Trouver le juste équilibre entre prix raisonnable, surface et habitabilité a tout d'une gageure en Île-de-France et notamment à Paris pour ceux qui font le choix de poursuivre leurs études dans la région parisienne.
"À 18 ans, j'ai quitté ma province... [...] j'étais certain de conquérir Paris", chantait Charles Aznavour. Mais sans doute n'avait-il alors pas conscience d'un obstacle de taille qui se dresse chaque année sur la route de nombreux étudiants venus des régions : le logement. Selon l'Observatoire de la vie étudiante (OVE), il représente le premier poste de dépense dans leur budget.
7,9 % des bacheliers des régions françaises font le choix de poursuivre leurs études dans un établissement francilien selon l'OVE. Un chiffre qu'Éléonore Schmitt, porte-parole de l'organisation Union étudiante met en perspective. "C'est toujours une difficulté de venir étudier en région parisienne", expose-t-elle.
La responsable étudiante pointe au premier chef le défi de se trouver un toit. "Un logement à Paris, ça coûte en moyenne 850 euros et c'est juste pas possible !", tonne Éléonore Schmitt.
Un problème auquel a été confrontée Nahia Nahon à son arrivée à Paris l'année dernière. Acceptée à Paris I, la jeune fille de 17 ans originaire de Dreux (Eure) "a enchaîné les visites pendant deux mois avec des particuliers et des agences sans jamais être acceptée". Si elle s'est désormais mise en colocation à Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne) avec une amie rencontrée à la fac, elle se remémore une période "pas facile".
À Paris, un logement Crous pour 62 étudiants
Pour l'étudiante en économie, mineure à l'époque, l'âge a été un challenge. "Quand j'ai commencé à chercher, je ne pouvais pas bénéficier d'aides comme la garantie VISALE (qui permet d'obtenir gratuitement une caution, ndlr)".
Alors Nahia Nahon a passé des semaines à écumer les petites annonces et à faire l’aller-retour entre la capitale et sa Normandie natale pour trouver la perle rare. "Mes parents travaillent. Je devais donc me déplacer à Paris tous les jours en me préparant bien à l'avance. Mais une fois arrivée sur place, parfois les visites étaient annulées à la dernière minute", se souvient-elle avec dépit.
Et le Crous ? "J’ai bien essayé… Mais malgré mon échelon 6 de bourse (un des plus élevés, ndlr), j’ai été refusée".
Il faut dire que l'organisation d'Éléonore Schmitt a fait les comptes, et ils ne sont pas bons. D'après les chiffres de ces élus étudiants, "à Paris, il y a un peu plus de 70 000 boursiers, sur une population totale de plus de 500 000 étudiants. Les logements Crous, eux, sont au nombre d'un peu plus de 8 000. Il y a donc 1 logement Crous pour 62 étudiants", détaille Félix Stive de l'Union étudiante.
Beaucoup d'annonces "hors de prix"
Lui n'est pas boursier. À 21 ans, Alexandre Breillat ne décroche pas de son ordinateur. "Je me lève et je vais directement sur les sites pour voir les nouvelles annonces. J'ai aussi mis des alertes par mail, à tel point que j'en reçois en continu", se désole l'étudiant.
Originaire de Poitiers, le jeune homme est scolarisé sur le campus délocalisé de Sciences Po à Nancy. Pour sa quatrième année, il est obligé de se rendre sur Paris, dans les locaux historiques, rue Saint-Guillaume (VIIe arrondissement). La rentrée est dans "à peine deux semaines", il n'a encore rien trouvé.
"Je me suis déplacé sur Paris, où je dors chez une amie" pour faire les visites. Mais les tarifs qu'il observe ont tendance à décourager Alexandre Breillat, avec son budget de 750 euros par mois. "Il y a beaucoup d'annonces qui sont hors de prix. On s'y attend un peu quand on vient ici, mais parfois c'est de l'abus !", regrette-t-il.
Dans le privé, gare aux arnaques
Félix Stive de l'Union étudiante le constate : "il y a une énorme tension, que l'on constate aussi sur le marché locatif privé". Des offres qui peuvent parfois s'apparenter à une véritable jungle pour les jeunes et leur famille, et vers lesquelles a été poussée Nahia Nahon, bon gré mal gré.
À la rentrée l'année dernière, Nahia Nahon n'avait toujours pas trouvé de logement. "J'ai dû dormir quelque temps chez une amie qui vit sur Paris", se remémore la jeune femme. Alors, elle s'est tournée à l'époque vers un appartement de 10 m² "à un prix exorbitant, au 6ème sans ascenseur", trouvé in extremis. Et de déplorer : "C'était le seul choix que j'avais".
"Il y a tellement d'arnaques qu'il faut tout visiter", met en garde Éléonore Schmitt. Frédéric Teboul, gérant de 15 agences immobilières à Paris a, lui, quelques conseils. "On ne laisse jamais d'argent avant la signature du contrat", avertit le fondateur de "Fredélion". "La personne qui vous dit que pour bloquer l'appartement, faut donner tant... on court droit devant une arnaque".
Les parents, souvent béquilles pour les recherches
Alors, "il faut passer par un professionnel, car en agence, vous savez qu'il n'y aura pas d'escroqueries", poursuit l'agent immobilier."Ne pas se rendre sur place est aussi un facteur de risque supplémentaire".
Un risque que prend parfois Alexandre Breillat en complément des visites sur place. "Plusieurs heures par jour", le jeune homme "passe des appels et envoie des mails". "C'est vrai que c'est un peu décourageant quand les seules réponses que vous avez... ce sont des arnaques".
Heureusement, les parents sont parfois des béquilles dans l'épreuve de la recherche. Frédéric Teboul observe dans ses agences qu'ils "sont toujours dans l'équation". "On a des parents qui viennent visiter pour leurs enfants. Ils sont très souvent caution et sont impliqués dans la signature des actes".
Pour l'étudiant, c'est devenu une priorité de "trouver quelque chose de vivable" pour ne plus dépendre de ses amis. "Je ne veux pas abuser de leur gentillesse...". Alors, le jeune homme originaire du Poitou essaye de rester optimiste : "Je relativise un peu. Je pense à ceux qui ont des budgets plus modestes que moi". Et de poursuivre, enthousiaste : "La ville est immense. Paris, c'est unique !". Avant d'admettre que les galères de recherche "pourraient altérer la perception" qu'il en a.