Malgré l'interdiction, les proches d'Adama Traoré ont maintenu leur rassemblement ce mardi sur le parvis du Tribunal de Grande Instance de Paris. Ils demandent la mise en examen de gendarmes alors qu’une nouvelle expertise médicale vient accréditer la thèse de l'asphyxie.
Dans leurs slogans, des noms mêlés. Celui d’Adama Traoré, ce jeune-homme de 24 ans décédé en juillet 2016 après son interpellation dans le Val-d’Oise, et celui de Georges Floyd, un afro-américain mort le 25 mai à Minneapolis après avoir été étouffé par des policiers. Deux hommes pour deux destins similaires selon le comité "Vérité pour Adama Traoré". Avec d’autres victimes de violences policières présumées, il organise ce mardi soir une manifestation sur le parvis du Tribunal de Grande Instance de Paris pour dénoncer les violences policières et le "déni de justice". "C’est exactement la même histoire, explique Assa Traoré. Mon frère a fait l’objet d’un placage ventral, comme Georges Floyd. Il a porté le poids de trois hommes sur le corps. Il a dit qu’il ne pouvait plus respirer. Et il est mort comme lui. Ce soir, nous ferons entendre en France le nom de Georges Floyd et d’Adama Traoré car ce qui se passe aux Etats-Unis se passe également en France."
Plusieurs centaines de personnes ont convergé dès 18h vers le lieu de rassemblement, parmi lesquelles les actrices Leïla Bekhti et Adèle Haenel. Et des figures des Gilets Jaunes. Vers 19h30, ils étaient des milliers, continuant encore d'arriver. Pourtant, la Préfecture de police de Paris avait décidé d’interdire la manifestation, mettant en avant le décret du 31 mai 2020 relatif à l’Etat d’urgence sanitaire qui proscrit tout rassemblement dans l’espace public de plus de dix personnes. En arguant aussi des risques de débordement. "La tonalité de l’appel à manifester relayé sur les réseaux sociaux laisse craindre que des débordements aient lieu sur un site sensible".
En vain car les proches d’Adama Traoré ont décidé de maintenir le rendez-vous. "Biensur que c’est maintenu. Aux Etats-Unis, aucune manifestation n’a été autorisée pour dénoncer les violences contre Georges Floyd. Elles ont pourtant eu lieu. En France, nous avons aussi besoin de faire entendre notre voix. Nous manifesterons comme prévu", explique Assa Traoré qui a pourtant reçu la visite de la police cet après-midi à son domicile.#Manifestation | En application du décret du 31 mai 2020, le préfet de Police interdit une manifestation non déclarée ce mardi 2 juin.
— Préfecture de Police (@prefpolice) June 2, 2020
Consultez notre communiqué de presse pour plus de précisions ? pic.twitter.com/8yepN4Wcox
Le rassemblement de ce soir est maintenu, la préfecture de Paris et son préfet politique tentent d'intimider ceux qui réclament la JUSTICE! C'est la preuve que nous sommes sur la bonne voie, la France est le seul pays du monde à interdire des rassemblements pour la JUSTICE!
— La Vérité Pour Adama (@laveritepradama) June 2, 2020
Selon une nouvelle expertise médicale, le décès résulte du plaquage ventral
La famille d’Adama Traoré demande notamment la mise en examen des trois gendarmes qui ont procédé à l’arrestation du jeune-homme. Et réfute l'expertise médicale rendue vendredi. La quatrième en quatre ans. Celle-ci indique qu’"Adama Traoré n’est pas décédé d’asphyxie positionnelle, mais d’un œdème cardiogénique", dédouanant ainsi les forces de l'ordre. "C’est une expertise bidon avec trois médecins charlatans que les juges sont allés chercher on ne sait où. L’un est gériatre. Les deux autres ne sont même pas des experts mandatés par la justice. On voit bien comment les juges veulent orienter l’enquête." Un constat partagé par Me Yassine Bouzrou, l’avocat de la famille Traoré qui conteste la compétence des médecins qui ont réalisé la dernière expertise. "Ils n’ont aucune compétence en cardiologie mais se permettaient d’inventer une maladie cardiaque" pour expliquer la mort du jeune homme, il y a quatre ans. Il a donc demandé une contre-expertise indépendante dont les résultats viennent tout juste d'être connus."Cette contre-expertise a été réalisée par un professeur de médecine interne d'un prestigieux hôpital parisien. Les conclusions de ce rapport sont très claires : le décès d'Adama Traoré résulte du plaquage ventral exercé par les trois gendarmes, explique Me Yassine Bouzrou. Cette expertise indépendante a la même valeur probante que les expertises ordonnées par la justice. Ce rapport a été versé au dossier d'instruction, il est donc contradictoire, conformément à la loi. Contrairement aux experts désignés par les juges, les médecins indépendants qui ont réalisé les contre-expertises sont tous spécialistes des maladies évoquées dans le dossier. Compte-tenu de leurs compétences, leurs conclusions s'imposent face à celles qui excluent le plaquage ventral comme cause de la mort d'Adama Traoré."Nouvelle expertise raciste où les médecins utilisent les termes « sujets de race noire » bâclée par des médecins incompétents. Cette expertise est contraire à tous les principes de la médecine et nous allons saisir le conseil de l’Ordre pour les dénoncer. pic.twitter.com/jwwZNp4try
— La Vérité Pour Adama (@laveritepradama) May 29, 2020
Lancée dans une bataille judiciaire depuis quatre ans, la famille d’Adama Traoré regrette également qu’il n’y ait aucune mise en examen dans cette affaire. "C’est un déni de justice. Ils ont refusé tous les actes d’enquêtes, ils se basent sur un faux témoignage, de quelqu’un qui refuse de d’être entendu par les juges d'instruction, qui refuse de se rendre aux convocations. Il n’y a eu aucune reconstitution… On se fout de nous. On avait envie de croire à la justice. On n’y croit plus." Une affaire qui intéresse de plus en plus Outre-atlantique. Le Washington post et CNN ont d’ores et déjà fait un parallèle entre les affaires de Georges Floyd et Adama Traoré. "Et nous avons encore un élément important que nous allons bientôt divulguer. Un témoignage qui prouve que la juge a subi des pressions. On ne lâchera pas. On ne lâchera jamais", martèle Assa Traoré.
D'autres rassemblement sont prévus ce soir à Lille, Marseille, Lyon, Toulouse ou encore à La Réunion et à la Martinique.