Suite à une décision de la cour administrative d'appel de Paris, le projet "OnE", qui vise à réaménager les abords de la tour Eiffel, ne verra pas le jour avant 2025. Alors que la Ville et la préfecture de police s’opposent sur le dossier, la mairie rappelle sa volonté de réduire la place de la voiture.
La mise en œuvre du chantier du projet "OnE" autour du Trocadéro doit être repoussée après les Jeux olympiques de Paris 2024. Alors que la Ville avait déposé une requête afin de faire annuler la décision de la préfecture de police qui s'opposait aux restrictions de la circulation, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté la demande de la municipalité, dans un arrêt rendu le 7 avril.
Ce vaste projet, qui s’étend de la place du Trocadéro jusqu’au Champ-de-Mars, vise à végétaliser et à piétonniser les abords de la tour Eiffel. Pont d'Iéna piétonnisé, végétalisation de la place du Trocadéro avec un grand espace de pelouse, réorganisation du rond-point en fer-à-cheval à double sens de circulation, mise en place d’une balade verte entre le Quai Branly et la tour Eiffel… Le réaménagement devait initialement être en partie réalisé pour les JO.
Mais en mai 2022, le préfet de police d'alors, Didier Lallement, informe la mairie de son opposition au projet tel qu’il est présenté, pointant les restrictions de la circulation et du stationnement. Concernant la place du Trocadéro, l'ex-préfet dit notamment craindre des "reports de circulation importants" dans les rues à proximité, mais aussi "des retenues" qui pourraient compliquer les délais d’intervention des secours dans le secteur.
"La Ville de Paris n’est pas fondée à demander l’annulation de la décision du préfet de police", tranche la cour administrative d’appel de Paris dans sa décision. Selon elle, l'ex-préfet "n’a commis aucune erreur de droit" en estimant "en particulier, que le nouvel aménagement en forme de fer à cheval de la place du Trocadéro risque d’entraîner des retenues sur les voies qui la desservent ainsi que des reports de circulation sur les avenues adjacentes".
La mairie de Paris "prend acte"
"Nous prenons acte et regrettons la décision de justice empêchant la réalisation du projet Trocadéro Tour Eiffel et des aménagements nécessaires à la bonne tenue des JOP2024", réagit ce vendredi la Ville de Paris.
"Notre volonté politique n’a pas changé. Nous souhaitons améliorer la qualité de vie des Parisiens et des visiteurs sur Trocadéro Iéna en réduisant d’une part la place de la voiture sur la place du Trocadéro et le Pont Iéna pour apaiser l’espace public et en augmentant considérablement la végétalisation", explique la Ville.
"Aussi, nous poursuivons notre travail afin de de mettre à jour les études de trafic qui permettront à la préfecture de police sur la fluidité du trafic notamment pour les véhicules de secours, annonce la mairie. En parallèle, nous continuons d’avancer et d’investir pour embellir les espaces publics du site qui ne nécessitent pas de modification de la circulation : rénovation de la fontaine de Varsovie, reprise des espaces verts, rénovation de l’ensemble des mobiliers urbains et mâts d’éclairage, amélioration de l’accueil du public à l’intérieur de l’enceinte de la tour."
Un projet "hors-sol" selon la droite parisienne
Du côté de l’opposition, la droite parisienne continue de s’opposer au projet porté par la maire PS Anne Hidalgo. Dans un tweet, la maire du VIIe arrondissement Rachida Dati (LR), présidente du groupe Changer Paris au Conseil de Paris, exprime sa satisfaction : "Malgré l’entêtement d’Anne Hidalgo et d’Emmanuel Grégoire, à bétonner le Champ-de-Mars, à interdire toute circulation sur le Pont d’Iéna et à entraver l’accès au Trocadéro et à la Tour Eiffel, la justice a validé la décision de la préfecture de police de s’opposer à ce projet. Elle confirme tous nos arguments, en démontrant l’amateurisme de la Mairie : absence d’anticipation, risque d’embolie de circulation, le tout pour un coût faramineux ! La mobilisation a payé !".
Le conseiller de Paris Jean Laussucq estime que "la décision de justice offre un double constat". "Le premier, c’est que la mairie de Paris s’aveugle dans son projet OnE, largement remis en question depuis fin 2021 par les associations, les riverains et les élus d’arrondissement, qui contestent le projet sur le fond. Le second, c’est que le préfet de police avait fait le bon diagnostic", affirme l’élu du VIIe arrondissement, du groupe Changer Paris.
Jean Laussucq pointe du doigt un projet "hors-sol" : "La mairie prétend créer des espaces verts alors qu’elle bétonnise le Champ-de-Mars et veut créer un mini-centre commercial au pied de la tour Eiffel. On nous dit qu’on lutte contre la voiture alors qu’on remplace la voiture par du béton. La mairie ne prend pas en compte les besoins du terrain, alors que le patrimoine environnemental et mobilier - les vasques, les fontaines, les statues - se dégrade, en raison d’un manque d’entretien et d’une surexploitation événementielle." L’élu déplore aussi le coût du chantier, chiffré à près de 110 millions d’euros.
La mairie étudie "la possibilité de déposer un recours devant le Conseil d’Etat"
Face aux critiques de Rachida Dati, Emmanuel Grégoire répond directement sur Twitter. "Malgré l’entêtement de Rachida Dati à entraver à tout projet de nature, de vélo, de suppression de la place de la voiture, nous n’allons pas renoncer. Le tout voiture n’a plus sa place à Paris", réplique le premier adjoint d’Anne Hidalgo.
En octobre 2022, la Ville avait déjà renoncé à certains réaménagements au pied de la tour Eiffel, face aux critiques des oppositions municipales et des défenseurs de l'environnement. Une décision annoncée après une polémique concernant l’abattage d’arbres liée à ces constructions.
Concernant la décision de la cour administrative d'appel, la Ville de Paris dit "étudier" avec ses conseils juridiques "la possibilité de déposer un recours devant le Conseil d’Etat". Jean Laussucq, lui, explique que le groupe Changer Paris demande de "se réunir de nouveau autour d’une table pour remettre en état le Champ-de-Mars d’ici 2024".