Dans un ultime interrogatoire, Salah Abdeslam est sorti de son silence et a livré devant la cour d'assises spéciale de Paris sa version de la nuit du 13 novembre 2015. Pour la première fois, le principal accusé a indiqué que son "objectif" était de se faire sauter le soir du 13 novembre dans un café du 18e arrondissement.
"Je vais m'expliquer parce que c'est la dernière fois que j'aurai l'occasion de le faire." Le principal accusé au procès du 13-Novembre est souvent resté muet tout au long de ce procès fleuve. Le 30 mars dernier lors de sa précédente audition, Salah Abdeslam avait exercé son droit au silence.
Aujourd'hui, pour son ultime interrogatoire, il a tenu à s'expliquer devant la cour d'assises spéciale et les parties civiles. "Tous les gens ici présents ont besoin de mes réponses. Je ne promets rien, je vais faire de mon mieux", a-t-il déclaré d'un ton posé.
"Non je ne vais pas le faire"
L'homme de 32 ans dit avoir été mis au courant du projet d'attentats par Abdelhamid Abaaoud, le chef opérationnel de ces attaques jihadistes, le 11 novembre 2015 à Charleroi (Belgique). Ce dernier lui révèle le projet "mais pas les cibles", selon Salah Abdeslam.
"Moi, je devais partir en Syrie", "Quand il m'a dit 'tu vas te faire exploser', c'est un choc pour moi. Mais il va finir par me convaincre", assure-t-il. Ajoutant : "Je vais finir par accepter et dire : 'Ok, je vais y aller.'"
L'accusé raconte son départ vers "l'objectif" fixé, un bar dans le 18e arrondissement. "C'était un bar qui n'était pas très grand mais quand je suis rentré dedans, il y avait beaucoup de personnes" (...) "Je vais rentrer dans ce café, je vais commander une boisson, je vais regarder les gens autour de moi et je me suis dit 'Non, je vais pas le faire'", poursuit-il. Je voyais les gens rigoler, danser, je comprends que j'allais pas le faire", ajoute le seul survivant des attentats.
"Avec une ceinture explosive, je suis cramé"
Le franco-belge raconte qu'ensuite, il a repris sa voiture avec laquelle il avait convoyé les trois kamikazes au Stade de France, mais celle-ci "est tombée en panne. Elle s'est arrêtée. Je me suis mis sur le côté et j'ai pris peur à ce moment-là, j'ai vu une voiture de police passer. J'ai essayé de la redémarrer, ça n'a pas marché", a-t-il poursuivi."
Il dit avoir erré dans Paris, appelé "tout le monde" pour qu'on vienne le chercher, mais "c'est l'imprévu total", la "sidération". Il prend alors un taxi pour aller au sud de la capitale. Il se débarrasse de la ceinture à Montrouge et marche jusqu'à Châtillon où il sera récupéré au petit matin du 14 novembre par deux "copains" belges, aujourd'hui ses coaccusés qui le ramènent à Bruxelles, où il sera interpellé quatre mois plus tard, le 18 mars 2016.
Le président Jean-Louis Périès tente d'obtenir des détails. "Je suis au courant que de ce que je vais faire moi", se contente de répondre l'accusé. "Mon frère, il avait une ceinture, une kalachnikov, je sais qu'il va tirer, je sais qu'il va se faire exploser mais je connais pas les cibles".
"Vous saviez que c'était des terrasses, une salle de concert ?", tente le président. "Non, non", répond Abdeslam. Pour le Stade de France, "ce que je sais c'est que (les assaillants) doivent faire leur attaque, que je dois les déposer et après partir pour ma mission", assure-t-il.
La cour rappelle qu'il a dit à plusieurs proches qu'il avait failli à sa mission car sa ceinture n'avait pas fonctionné. "C'était un mensonge dont je n'ai pas réussi à me défaire tout au long de ma cavale. Alors, je l'ai pris comme une réalité", affirme-t-il.
Aux autres membres de la cellule jihadiste, il a "honte" de dire la vérité. Mais "j'ai renoncé par humanité, pas par peur", assure Salah Abdeslam.
Ce mercredi soir, l'audience s'est poursuivie jusqu'à 21 heures, Salah Abdselam a refusé une première suspension et affirmant vouloir dire "la vérité" pour la dernière fois où il peut s'exprimer.
Aujourd'hui, ses aveux ont résonné comme un coup de tonnerre dans la salle d'audience. L'interrogatoire de Salah Abdeslam reprendra jeudi, en deuxième partie d'après-midi.