Quartiers Pop : Toute la musique que j’aide

Tutti Passeurs d’art, créée par Jean-Claude Decalonne, propose aux enfants des quartiers populaires une éducation alternative par la pratique collective de la musique classique. Cette méthode, inspirée d’El Sistema née au Venezuela, veut faire de l’art musical un instrument d’insertion sociale. Faire à Bondy, dans le collège Noue-Caillet, ce qui a changé la vie de centaines d’enfants ailleurs, est peut-être un pari sur lequel il faut miser.

Quartiers Pop : Tutti Passeurs d’art ©France3Paris / Ibrahim Benaïssa

Qu’est-ce qui peut motiver des musiciens professionnels à venir donner des cours de violon à des enfants des quartiers populaires, à les confronter à des instruments d’un autre univers social et culturel ? Les seuls inscrits à ces cours seraient-ils les élèves « déjà sauvés » ? C’est-à-dire les très bons ?
Nous nous installons au fond d’une classe semblable à beaucoup d’autres en France, ici, dans ce collège de Bondy, en Seine Saint-Denis, à moins de 10 kilomètres de Paris. Mais bien plus loin de toutes les activités culturelles auxquelles les enfants ont accès très facilement dans la capitale.
À mesure que les bras des deux enseignants s’agitent, de haut en bas, dans des mouvements brusques, chutent les préjugés. Une douzaine d’élèves forment un arc de cercle autour de ces deux professeurs Vénézuéliens. « Ne joue pas tout seul Mehdi ! ». On commence à comprendre de quoi il s’agit. La coordination, l’harmonie, les voix et les instruments.

Enfants du Sistema.

« L’orchestre, c’est comme une famille. » explique José Lubo, un des deux enseignants. C’est un ancien élève d’El Sistema, une méthode développée au Venezuela par José Abreu, qui a voulu arracher les jeunes enfants défavorisés à leur condition sociale, grâce à la pratique collective de la musique. « Je suis arrivé en France il y a quelques années. Je suis content d’être ici parce que je veux pouvoir proposer à tout le monde les enseignements qui ont fait ce que je suis aujourd’hui. Tu sais, au Venezuela, il y a même des orchestres en prison ».

Il n’a peut-être jamais si bien porté son nom qu’ici. L’instrument, de musique, oui, mais d’autre chose surtout. Il y a une autre partition, tout aussi importante, qui se joue sur les fils tendus des regards qui lient les élèves à leurs professeurs.
On ne distingue plus le bois des altos ou des violoncelles. Il n’y a plus que les sourcils froncés des enfants appliqués, et le bout des langues en pique au coin des lèvres. Il y a toujours les rires que les apprentis ne peuvent pas contenir, les bavardages aussi. Mais souvent les yeux sont fixés vers les professeurs. Ils ajustent la tension des cordes de leurs violons, puis ils tendent presque aussi fort le fil du regard qui les lie à eux.

Fatiha, l’autre cheffe d’orchestre

Elle est un maillon essentiel de la chaîne.
Son rôle : faire venir les enfants.
Son nom : Fatiha Benamer.
Figure emblématique du quartier de la Noue-Caillet, elle y préside une association qui vient en aide aux femmes s’occupant seules de leurs enfants Family Espoir. « J’ai permis le recrutement de 8 ou 9 petits, énumère-t-elle.» « Quand on est venu me voir pour me parler de TUTTI Passeurs d'Arts, j’ai tout de suite dit oui parce que je cherchais justement quelque chose à proposer aux jeunes d’ici.»

Fatiha traduit, très peu en arabe, surtout en français, les intentions et les volontés des équipes de Tutti. Sans le travail de ces hommes et ces femmes, le message s’arrêterait sûrement au pied des immeubles. « Ce sont deux univers différents. Alors c’est vrai que ca les rassure que ce soit moi qui leur en parle, confie-t-elle. Je ne survends même pas les ateliers, je dis simplement la vérité. Un enseignement de qualité, gratuit, aux pieds de nos bâtiments. Il faut saisir toutes les bonnes occasions qui passent. On n’a pas le temps de les laisser filer.»

Combattre le déterminisme social avec des notes

En essayant de contribuer à réparer le déséquilibre social, Jean-Claude Decalonne et ses équipes ont initié l’espace d’une terre d’enchantement, où se mélangent deux univers, l’un étant soi-disant dévolu aux classes les plus privilégiées.
Pour certains, ce ne sera peut-être juste qu’un essai. « J’ai en tête deux gamins précisément dont la vie a été changée depuis le début de ces cours, fini de nous raconter Fatiha Benamer. Rien que pour ça, c’est déjà gagné. » Et ce n’est pas Gustavo Dudamel, chef de l’Orchestre de l’Opéra national de Paris, et ancien élève de Sistema, qui viendra la contredire.

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