La région Nouvelle-Aquitaine s’est associé à l’Esprit critique, une équipe d’influenceurs, pour développer un programme nommé Cogito. Leur objectif : développer l’esprit critique des jeunes face aux multiples sources d’information.
Sur Instagram ou TikTok, elles sont légion. Des vidéos, où des personnes, face caméra, exposent leur point de vue, donne leur avis et commente des événements. Ces contenus visionnés des milliers de fois influencent leurs spectateurs, au risque, parfois, de véhiculer de fausses informations.
Ce flux insaisissable de paroles d’influenceurs ou de politiques, l’équipe d’Esprit critique, issue de Sciences Po Paris, a décidé de le décortiquer, l’analyser pour éviter de tomber dans les pièges de la manipulation. “Les jeunes et moins jeunes sont travaillés plusieurs heures par jour par des contenus qui ne sont pas preuves de beaucoup d’esprit critique. Et à ça s’ajoute l'intelligence artificielle qui crée les bulles d’algorithme et nous enferme dans nos biais”, explique François Morin, chargé de développement d’Esprit critique.
Avec plus de 700 000 abonnés sur Instagram, 253 000 sur YouTube, la réputation de la chaîne a eu un écho jusque dans les instances politiques régionales. Après un premier programme, leur deuxième, Cogito, a séduit la région Nouvelle-Aquitaine. Il sera proposé dès avril prochain à 1 800 élèves de la région.
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Penser "le plus juste possible"
Le ton est faussement snob. Les silences aussi complices que railleurs. Sur leur chaîne Youtube et dans leurs vidéos Instagram, Esprit Critique veut “développer l’esprit critique face au discours politique et médiatique". “On a tous des formes d'inertie, des freins, des biais, des choses qui nous empêchent de penser vraiment de la façon la plus juste possible”, explique François Morin.
Sous leurs vidéos, les retours par milliers d’internautes et de personnes ayant suivi leur formation sont unanimes. “L’esprit critique, c'est très important, c’est très valorisé et les attentes sont fortes en la matière”, évoque François Morin. Plébiscitée, la compétence est pourtant encore difficile à appliquer. "Quand il s'agit de définir le périmètre et de réfléchir à comment l’enseigner, il n’y a plus personne. Dans la tête des gens, c’est quelque chose de très diffus”, constate celui qui, en parallèle, coache des étudiants aux concours des grandes écoles et universités.
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Face à ce constat, Esprit critique décide donc, avec ses moyens, de réveiller ces capacités. “Ce n’est pas quelque chose qu’on a a priori. On s’est donc dit qu’il fallait outiller beaucoup de personnes plus sérieusement avec un programme, une formation”, explique le chargé de développement de la chaine.
Il faut recréer de l’intelligence collective, être moins bête ensemble.
François Morin,Membre d'Esprit critique
La chaine va donc lancer Cogito, un programme destiné autant aux jeunes qu’aux adultes pour aiguiser ses sens face aux flux de discours déversés dans les médias et sur nos téléphones. “C’est l’urgence du moment qui permet, parce que tous les sujets sont abordés, d’évoquer toutes les autres urgences de la société, avance François Morin. Il y a tellement de désinformations, d’éléments contraires qu’aujourd'hui c’est primordial que tout le monde soit doté de cette clé, parce qu’il y a beaucoup de forces extérieures qui jouent dans l’autre sens.”
Douze thématiques
Le programme, établi sur 18 heures, se base sur des “faits concrets” vus dans les médias. Il se décline en 12 thématiques comme l’argumentation, le doute ou le fake et la manipulation. “Dans chaque thématique, on va à la fois travailler l’analyse de l’information, l’argumentation, l’ouverture d’esprit et la réflexion éthique et une partie sur comment réfléchir sur ma propre pensée et mes propres biais, liste François Morin. Il n’y aura pas de politique pour rester neutre au maximum. On va évoquer le sport, la science, le quotidien, la culture.”
Si 80% d’une classe d’âge peut le passer à 17 ans, ce serait déjà super bien.
François Morin,Chargé de développement d'Esprit critique
Tout au long du parcours, des évaluations personnelles seront réalisées pour passer au niveau suivant et s’assurer “d’avoir bien compris”. Pour autant, Esprit critique a voulu faire de ces acquis une véritable compétence “à mettre dans le CV”. “On imagine cette certification, qui est encore en élaboration, en une quarantaine de questions, avec des vidéos projetées dans des salles collectives”, explique François Morin.
Une sorte de code de la route de l’esprit critique, difficile pourtant à mettre en place. “On travaille avec des universitaires pour essayer d’évaluer l’esprit critique de manière incontestable et consistante alors que ce n'est pas comme en mathématiques, ou c’est bon ou pas bon”, soulève le chargé de développement d’Esprit critique.
1 800 jeunes aquitains
Une expérimentation qui a directement séduit la Région Nouvelle-Aquitaine, première en France à s’associer avec le média. “Ça fait depuis longtemps que nous sommes attirés par l’éducation aux médias au sens large, avance Bixente Etcheçaharreta, conseiller régional en charge de la communication. Aujourd’hui, il y a des nouveaux phénomènes de désinformation, d’IA qui tentent de duper les utilisateurs. Il fallait donc prendre ce virage pour poursuivre notre mission d’éducation et de lutte contre la désinformation.”
Au total, 1 800 jeunes de la région auront accès à ce programme en ligne. “Ce sont des lycéens qui ont déjà participé aux tribunes de la presse. Il y a aussi les représentants du conseil régional des jeunes, indique Bixente Etcheçaharreta.
Si l’expérimentation est significative, on envisage ensuite de l’étendre à plus grande échelle.
Bixente EtcheçaharretaConseiller régional en charge de la communication
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Généraliser cet enseignement à toute une génération, c’est aussi la demande de nombreux proviseurs de lycées qui ont entendu parler du programme. “Ils sont confrontés de façon quotidienne à ces problématiques et voient dans Cogito un outil intéressant et adapté aux codes des jeunes générations”, explique le porte-parole de la Région.
Une volonté pour laquelle la région annonce débourser 60 000 euros, le prix de ces formations diffusées auprès de 2 000 élèves de la région. Si le projet est encore à l’état d’expérimentation, la région envisage de faire passer la certification “dans l’hôtel de région et dans les différents sites de la région” aux élèves concernés. "Nous sommes très appétents des innovations en la matière pour proposer cette certification qui puisse valoriser l’investissement”, indique Bixente Etcheçaharreta.
En ligne, la chaine a lancé une cagnotte pour financer le programme. En quelques mois, elle a récolté plus d'1,7 million d’euros. De quoi leur permettre de décliner ce programme en deux versions, “avancé” et ”expert”.
