Les élèves du collège Louis Braille à Esbly en Seine-et-Marne ont remporté le prix video #Nonauharcèlement. L'établissement a été choisi comme lieu de tournage du clip diffusé à partir de ce jeudi dans le cadre de la campagne nationale de sensibilisation au harcèlement scolaire. Pour l'équipe pédagogique et les collégiens, ce film marque une étape de plus dans cette lutte commencée il y a plus de 10 ans.
"On est fier de ce qu'on a fait." Pour Thibo et Anaëlle, élèves au collège Louis Braille d'Esbly, et acteurs du clip national sur le thème du harcèlement à l'école et sur les réseaux sociaux, tout s'accélère depuis une semaine.
L'année dernière leur film a remporté le prix #Nonauharcélement grâce à leur clip le Masque de fer. Cette reconnaissance a permis au collège d'être le lieu de tournage du clip national 2022-2023 Pour l'avant-première du film, ils ont reçu la visite au sein du collège du ministre de l'Education Nationale Pape Ndiaye et de la Première Dame, Brigitte Macron. Et à partir de ce jeudi, le clip sera diffusé dans le cadre de la campagne de sensibilisation du ministère de l'Education nationale.
La vidéo les met en scène dans un décor sombre. Les deux acteurs sont d'abord harceleurs puis harcelés. Comme dans un songe, des voix leur chuchotent des insultes. "C'était vraiment une scène compliquée à jouer, car il fallait transmettre des émotions qu'on n'a pas l'habitude de vivre", avoue Thibo, l'acteur principal.
À la lecture du scénario, déjà, certaines scènes étaient difficiles à appréhender. "Quand on lisait, on pouvait se sentir mal à l'aise, car beaucoup d'entre nous ont été témoins de scènes similaires, ou bien nous en avons entendu parler par des amis", se souvient Anaëlle. "J'ai compris ce que ressentaient certains de mes camarades qui avaient subi des situations de harcèlement", précise l'élève de 4ème.
Sur le tournage, le défi était double pour les collégiens. "Il fallait à la fois que l'on apprenne comment se placer, comment déclamer notre texte, mais aussi rester dans notre personnage pour transmettre les émotions adéquates au sujet du film", confie Thibo.
"La lutte contre le harcèlement fait partie de nos combats"
Pour Fréderique Baert, principale adjointe du collège, ce film représente un aboutissement pour l'établissement. "C'est le fruit d'une dizaine d'années de travail autour du décrochage scolaire et du harcèlement."
En 2012, l'équipe du collège lance une cellule de prévention contre le décrochage scolaire. "L'idée de base était de repérer les comportements distants, les élèves qui s'isolaient pour pouvoir agir en conséquence", explique-t-elle. "On a compté sur eux pour nous parler des cas suspects, des absences répétées de leurs camarades, car nous savons que décrochage et harcèlement sont souvent liés", indique Delphine Decouttere, professeur de mathématiques.
En 2021, l'établissement souhaite aller plus loin dans la lutte contre le harcèlement et intègre le programme Phare. Des élèves sont nommés en tant que référents de cette cellule. Lancé en 2011, il propose plusieurs heures de formation durant l'année pour les élèves et les professeurs sur le thème du harcèlement scolaire, 10 heures pour les élèves.
"Les formations nous permettent d'apprendre à détecter des situations que l'on n'aurait pas forcément considérées comme du harcèlement", note Noha élève référent Phare. "Je me souviens par exemple d'une camarade en 6ème qui accusait constamment deux personnes de lui voler ses affaires alors qu'elle les cachait elle-même", se remémore l'élève de 4ème. "À l'époque, je ne savais pas que c'était du harcèlement, mais si je vois ce type de comportement aujourd'hui, je sais qu'il faut en parler."
Les professeurs référents Phare sont également formés. "Nous sommes formés sur quelques jours. On apprend d'abord à définir ce qu'est le harcèlement. Ensuite, on met en pratique à travers des jeux de rôle" explique Armelle Goumy, professeure d'EPS et référente Phare. L'objectif de ce programme Phare est de répertorier les signalements afin de déclencher un processus d'écoute de chaque personne impliquée. "Notre but n'est pas de juger qui que ce soit. Nous accompagnons les élèves en écoutant leur version et les orientons vers les numéros dédiés ou d'autres solutions d'écoute. Pour les intimidateurs présumés, notre objectif est de leur faire comprendre en quoi leur comportement est déplacé."
D'autres formations contre le harcèlement sont prévues cette année pour les élèves de Louis Braille. "Cela va nous permettre d'aiguiser notre jugement et de sensibiliser de plus en plus de nos camarades", précise fièrement Reva, une des élèves ambassadrices du programme .
"Le rapport au harcèlement a changé depuis 10 ans"
Les enseignants notent depuis 10 ans une évolution dans les pratiques de harcèlement. "L'arrivée des réseaux sociaux a changé beaucoup de choses. Aujourd'hui, les risques sont multipliés, et en tant que professeurs, nous ne pouvons pas tout gérer", note Delphine Decouttere. "Avant, ce qui se passait dans l'enceinte de l'école ne débordait pas sur l'extérieur. Aujourd'hui, avec les conversations de groupe et les messageries instantanées, les dangers se multiplient et nous ne sommes pas au courant de tout", précise-t-elle.
Elle déplore également le manque de modération au sein des groupes de discussions des classes. "Dans les groupes d'adultes, il y a toujours un modérateur. Quelqu'un qui peut dire "stop" lorsque des gens vont trop loin. Il faudrait réfléchir à instaurer cela dans les groupes d'élèves", suggère l'enseignante.
Pour Frédérique Baert, principale adjointe, les efforts de son établissement participent à assurer un climat scolaire sain. "On veut s'assurer que tous les élèves se sentent respectés et écoutés", explique-t-elle. Elle assure qu'avant d'intégrer Phare, le collège ne souffrait pas de problèmes de harcèlement fréquents. "Nous avions des cas, mais nous avons surtout intégré le programme pour que tout le monde soit à l'aise au collège, et sache comment réagir face à une situation de harcèlement", raconte-t-elle.
Elle se dit "très fière" du travail des élèves et de son équipe pédagogique sur le sujet. "C'est une victoire de savoir que chacun se sent bien dans ses baskets au moment de venir en cours. Il est aussi important que nos professeurs soient des ressources sur lesquels nos élèves peuvent compter en cas de problème."
En cas de harcèlement, les élèves victimes ou témoins peuvent contacter deux numéros.
►Le 3020, cellule d'écoute et d'aide pour les victimes de harcèlement scolaire
►Le 3018 pour les victimes de cyberharcèlement.