Procès du 13-Novembre : l’audience suspendue après des échanges tendus entre la cour et la défense

De nouveau interrogé sur le fond du dossier, Salah Abdeslam n’a donné ce mardi que quelques rares réponses à propos des préparatifs des attentats. Cette journée d'audience s'est terminée par de vifs échanges.

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"No comment", répète Salah Abdeslam au cours de l’audience, face aux questions de Jean-Louis Périès, le président de la cour d'assises spéciale. L’accusé, vêtu d’une chemise à carreaux et d’un masque noir sur son visage, est notamment soupçonné d’avoir effectué deux trajets en France dans le but de rechercher des explosifs, mais aussi d’avoir "récupéré des terroristes" de retour de Syrie.

Jean-Louis Périès commence ainsi par l'interroger à propos de plusieurs convois effectués en Europe, avec des voitures louées sous la véritable identité de Salah Abdeslam. L’accusé, qui admet avoir loué les véhicules, nie toutefois avoir ramené toutes les personnes évoquées. Il reconnaît uniquement deux trajets, et concède juste avoir transporté "certains" membres des commandos terroristes. 

"Il faut dire dans quel contexte je l’ai fait. Ce sont mes frères en Islam. Ils vivaient dans une zone de guerre. Notre prophète nous interdit d’abandonner nos frères. Ils avaient besoin d’aide", indique l’accusé. Et ce, allant même jusqu’à dresser un parallèle avec "la guerre aujourd’hui en Ukraine", et les personnes qui vont à la frontière pour "chercher des gens" partis "faire de l'humanitaire" ou "combattre".

"J'ai l'impression que vous êtes un peu susceptible"

Tout au long de l’interrogatoire, Salah Abdeslam refuse systématiquement de donner les noms des personnes impliquées dans les convois, ou ceux des donneurs d’ordre. "Je ne balance pas les gens, même s’ils n’étaient plus dans ce monde aujourd’hui ", souligne-t-il. Face aux demandes répétées de précisions de la part de Jean-Louis Périès, l’accusé répond même : "Je crois que vous ne m'avez pas bien entendu, monsieur le président". "C’est mon devoir d’insister", réagit ce dernier. "Vous pouvez toujours essayer", rétorque Salah Abdeslam. Réponse du président : "Dites la vérité, ça ira plus vite".

L’accusé réplique souvent avec ironie, voire avec des provocations. Questionné à propos de l’organisation entre la Syrie et la Belgique, l’unique survivant des commandos terroristes lâche : "Arrêtez monsieur". "Changez de tonalité monsieur, ne me donnez pas d’injonctions", répond Jean-Louis Périès. Ce à quoi Salah Abdeslam rétorque : "J'ai l'impression que vous êtes un peu susceptible". Le président le menace alors d'un outrage à magistrat.

"Ils ne m’ont pas dit qu’ils venaient avec une mission", affirme par ailleurs l’accusé, à propos des terroristes transportés. Il reproche ensuite à Jean-Louis Périès de lui avoir "coupé la parole". "Heureusement que je ne suis pas susceptible", réagit le président, demandant à l'intéressé de "respecter les formes".

"Vous auriez dû faire enquêteur"

Au fil de l’audience, Salah Abdeslam qualifie même l’enquête de "travail bâclé" et dénonce "un château de cartes" construit d’après lui de toutes pièces. Jean-Louis Périès réplique en défendant des investigations "sophistiquées" et loin d’être "farfelues". "On ne va pas dire que c'était grandiose non plus", ironise l’accusé. "Vous auriez dû faire enquêteur", lance-t-il même, quelques minutes plus tard, alors que le président multiplie les questions.

Après une première suspension, l’audience reprend. "Si vous aviez su que ces personnes allaient participer de près ou de loin à des attentats, est-ce que vous seriez allé les chercher ?", demande Xavière Simeoni, une assesseure, à Salah Abdeslam. "C’est une bonne question… A l'époque, j’étais fêtard, je pensais me marier. J'aurais peut-être eu peur. Mais s'ils avaient prévu de faire un attentat, c'est qu'ils avaient sûrement de bonnes raisons", répond l’accusé. 

"Vous m'avez bousillé ma vie", poursuit-il. "Qui ?", questionne l’assesseure. "La France et son gouvernement, la manière dont vous m'avez traité depuis six ans", affirme Salah Abdeslam. "Je crois que les parties civiles attendent d'autres réponses", coupe Xavière Simeoni. Le commentaire entraîne une intervention de Me Olivia Ronen, l'une des avocates de l’accusé, qui rappelle que le procès a pour objectif de chercher la "vérité judiciaire".

"La police de l'audience, c'est moi qui l'ai"

Suite à des applaudissements des parties civiles et d’autres échanges, Me Olivia Ronen tente une nouvelle fois d’intervenir. Jean-Louis Périès s’y oppose. "Vous poserez vos questions quand ça sera votre tour. Ce n'est pas l'Assemblée nationale… La police de l'audience, c'est moi qui l'ai, ce n'est pas vous qui allez me l'apprendre", affirme le président, invitant même Me Martin Vettes - l’autre avocat de Salah Abdeslam - à "changer de métier".

De quoi provoquer la colère des avocats de la défense, puis une suspension de l’audience. Après un "appel au calme", Jean-Louis Périès, de retour, demande au public d’éviter les "manifestations de quelque sorte que ce soit", et aux avocats de "respecter les paroles des uns et des autres". Alors que Me Martin Vettes reproche au président de ne pas avoir voulu ouvrir les micros "pour défendre monsieur Abdeslam", Me Olivia Ronen finit par annoncer que la défense a décidé de se retirer pour aujourd'hui.

C’est la deuxième fois que Salah Abdeslam est interrogé sur le fond du dossier. Le 9 février dernier, il avait affirmé avoir renoncé à "enclencher" sa ceinture explosive lors des attentats, indiquant avoir "fait marche arrière".

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