L’unique survivant des commandos terroristes du 13 novembre 2015 a été interrogé ce mercredi 9 février sur le fond du dossier. "Je n'ai tué personne", a répété l’accusé, qui a cherché à minimiser son rôle.
"Ce que je peux vous dire, c'est que je ne suis pas un danger pour la société", affirme Salah Abdeslam, au cours de l’audience. L’accusé, qui explique dans un premier temps "encore hésiter à répondre ou non aux questions", est interrogé ce mercredi après-midi par la cour sur son parcours et sa radicalisation.
Appelées à témoigner, la mère, la sœur et l’ancienne petite amie de Salah Abdeslam sont finalement absentes. Les médias, eux, sont présents en nombre pour couvrir la journée d’audience - la salle de retransmission dédiée à la presse est d’ailleurs pleine.
"Je n'ai tué personne, je n'ai blessé personne. Depuis le début de ce procès, on n'a cessé de me calomnier", déclare Salah Abdeslam en ouverture de son interrogatoire, au cours d’une "déclaration spontanée". "Je constate que dans les affaires de terrorisme, les peines prononcées sont extrêmement sévères, même parfois pour ceux qui n'ont pas tué, poursuit l’accusé, vêtu d’une chemise blanche et d’un masque recouvrant sa barbe, entouré de policiers dans le box. C’est aussi un message envoyé à l’individu qui va se retrouver un jour dans un métro avec une valise d’explosif mais qui se dira au dernier moment qu’il veut faire marche arrière. On ne lui pardonnera pas, on va le pourchasser, le tuer ou l'humilier, comme je le suis aujourd'hui."
Salah Abdeslam reconnaît ensuite son adhésion au groupe Etat Islamique : "Je ne peux pas nier que j'ai un parcours de combattant". Interrogé sur une éventuelle envie de partir en Syrie par le passé, il répond : "Envisager, je ne dirais pas… Ça m’a traversé l’esprit". S’il explique qu‘"on peut faire un kamikaze en 24h" pour ce qui est de certains individus, il précise que, pour sa part, "les choses sont faites étape par étape".
"Monsieur le président, respirons un petit coup"
Questionné à propos de son adhésion à Daech, l’accusé raconte son admiration pour l’organisation, qualifiant le actions menées par le groupe de "légitimes" et soulignant son opposition au régime de Bachar Al-Assad : "Pour moi, le monde occidental impose son idéologie et ses valeurs au reste du monde. Dans le monde musulman, les valeurs occidentales prennent le dessus… L’Etat Islamique combat pour que la charia soit établie sur la Terre." Et d’ajouter : "Je les soutiens et je les aime, ils sacrifient leur âme et leur corps", à propos des combattants de Daech.
Salah Abdeslam explique avoir d'abord soutenu "à distance" l’organisation, tout en continuant sa "vie de tous les jours". "Au début je n’avais pas cette connaissance religieuse, déclare-t-il. Je suis musulman, on m’a appris l’aspect spirituel de la religion, mais pas l’aspect politique et militaire."
L’accusé tente ensuite une nouvelle fois de justifier les attentats du 13-Novembre en les présentant comme une réponse à "l’agression de la France" : "Quand ils ont touché des civils, c’était pour marquer les esprits". Après s’être exprimé sur les pratiques de décapitation et d’esclavage au sein de l’Etat Islamique, Salah Abdeslam confirme toujours "adhérer aux idées" de l’organisation : "il faut bien que les gens se mettent ça dans la tête, on ne va pas changer notre religion pour faire plaisir aux autres".
"Est-ce que vous pensiez sincèrement que s’attaquer à des innocents civils en France, malgré l’extrême gravité de ces attaques, et le nombre de morts et de blessés, pouvait changer la politique du gouvernement français ?", demande Jean-Louis Périès, le président de la cour d'assises spéciale. Après un échange tendu entre le président et Olivia Ronen, l’avocate de Samah Abdeslam, à propos de la chronologie des frappes de la coalition internationale en Irak et en Syrie, l’accusé ironise : "Monsieur le président, respirons un petit coup".
La cour continue ensuite d’aborder les liens de l’accusé avec son ami Abdelhamid Abaaoud, ainsi que le séjour en Syrie de son frère Brahim début 2015.
Salah Abdeslam dit avoir "fait marche arrière"
Puis sont lus des courriers envoyés à la cour par la sœur et la mère de Salah Abdeslam. "J'appréhende de voir mon fils, le fruit de mes entrailles, dans le box des accusés, écrit sa mère, après un mot pour les victimes. Comme vous, je veux que la justice soit rendue. J’ai conscience que mon fils a une part de responsabilité dans ces attentats, mais il n’a tiré sur personne et ne s’est pas fait exploser. J’aimerais qu'il ne paie pas pour les auteurs directs des tueries." "Il s’agit de mon témoignage de maman effondrée face à cette situation", ajoute-t-elle, se disant désolée si certains mots choquent les victimes.
En fin d'après-midi, Salah Abdeslam affirme avoir "fait marche arrière" et renoncé à "enclencher" sa ceinture explosive. "On se dit 'j'aurais dû l’enclencher ce truc' quand on est à l’isolement 24 heures sur 24, explique l’accusé. On se dit : 'Est-ce que j’ai bien fait de faire marche arrière, ou est-ce que j’aurais dû aller jusqu’au bout ?'".
Depuis le début des interrogatoires des accusés, mi-février, deux d'entre eux - Osama Krayem et Mohamed Bakkali - ont déjà exercé leur droit au silence. Sofien Ayari a, lui, exprimé des "remords".