Au septième jour du procès des attentats du 13 novembre 2015, des photos et des vidéos sans son des attaques près du Stade de France et sur les terrasses ont été diffusées ce jeudi. Une journée d’audience sensible pour certaines parties civiles.
Jean-Louis Périès, le président de la cour d'assises spéciale avait plusieurs fois prévenu les parties civiles. Suite à la brève prise de parole des accusés mercredi, le procès des attentats du 13-Novembre s’est poursuivi ce jeudi avec la diffusion d’images des faits. Peu après 13h, un premier expert est appelé à la barre : Xavier Vo Dinh, un enquêteur arrivé à 23h20 au Stade de France, où trois explosions ont eu lieu (les deux premières à proximité d’entrées du stade et la troisième près d’un McDonald’s, à 150 mètres de l’enceinte sportive).
Le policier, vêtu d’un costume gris, détaille longuement les constatations, et rappelle le bilan de quatre morts - les trois kamikazes, ainsi qu’une victime morte lors de la première explosion - et de nombreux blessés. Les attaques se sont déroulées en parallèle d’un match amical de football entre la France et l’Allemagne. A l’aide d’un large écran blanc installé derrière la cour, l’enquêteur, équipé d’un pointeur laser, montre d’abord des plans des lieux.
J'éviterai tout au long de mon témoignage de montrer des corps ou des parties de corps
Puis plusieurs photos sont projetées sur l’écran. "J'éviterai tout au long de mon témoignage de montrer des corps ou des parties de corps", annonce le fonctionnaire. Pour chaque explosion, les images montrent à des rues vides, plongées dans la nuit, avec de nombreux cavaliers posés au sol (des petits panneaux numérotés, utilisés par la police pour mettre en évidence les indices). Les dégâts matériels provoqués par les attaques sont également bien visibles, avec des bris de verre au sol, des écrous encastrés dans des vitrines et des voitures criblées de projectiles.
Si les photographies ont été sélectionnées de façon à ne pas montrer les éléments les plus graphiques, on peut toutefois observer des portions de rues couvertes de traces de sang, ou encore un véhicule "maculé de morceaux de chair". Les commentaires de l’enquêteur sont également sensibles : il évoque entre autres la tête d’un kamikaze "découverte au milieu de la chaussée", "une jambe arrachée", "un bras gauche manquant", ou encore "un morceau d’os", "un doigt", "des lambeaux" et des membres dispersés à plusieurs mètres de distance.
Au cours de sa présentation, l’enquêteur parle aussi des "engins explosifs improvisés", avec des fils, des morceaux de scotch et des interrupteurs retrouvés sur place. Après des photos de scellés, le témoin diffuse des images de vidéosurveillance. Sur une capture d’écran, prise une seconde après l’une des explosions, on voit le flash causé par la déflagration.
"La télé diffuse des choses beaucoup plus crues que ce que l’on nous montre ici"
Les parties civiles, elles, écoutent attentivement le témoin. Croisée à la sortie de la salle d’audience, Catherine Orsenne dit ne pas appréhender. "Je ne redoute pas l’audience, j’ai travaillé dans le monde de la santé et, après tout, la télé diffuse des choses beaucoup plus crues que ce que l’on nous montre ici… Je ne ne suis pas particulièrement impressionnable alors je le prends avec détachement, mais pour d’autres ça peut être totalement différent", estime cette partie civile, qui était dans les tribunes du Stade de France.
"On a appris des choses et on a compris qu’il y avait des zones d’ombre, poursuit-elle. Par exemple, pourquoi s’est-il écoulé une demi-heure avant que le troisième kamikaze se fasse exploser ? On nous a aussi expliqué que les trois kamikazes cherchaient des groupes de personnes, à défaut de pouvoir entrer dans le stade, ce qui était probablement leur projet initial. Ils chercheraient tout de même à faire un maximum de victimes. Mais une fois le match commencé, c’était complètement désert autour du stade. Ça se serait passé une demi-heure avant le match, ça aurait été un carnage. Je pense qu’il y a eu une distorsion entre ce qu’ils espéraient ce qu’il s’est réellement passé."
Je réalise que je m’en suis très bien tiré, j'aurais pu ne plus être là
Une autre partie civile, Paul Henri Baur, qui a été blessé au Stade de France, explique également y voir plus clair : "Lors de l’attaque, il y a eu une explosion et je me suis retrouvé par terre sur la chaussée, sans savoir ni pourquoi ni comment… Au début, j’ai cru que c’était une fuite de gaz sur le trottoir. Là, j’ai vu sur les images exactement ce qu’il s’est passé. On a bien vu que c’est un terroriste qui s’est fait exploser. Je réalise que je m’en suis très bien tiré, j'aurais pu ne plus être là."
Dans la salle d’audience, un autre enquêteur est désormais à la barre, pour témoigner des attaques au Petit Cambodge et au Carillon - des fusillades au cours desquelles 13 personnes ont été tuées. Le policier, qui raconte sa "sidération", est visiblement ému. Avec, là encore, des images sensibles. Suit le témoignage d'un dernier enquêteur : un commissaire venu présenter les constatations à la pizzeria Casa Nostra et au bar La Bonne Bière. Sur place, cinq personnes sont décédées.
Vendredi, le huitième jour du procès sera consacré aux constatations réalisées au Bataclan, avec la diffusion d'un document sonore de 30 secondes. Il s'agit de l’extrait d’un enregistrement pris par un dictaphone resté allumé pendant l’attaque, où l’on entend la musique et les premiers tirs.