Au cours de cette nouvelle journée d’audience, l'unique survivant des commandos du 13 novembre 2015 a d’abord décidé d’exercer son "droit au silence". Puis l’accusé a finalement répondu à quelques questions.
Au fil de son interrogatoire, Salah Abdeslam choisit tantôt de se taire, tantôt de s’exprimer selon les questions. "Aujourd'hui, je souhaite faire usage de mon droit au silence", annonce l’accusé en début d’audience. De quoi susciter des soupirs de déception dans la salle de retransmission dédiée aux journalistes, présents en nombre ce mercredi. "C'est votre droit, mais ce n'était pas du tout prévu", répond le président de la cour d'assises spéciale de Paris, Jean-Louis Périès, visiblement déçu.
Alors que le juge insiste, Salah Abdeslam, vêtu d’un polo et d’un masque noir, répète son refus : "J'ai déjà fait des efforts. J'ai gardé le silence pendant six ans. C'était la position que je voulais adopter pour ce procès, mais j'ai changé d'avis… Je me suis exprimé avec respect à l'égard des victimes, mais là je n’y arrive plus." L’accusé refuse de se justifier. "C'est pour qu'on ne me qualifie pas à nouveau de provocateur que je ne veux pas donner mes raisons", indique-t-il toutefois.
Jean-Louis Périès enchaîne ensuite une série de questions, en rappelant les éléments de l’enquête. Est ainsi abordé l'itinéraire de Salah Abdeslam du 9 au 13 novembre, avec notamment la réservation de chambres d'hôtel à Alfortville pour servir de planque, et le passage à Charleroi en Belgique avant le départ des commandos djihadistes vers Paris. Sans succès : l’accusé, impassible, regarde droit devant lui sans dire un mot.
"La lâcheté est la marque de fabrique des terroristes"
"C'est dommage, Mohamed Abrini vous a ouvert une porte hier", déplore le président. Mardi, le coaccusé a en effet confirmé avoir renoncé à participer aux attentats, déclarant que Salah Abdeslam avait dû le "remplacer". Mohamed Abrini a ainsi longuement cherché à minimiser le rôle de son ami d’enfance, qui n’aurait fait, selon lui, qu’obéir aux ordres de son frère Brahim Abdeslam.
Jean-Louis Périès aborde également le soir du 13 novembre. D’après l’enquête, Salah Abdeslam a conduit le commando terroriste du Stade de France à destination, avant d'abandonner son véhicule dans le XVIIIe arrondissement. Puis de se diriger vers Montrouge, au sud de la capitale, en laissant son gilet explosif.
Le président demande ensuite à la cour si elle souhaite poser "des questions sans réponse". Alors que la parole est donnée au ministère public, l’avocat général Nicolas Le Bris reproche à Salah Abdeslam de "se prendre pour une vedette", de "faire du teasing" et de prendre "plaisir à voir la déception des parties civiles". "La lâcheté est la marque de fabrique des terroristes… Il n'y a pas une once de courage chez vous, c'est de la lâcheté à l'état brut", conclut-t-il.
"Je vais quand même répondre à quelques questions"
C’est finalement Me Claire Josserand-Schmidt, une avocate des parties civiles, qui réussit à faire sortir l’accusé de son silence. "Je vais quand même répondre à quelques questions parce que je vous l'avais promis", explique Salah Abdeslam, après avoir opiné de la tête face aux demandes du conseil. L’avocate aborde notamment son prétendu refus de se faire exploser le soir des attentats. Alors qu’il avait affirmé le 9 février dernier avoir fait "marche arrière" en renonçant à déclencher son gilet explosif, l’accusé confirme de nouveau ses propos. "Pas par lâcheté, pas par peur, parce que je ne voulais pas, c'est tout", indique Salah Abdeslam.
Après lui avoir rappelé qu’il avait confié à ses proches que son gilet n'avait pas fonctionné, Me Claire Josserand-Schmidt lui demande si ces déclarations adressées à ses "frères" relevaient d’un "mensonge" ? "Oui c'est ça, j'avais honte de ne pas avoir été jusqu'au bout. J'avais peur du regard des autres. J'avais 25 ans aussi", répond l’accusé. Mis à part un bref échange avec Me Mouhou, un autre avocat des parties civiles, Salah Abdeslam replonge ensuite dans son silence.
Suite à une suspension de séance, l’audience reprend avec témoignage de Bruno Vanlerbergue, chef du pôle explosif du laboratoire central de la préfecture de police de Paris. Interrogé à propos du gilet explosif retrouvé à Montrouge, l’expert explique que le gilet était dysfonctionnel, qu’il ne contenait ni pile ni bouton poussoir, et qu’un câble du système de mise à feu avait été sectionné.
Salah Abdeslam accepte cette fois-ci de répondre à Jean-Louis Périès. L’accusé confirme avoir bel et bien abandonné le gilet en question dans une rue résidentielle de Montrouge. Alors que le juge lui demande si Salah Abdeslam a fabriqué le gilet, en rappelant que l'ADN de son frère a été retrouvé sur le dispositif, l’accusé change encore d’avis et annonce vouloir conserver son droit au silence. Seule précision, avant que l’audience soit levée : le survivant des commandos terroristes affirme avoir retiré lui-même la pile et le bouton poussoir avant d'abandonner le gilet, afin qu’il ne puisse plus être déclenché selon lui.