Antoine a 14 ans. Il est aujourd'hui scolarisé en troisième dans un collège parisien. Il a été diagnostiqué dyspraxique et dysgraphique. Pour écrire, il utilise un ordinateur en classe depuis le CE2 et est accompagné par Julie, Aesh, depuis 7 ans, Accompagnante d'enfant en situation de handicap.
Antoine*, collégien parisien est en troisième. Diagnostiqué dyspraxique, il dispose depuis plusieurs années d'une Aesh (accompagnante d'enfant en situation de vie scolaire) et d'un ordinateur pour écrire. Sa mère nous raconte son parcours.
►Comment avez vous obtenu une Aesh pour votre fils ?
Antoine est dyspraxique, l’instituteur de moyenne section de maternelle a repéré des difficultés dès la première semaine de l'année scolaire et a suggéré un bilan psychomoteur. Sur le moment j‘ai trouvé cela presque choquant, précipité pour le moins, chacun son rythme, il n‘a pas encore quatre ans. J‘ai changé d‘avis en cours d’année, certains comportements de mon fils m’ayant amenée à lire des ouvrages sur l’enfant en difficulté scolaire. Je suis tombée pour la première fois sur le mot "dyspraxie" dans l‘un de ces livres, qui dressait l’exact portrait de mon fils.
À partir de cette prise de conscience nous avons donc effectué le bilan évoqué par l’instituteur, et entamé un suivi dans le privé, puis, orientés par la psychomotricienne, nous avons eu la chance d’être assez rapidement pris en charge dans un CMP. (Centre médico-psychologique). Une pédopsychiatre coordonnait les différentes prises en charge, nous recevait avec notre fils (ensemble et séparément), nous étions bien tombés et nous sentions épaulés : séances hebdomadaires de psychomotricité, divers bilans, diagnostic posé en grande section.
Parallèlement le médecin scolaire nous a reçus plusieurs fois, nous poussant aussi à consulter notamment un neuropédiatre pour confirmer ce diagnostic, en écartant tout autre problème. C‘est le médecin scolaire qui nous a expliqué la procédure pour obtenir un "accompagnement humain", qui serait vraisemblablement nécessaire à partir du CP, nous n‘avions même pas idée que cela existait. Il fallait donc déposer un dossier à la MDPH. Le H, pour "Handicap" a été un choc, difficile à comprendre et à accepter.
Dans l’ensemble je dirais donc que nous avons été guidés et accompagnés de façon optimale pendant les années de maternelle de mon fils. La décision restait cependant difficile : nous avons "collé une étiquette" à notre fils, qui l'accompagne depuis dans sa scolarité. Dix ans plus tard, je sais avec certitude que c’était la bonne solution pour nous : avec son ordinateur, il est un élève parmi les autres. Mais je mesure aussi le chemin parcouru, les innombrables séances d’orthophonie, psychomotricité, orthoptie, ergothérapie qui tenaient lieu d’activités extra-scolaires, les heures de recherche et d’autoformation sur les logiciels, les heures passées à adapter, remettre en forme et ranger les cours, à scanner les documents ou les manuels, à créer les outils.
Nous avons eu plusieurs AVS dès le CP. L’AVS a été notifiée pour l’entrée au CP, nous l’avons su en juin et elle était présente à la rentrée. Elle a été présente toute l’année de CP en classe avec notre fils et nous ne l’avons jamais rencontrée. Mon fils n’a jamais semblé véritablement entrer en relation avec elle.
L’année suivante une autre AVS (un étudiante en psycho) a pris le relais, nous l’avons croisée à la réunion annuelle de l’ESS, un réunion annuelle entre l'équipe pédagogique et les parents. Tout se passait très bien, aux dires de la maîtresse et de mon fils. Nous n’étions absolument pas en contact.
L’année de CE2 a été notre annus horribilis. Pas d’AVS à la rentrée, plusieurs défections d’affilée, et à chaque fois c’était presque un soulagement vu le profil des personnes recrutées. Tout ceci alors que nous prenions, en concertation avec l’ESS, la décision d’équiper notre fils, décidément trop dysgraphique, d’un ordinateur en classe. La maîtresse a dû se débrouiller seule jusqu’aux vacances de Pâques. En fin d’année, nous avons enfin rencontré celle qui allait devenir notre bonne fée, Julie.
