse comportementale

Autre particularité de l’unité cold case, elle s’est également dotée d’un psychologue à temps plein afin d’affiner l’analyse comportementale des individus recherchés. "Il s’agit d’un psychologue déjà dédié à la Police Nationale à la Direction Régionale de la Police Judiciaire", précise Christian Sainte "qui porte un œil expert sur cette logique, cette mécanique qui amène un individu à passer à l’acte criminel." 

Dans leur portefeuille des affaires non résolues : une soixantaine de crimes, essentiellement des crimes de sang à l’exception des viols sériels, commis à Paris entre 1991 et 2018 sont actuellement passés à la loupe par les héritiers des fameux "limiers" de la Crim’.

Un pôle "cold case" composé de quatre magistrats vient tout juste d'être mis en place au Tribunal Judiciaire de Nanterre dans les Hauts-de-Seine par le Garde des Sceaux, Eric Dupond-Moretti. La justice française est actuellement saisie de 173 crimes non élucidés et 68 procédures de crimes sériels, selon le ministère. 

Un pôle national dédié aux cold cases ©France 3 Paris Île-de-France

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