L'Agence parisienne d'urbanisme (Apur) indique que la capitale compte 262 000 logements pas ou peu utilisés dans une étude tout juste publiée. Face à ce phénomène en hausse, la Ville de Paris demande une évolution législative pour inciter les propriétaires à louer leurs biens.
Dans la capitale, près d’un logement sur cinq est peu ou pas utilisé. Dans une étude diffusée mardi, l’Apur indique que 262 000 logements sont inoccupés : il s’agit soit de logements vacants, soit de résidences secondaires et de logements occasionnels, "vides la majorité de l’année".
#Alire À Paris, près d’1 logement sur 5 est un logement inoccupé, soit 262 000 logements, selon les dernières données du recensement. L'Apur a analysé dans le détail les diverses situations d’inoccupation. Pour en savoir + 👇https://t.co/cpzlChBtmb#apur #logement pic.twitter.com/lWGNcPg9n0
— Apur - Atelier parisien d'urbanisme (@__Apur__) December 5, 2023
"L’étude met en lumière que 19% du parc de logements parisiens ne sert pas à loger un ménage à l’année, résument les auteurs de l’Apur à France 3 Paris Île-de-France. A Paris, on n’a jamais eu autant de logements, mais en parallèle on n’a jamais aussi peu de résidences principales occupées toute l’année. Les efforts récents de construction sont gommés."
"C’est surtout le fait des résidences secondaires, dont le nombre a sensiblement et régulièrement progressé depuis les années 50. Pour ce qui est des logements vacants, c’est plus stable", poursuivent les auteurs. Selon l'Apur, la capitale compte ainsi 128 000 logements vacants, et 134 000 utilisés de manière occasionnelle ou comme résidence secondaire. De quoi faire de Paris la deuxième ville française avec la plus forte part de logements inoccupés, derrière Nice (qui en compte 28%).
36% de logements pas ou peu utilisés dans le 8e arrondissement
A noter de fortes différences selon les quartiers de la capitale. Les arrondissements centraux sont les premiers concernés. Le 8e compte ainsi 36% de logements pas ou peu utilisés. Suivent le 7e (34%), le 6e et Paris Centre (30%).
Parmi ces biens inoccupés, 72% sont des petits logements d'une ou deux pièces, ce qui correspond aux biens "mis en location meublée touristique" d’après l'Apur. Alors que l’étude souligne une forte augmentation du nombre de logements inoccupés sur la dernière décennie, de l'ordre de 4,7%, "cette hausse semble s’expliquer - sans avoir une certitude absolue - par l’explosion des locations meublées touristiques de courte durée notamment via les plateformes comme Airbnb, Abritel et bien d’autres", selon les auteurs.
"Ce type de location peut intervenir dans la résidence principale quelques jours par an sans poser aucune difficulté. Mais Paris a un tel pouvoir d’attraction touristique que certains propriétaires dédient des logements toute l’année en tant que locations meublées touristiques, et c’est illégal. On estime que 20 à 25 000 logements sont concernés", détaillent les auteurs.
Une hausse des taxes "pour inciter les propriétaires à louer" ?
Dans un contexte de fortes tensions sur le parc locatif, les prix de l’immobilier et le niveau des loyers, et "in fine", de baisse de la population selon l’Apur, la Ville de Paris tire la sonnette d’alarme. "L’urgence, c’est permettre aux gens de se loger dignement, pas de posséder deux ou trois résidences différentes", écrit Emmanuel Grégoire (PS), le premier adjoint à la mairie de Paris, sur X.
L’urgence, c’est permettre aux gens de se loger dignement, pas de posséder deux ou trois résidences différentes.
— Emmanuel Grégoire (@egregoire) December 5, 2023
À @Paris, on demande de pouvoir :
➡️ Multiplier par 2 la taxe sur les logements vacants
➡️ Faciliter la réquisition des logements vacants https://t.co/3vDtjffmCc
"C’est délirant alors que plein de gens sont à la rue", réagit Jacques Baudrier (PCF), l’adjoint en charge du logement. Il estime que plus de 100 000 logements - avec "30 000 logements vacants", "25 000 meublés touristiques loués illégalement" et "50 000 résidences secondaires peu occupées" - pourraient être "reconquis facilement avec des outils fiscaux".
"Depuis 10 ans à Paris, le nombre de logements peu ou pas utilisés a augmenté de 70 000, explique l’élu. Le phénomène concerne des populations très différentes. Il y a les propriétaires qui spéculent, et ceux - notamment des personnes âgées - qui ne louent tout simplement pas leurs biens."
Jacques Baudrier demande ainsi à l’Etat d’augmenter la taxe sur les logements vacants "par 3 au moins", et la surtaxe d'habitation sur les résidences secondaires "par 2 ou 3", "pour permettre de mobiliser des logements". "Ça permettrait d’aider à résorber cet océan de logements vides et de fluidifier le marché de l’immobilier à Paris mais aussi à l’échelle de l’Île-de-France", déclare l’élu.
"Le but n'est pas de percevoir des taxes, c’est juste un outil pour inciter les propriétaires à louer leur logement", explique l’adjoint. "On perd 7 000 résidences principales et on construit 2 000 logements par an, donc au total on perd 5 000 logements chaque année, c’est dramatique", souligne-t-il.
"Derrière les logements inoccupés, il y a le sans-abrisme, le mal-logement et les expulsions"
Du côté du DAL (Droit Au Logement), Jean-Baptiste Eyraud, porte-parole de l’association, demande notamment - au-delà des outils fiscaux - "la réquisition pour les vacances locatives qui relèvent de la spéculation", ainsi que "la mise en place de financements pour aider les petits propriétaires à réhabiliter leurs biens, en renforçant l'Agence nationale de l'habitat (Anah), et la Ville de Paris devrait faire un effort". "Pour les personnes âgées, il faudrait pousser soit les familles, soit les structures de tutelle à s’activer", ajoute-t-il.
Le DAL demande aussi "l’interdiction des locations touristiques de type Airbnb dans les zones tendues". "Derrière les logements inoccupés et la question de la vacance locative, il y a la crise sociale du logement, avec le sans-abrisme, le mal-logement et les expulsions", rappelle également Jean-Baptiste Eyraud.
Une proposition de loi transpartisane qui s'attaque à la "niche fiscale" des meublés de tourisme comme Airbnb pourrait faire l'objet d'un vote de l'hémicycle dans la nuit de mercredi à jeudi. L’une des mesures débattues concerne une baisse du taux d'abattement fiscal sur les revenus des meublés de tourisme à 30%, sauf en "zone rurale très peu dense" où un taux de 71% au total pourrait être appliqué.