►Qu'apporte Julie, Aesh, à votre fils ? Et à vous en tant que parent ?
Depuis, Julie est l’Aesh, (ex AVS) attitrée de notre fils. Elle est son AVS individualisée. Le i est très important. On se bat pour cela, à chaque renouvellement et effectue donc un nombre d’heures fixe auprès de lui. Elle l’a accompagné en CM1 et CM2 toute l’année, l’a « suivi » au collège. Elle est proche de lui, s’est intéressée sincèrement à tous les sujets - si éclectiques soient-ils - qui l’ont passionné au fil des ans, elle est aussi pour nous un interlocuteur à part entière et c’est extrêmement important et rassurant. Nous échangeons désormais très régulièrement, partageons des outils de travail en ligne et collaborons efficacement à distance. Je n’hésite pas à lui demander de l’aide si je constate un manque ou un problème dans les cours, elle me signale les difficultés qu’elle repère.
►Comment ferait-il sans Julie pour suivre sa scolarité ?
Tant qu’il était en primaire nous avons toujours eu affaire à une très grande bienveillance de la part des enseignants et nous n’avons jamais été inquiets lorsque l’accompagnement n'était pas assuré. Il y a eu des périodes où l’AVS était absente, non remplacée et tout se passait au mieux, car la communication avec les enseignants était rodée et nous compensions tous le mieux possible, en classe et à la maison
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Depuis l’entrée au collège c’est une autre histoire. Dans l’ensemble, les enfants à besoins éducatifs particuliers sont tolérés - s’ils s’adaptent. Mais les adaptations pédagogiques, qui sont censées être pensées par les enseignants ne sont pas souvent là ou se résument, trop souvent, à concéder une forme de tiers-temps à l’élève.
Dans ce cadre le rôle de l’AVS est devenu pour nous crucial. Un enfant de onze ans ne peut pas être l’interlocuteur du professeur, ne peut pas réclamer lui-même les adaptations qui sont nécessaires.
Je n’ose imaginer le déroulement de ces années de collège si nous n’avions pu compter sur Julie, son AVS pour rappeler inlassablement le statut d'Antoine, expliquer, pallier les manquements et parfois même protéger ! La dyspraxie comme d’autres « handicaps invisibles » est encore très méconnue, parfois mal interprétée voire niée.
►Que pensez vous du statut des AESH au sein de l'Education nationale ?
C’est indigne et c’est un manque de respect - pour les AESH et pour nos enfants. Il n’est pas normal que l’état, la fonction publique, propose des emplois précaires et à temps partiel dont la rémunération ne suffit pas pour vivre. Évidemment le recrutement dans ces conditions est compliqué et inadapté. Pourtant le besoin est réel.
Au fil des ans en tant que parents concernés nous avons observé la dégradation des conditions d’accompagnement. Souvent les postes ne sont pas pourvus ; de plus en plus les AESH sont "mutualisées", traduction : ils ne peuvent consacrer plus de trois ou quatre heures par semaine à chaque élève. Cette année l’AESH-Individuel de notre fils ne peut pas effectuer auprès de lui les heures pourtant prévues et notifiées par la MDPH, (la maison départementale du handicap) d’autres enfants ont au moins autant besoin d’accompagnement.
Nous avons eu beau lutter pour conserver cet accompagnement individuel dont tout le monde s’accorde à dire qu’il est positif et même exemplaire dans son genre, de facto il s’est considérablement réduit. Nous sommes mi-novembre et rien ne semble être mis en place pour essayer d’appliquer enfin les droits notifiés. Il n’y aurait pas de candidats pour les postes à pourvoir... Comment s’en étonner ?
Quant au tout nouveau tout beau "PIAL" (Pôles Inclusifs d’Accompagnement Localisés) censé coordonner tout cela, Il reste bien mystérieux - il ne semble pas non plus y avoir vraiment de pilote dans l’avion... Bref le nom change mais pas les dysfonctionnements ! Je pense par exemple à des remplaçants envoyés pour accompagner mon fils, qui ne savaient pas allumer un ordinateur - encore moins encadrer son utilisation évidemment, qui auraient pu être ô combien plus utiles auprès d’un des nombreux élèves de maternelle qui ne peuvent être scolarisés qu’à temps partiel, faute d’accompagnement.
*Le prénom de l'élève a été modifié pour préserver son anonymat