"Universités en danger" : "On nous demande de faire toujours plus de choses avec toujours moins de moyens"

Sorbonne, Évry... De nombreuses actions ont été organisées ce mardi dans le cadre d'une journée d'action à l'appel des présidents d'établissements d'enseignement supérieur. Quelles sont les conséquences des restrictions budgétaires au sein des universités ?

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"En signe de ralliement", l’alarme a retenti dans les bâtiments du campus central de l’université d’Évry, en Essonne, ce mardi en fin de matinée. Dans un communiqué, la fac "tire la sonnette d’alarme" pour "alerter sur les difficultés budgétaires qui touchent de plein fouet toutes les universités de France". Plusieurs centaines d’étudiants se sont ainsi rassemblées aux côtés du personnel, de la direction ainsi que d’élus du secteur.

"Ce sont principalement des hausses de dépenses qui ne sont pas compensées", explique Vincent Bouhier, le président de l’université d’Évry Paris-Saclay, à France 3 Paris Île-de-France. Il cite notamment "un certain nombre de mesures salariales à l’égard des personnels qui vont rester entièrement à la charge des universités".

Alors que le budget de l’université d'Évry est actuellement de 110 millions d’euros, "il va nous manquer autour de 3 millions d’euros", déplore Vincent Bouhier. "On a déjà un peu vécu les conséquences l’an dernier", raconte le président, citant "la fermeture de formations", "de la maintenance des matériels de laboratoire qui est remise en cause" concernant les moyens à disposition des chercheurs, ou encore des retards "en termes d’investissements, de numérique, ou même de travaux au niveau des bâtiments".

"On demande à l’Etat de compenser les mesures qu’il nous impose. On lui demande aussi de repenser la manière dont la répartition des moyens se fait entre universités. Le modèle date d’il y a plus de 15 ans", ajoute-t-il.

"Sévères restrictions budgétaires"

À Paris, Sorbonne Université a également participé à la mobilisation avec un rassemblement à 14h ce mardi. Sa présidente, Nathalie Drach-Temam, explique dans un communiqué vouloir "alerter l’opinion publique sur l’urgence de la situation". Elle exprime sa "profonde inquiétude face aux sévères restrictions budgétaires qui frappent depuis plusieurs années l’enseignement supérieur et la recherche".

Citant plusieurs mesures, dont "la non-compensation des cotisations du Compte d’Affectation Spéciale destiné au régime de retraite des fonctionnaires" qui "va à elle seule amputer le budget de Sorbonne Université de 8 millions d'euros supplémentaires" en 2025, Nathalie Drach-Temam affirme que "l’université ne peut accepter que l'État se défausse sur elle des conséquences financières de ses politiques".

"On ne remplit pas notre mission de service public comme on le voudrait"

À Champs-sur-Marne, en Seine-et-Marne, l’université Gustave Eiffel subira également les conséquences des restrictions budgétaires. "Au-delà d’un problème d'enveloppe financière, il y a tout un tas de répercussions qui s’accumulent", souligne Stéphanie Rossano, enseignante-chercheuse, directrice d'un laboratoire de recherche, directrice d’une composante de formation, élu au conseil d'administration de l’université et membre du syndicat SNESUP-FSU.

"La situation empire depuis des années, mais ça s’accentue d’un coup, ce n’est plus tenable. Il y a des injonctions contradictoires permanentes, on nous demande de faire toujours plus de choses avec toujours moins de moyens. On ne remplit pas notre mission de service public comme on le voudrait, et ça concerne toute une classe d'âge. On manque de postes, on fait fonctionner les établissements avec moins de bras que ce qui serait nécessaire. On y met beaucoup d’énergie, et beaucoup de choses se dégradent", regrette-t-elle.

"Pour la recherche, on est obligé de chercher des financements complémentaires via des appels à projet, les dotations du ministère n’étant pas suffisantes, explique Stéphanie Rossano pointe. Donc, on passe du temps à écrire ces projets, qu’on ne passe pas à produire, à faire de la science. Cette course au financement a un impact sur notre créativité. Et ce n’est pas pour acheter du tout-venant, pour réparer des machines. Au sein de notre laboratoire expérimental, on fait le choix de prendre du matériel robuste pour éviter la casse et réduire les frais de maintenance. On travaille avec de grosses contraintes."

"Pour la formation, les dotations sont en baisse et donc les heures d’enseignement chaque année également. Il y a donc des conséquences sur notre capacité à faire réussir les étudiants", ajoute l’enseignante-chercheuse, qui note que "depuis trois ans, les universités vont piocher dans leurs fonds de roulement, leurs réserves".

Une "absence de réponse concrète" du gouvernement

Les différentes actions menées ce mardi s’inscrivent dans le cadre d’"Universités en danger" : une journée de mobilisation organisée par les présidents d'établissements d'enseignement supérieur, réunis au sein de France Universités. Dans un communiqué, ils évoquent les "grandes difficultés" rencontrées par les facs "pour construire leur budget 2025", et déplorent "l'absence de réponse concrète" du gouvernement.

Les dirigeants alertent depuis septembre sur la situation financière des facs et les risques de déficit. Selon France Universités, le projet de loi de finance 2025, "toujours plus contraint", précipite "l'ensemble des universités dans une situation extrêmement grave d'un point de vue financier". De quoi pousser les facs "à prendre des mesures de réduction de leurs activités (réduction des capacités d'accueil à l'admission en licence ou en master, fermeture de formations, fermeture des campus universitaires, réduction de la qualité des services, gels de postes, report de leurs investissements, non recrutements de doctorants...)".

"La seule réponse du ministère se résume à renvoyer l'ensemble des universités à leur trésorerie cumulée", dont "on sait pertinemment que ce n'est pas de l'argent qui dort" et qui ne peut être réorienté "sur des dépenses courantes", ajoute le communiqué.

"Diminution du nombre de places, chute du taux d’encadrement, non-rénovation du bâti"

Les syndicats étudiants dénoncent également la situation budgétaire. "Le sous-financement de l'Etat met lourdement en danger nos universités", pointe du doigt la Fage. "Diminution du nombre de places, chute du taux d’encadrement, non-rénovation du bâti"... Le syndicat dénonce "des situations financières alarmantes" avec "des conséquences directes sur les conditions de vie" des étudiants. "Le manque de financement de l’Etat pourrait également obliger les universités à chercher des nouvelles sources de financement, pouvant reposer sur les étudiantEs", s'inquiète la Fage.

"Face aux coupures budgétaires dans les universités, la sélection de plus en plus forte et la précarité étudiante qui ne fait qu’augmenter", alerte de son côté l’Unef, qui appelle à se mobiliser ce jeudi pour défendre une "fonction publique en danger".

Les syndicats de la fonction publique appellent à faire grève le 5 décembre, avec de nombreux rassemblements prévus.

Avec Florent Carrière.

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