L'Etat devrait payer une nouvelle astreinte de 10 millions d'euros pour la mauvaise qualité de l'air à Paris et à Lyon, a proposé ce mercredi le rapporteur public du Conseil d'Etat. Ce dernier a toutefois pris acte de "progrès notables".
Quelle est la responsabilité de l’Etat concernant la mauvaise qualité de l’air ? Lors d'une audience, le rapporteur public du Conseil d'Etat a suggéré "que l'Etat soit condamné à verser une somme de 10 millions d'euros" pour la période d'un an allant du 12 juillet 2022 au 12 juillet 2023, pour ne pas avoir pris assez de mesures contre la pollution de l'air. Ses conclusions sont généralement, mais pas systématiquement, suivies dans les décisions du Conseil d'Etat.
Pour la pollution de l'air - qui favorise des maladies comme l'asthme, les problèmes cardiovasculaires ou le cancer du poumon -, une première décision remonte à juillet 2017. Le Conseil d'Etat avait alors enjoint à l'Etat de mettre en œuvre des plans de réduction des niveaux de particules fines PM10 ou de dioxyde d'azote (NO2, notamment associé au trafic routier) dans treize zones. L'Etat a depuis été condamné en 2021 puis en 2022 à verser au total 30 millions d'euros, correspondant à trois semestres, pour ne pas avoir renforcé suffisamment son dispositif.
Le rapporteur public a ainsi proposé mercredi une nouvelle astreinte, estimant que "le compte n'y est toujours pas", avec une poursuite des dépassements de seuils en matière de NO2 à Paris et à Lyon. Il a toutefois noté des "progrès notables" et suggéré de "donner acte des progrès réalisés en divisant par deux" l'astreinte. La nouvelle somme proposée correspond ainsi à 5 millions d'euros par semestre contre 10 millions lors des décisions précédentes. Les dépassements ont cessé partout concernant les PM10 et ne demeurent qu'à Paris et Lyon en ce qui concerne le NO2, a relevé le rapporteur.
Avec la nouvelle demande d'astreinte, "l'essentiel y est", a réagi auprès de l'AFP Louis Cofflard, avocat des Amis de la Terre, ONG requérante dans ce dossier. Il s'inquiète cependant de voir la somme proposée divisée par deux. Cela "suscite des questions parce qu'on peut se demander si ça va vraiment inciter l'Etat à aller beaucoup plus vite si on réduit le taux de l'astreinte", a fait valoir l’avocat.
Les ZFE et le besoin d'"acceptabilité"
"La décision date de 2017 et l'Etat, plutôt que de s'en saisir comme d'un instrument pour accélérer les changements et prendre les mesures structurelles qui s'imposent, a préféré jouer la montre", a regretté Me Cofflard.
Les normes actuelles dans l'UE sont bien moins strictes que celles qui sont recommandées par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) mais la Commission européenne propose de les renforcer et les eurodéputés ont réclamé en septembre des normes plus strictes. En France, des zones à faibles émissions (ZFE) sont mises en place pour limiter l'accès de certaines grandes villes à plusieurs catégories de véhicules polluants. Mais cela a suscité dernièrement des réticences sur fond de crise du pouvoir d'achat car les véhicules moins polluants, hybrides ou électriques, sont plus chers à l'acquisition.
"Nous ne sous-estimons pas les difficultés politiques et sociales que ces nouvelles contraintes peuvent susciter", a indiqué le rapporteur public du Conseil d'Etat, reconnaissant le besoin d'"acceptabilité". Mais il s'est étonné par exemple d'un calendrier de mise en place des restrictions "moins exigeant" à Lyon qu'à Marseille, sans justification pour ce décalage.
Ademe, Cerema, Anses, Ineris, Airparif… Les montants les plus importants seraient versés à un ensemble d'organismes publics ou associatifs. Mais le rapporteur a proposé que 5 000 euros soient aussi versés aux Amis de la terre. Sollicité par l'AFP, le ministère de la Transition écologique n'avait pas réagi mercredi en fin d'après-midi.