REPORTAGE. Des logements de 4 mètres carrés insalubres pour 650 euros de loyer, le calvaire de locataires menacés d'expulsion

Dans le 12e arrondissement de Paris, des locataires ont été sommés de quitter sous quinze jours leur immeuble qui va subir des travaux en vue d'une transaction. Ils résident pour une grande partie d'entre eux, dans des logements insalubres et loués au-dessus du prix du marché.

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Quand on pénètre dans l'arrière-cour de cet ancien hôtel de 14 chambres, une odeur d'humidité mêlée d'urine prend le visiteur à la gorge. Nadia, 51 ans rentre chez elle au troisième et dernier étage de ce bâtiment qui donne sur l'avenue du Docteur Arnold Tenner dans le 12e arrondissement de Paris. "Quand le propriétaire m'a appelé, il m'a dit qu'il y avait une chambre qui se libérait. Et voilà à quoi ça ressemble."

Aménagé en soupentes, son logement a une surface de 4 mètres carrés de surface habitable (loi Carrez). La plus grande partie de la surface fait moins de 1 m 80 de hauteur. Nadia, auxiliaire de vie à domicile et le ménage, vit ici depuis un an et demi et paye 600 euros par mois. Pas de bail, juste une quittance de reçu chaque mois. "Il fait très froid l'hiver et l'été, c'est l'enfer (...) il y a des infiltrations et c'est toujours humide", ajoute Nadia qui glisse un regard inquiet sur des bassines à proximité de son lit.

Une "expulsion illicite"

Le 24 juin dernier quand Nadia, comme tous les autres locataires de l'immeuble, a reçu une lettre de son propriétaire lui indiquant qu'elle devait évacuer son logement sous moins de quinze jours, et que l'électricité et le gaz seraient coupés à la fin du mois, elle s'est décidée à rejoindre le collectif de locataires de l'immeuble qui s'est constitué à l'initiative du DAL, l'association Droit au Logement.

Le DAL a alerté la préfecture. Des policiers se sont déplacés pour constater la coupure de l'électricité. Des élus de la mairie se sont ensuite rendus sur place pour constater "l'insalubrité" de certains logements, effectuer des relevés métriques. Le propriétaire a dû rétablir l'électricité et sa mise en demeure de quitter les lieux a été dénoncée comme une "expulsion illicite". Soutenus par la DAL, les locataires ont porté plainte.

"On est dans la situation de toutes ces personnes qui sont aux mains de marchands de sommeil et qui n'ont qu'une peur, c'est de se retrouver sur le trottoir parce que c'est la dernière marche avant la rue et là, le fait de s'opposer a ce marchand de sommeil, ça montre qu'ils ont du courage."

Si l'immeuble est à vendre, le DAL souhaiterait que la mairie exerce son droit de préemption."C'est une petite parcelle, mais on pourrait y faire du logement social", souligne Jean-Baptiste Eyraud, président de l'association. "On va étudier cette possibilité de préemption", déclare Jacques Baudrier, adjoint à la maire de Paris en charge du Logement et de la transition écologique du bâti.

En attendant, des locataires vont devoir déménager. "Je n'ai pas vu tous les logements", précise l'élu qui s'est rendu sur place,"mais il y en a plusieurs qui sont indignes, on n'a pas le doit de loger des gens comme cela. Les services techniques de l'habitat vont ausculter le bâtiment, et les services du logement de la mairie du 12e ont reçu les locataires pour  les aider dans des demandes de logements sociaux", ajoute-t-il.

"Le propriétaire fait pression, mais on ne lâchera pas"

Ce mardi, à l'entrée de l'immeuble, un homme s'entretient avec un locataire. L'échange est houleux. Il s'agit du propriétaire de l'immeuble. Son interlocuteur loue ici un logement de 4 m2.

Interrogé sur la mise en demeure de quitter sous quinze jours les lieux, le propriétaire qui ne souhaite pas livrer son identité, réfute : "ils sont avertis depuis six mois". Quant aux montants des loyers : "ils s'alignent sur les logements des autres immeubles dans la rue", lance-t-il. Et pour les travaux annoncés dans l'immeuble, "vous comprenez, si on veut faire des travaux, il faut bien que les locataires s'en aillent ( ..) il y en deux ou trois qui vont partir à la fin du mois".

Aziza, 57 ans, habite un logement de 15 m2 pour 650 euros témoigne : "le propriétaire est venu me voir le 21 mai pour me dire avec un grand sourire qu'il avait vendu et qu'il fallait partir ( ... ) il fait pression sur les locataires, mais on ne lâchera pas."

Aziza qui travaille dans le secteur médical, habite ici depuis maintenant trois ans dans un studio qui ressemble plutôt à un grand couloir de moins de deux mètres de large, composé d'une cuisine à l'entrée, et au fond du logement, d'une chambre borgne où s'encastre son lit.

Ce type de location est "un exemple" de ce qu'on ne devrait pas pouvoir louer selon le DAL. Sauf que depuis février 2023, un décret autorise la mise sur le marché de ce genre de surface ou "de biens en sous-sol ou encore de 1,80 mètre sous plafond", dénonce Jean-Baptiste Eyraud, qui par le biais de son association a saisi le Conseil d'Etat.


 

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