La Seine-Saint-Denis est l'un des déserts médicaux de l'Île-de-France. Plusieurs médecins se sont associés pour ouvrir un établissement de soins au plus proche des habitants, Cap Horn santé. Le ministre de la Santé, François Braun s'y rend ce vendredi.
Un désert médical, situé à trois stations de métro de la capitale ? La situation paraît invraisemblable, à première vue. C'est pourtant l'une des raisons qui expliquent l'ouverture de la "plus grande maison de santé de France". Nous sommes à Montreuil (Seine-Saint-Denis), commune de presque 110.000 habitants, selon les derniers chiffres de la ville. Sa proximité de Paris pourrait faire croire que l’offre de soins est abondante. Il suffit d’écouter le témoignage de cette habitante pour comprendre que ce n'est pas le cas.
Maillage de soins insuffisant dans la commune et le département
"Ma mère a 99 ans et elle est cardiaque. En plus de cela, elle a aussi d'autres problèmes de santé, notamment au niveau de ses jambes. Une cardiologue de la commune la suivait jusqu’ici, sauf qu’elle avait trop de monde, et qu’elle a fini par ne plus pouvoir nous prendre en charge", décrit cette habitante de 76 ans qui a tenu à rester anonyme.
"Il fallait donc trouver quelqu’un rapidement, pour pouvoir la suivre en continu et qui fasse des visites à domicile, car ma mère ne peut plus se déplacer. Dans l’intervalle, nous étions parties en Bretagne : la solution était réglée, car il y avait là-bas quelqu'un qui l’avait prise en charge. En revanche, une fois revenues à Montreuil, nous avons rencontré le même problème : j’ai appelé une centaine de cardiologues. Aucun ne pouvait assurer ces visites à domicile", déplore-t-elle.
Cette habitante n'est pas la seule à déplorer cette situation. Depuis quelques années, la municipalité de Montreuil recense une offre de soins insuffisante. "En mars dernier, l’Agence régionale de santé a classé 97,8% du département comme 'désert médical avancé'", nous précise la mairie. Cela représente environ 1,6 million d'habitants concernés par cette situation, selon l'Agence régionale de Santé.
"57 médecins généralistes et 71 médecins spécialistes" sont implantés dans la commune, d’après la Caisse primaire d’Assurance-maladie du 93. Encore trop bas, à en croire l’UFC-Que Choisir. Cette association de consommateurs a fait le point cette année sur l’accès aux soins en France. D’après la carte établie par l’association, il est difficile d'accéder à un gynécologue, un ophtalmologue ou tout simplement un généraliste, dans cette ville.
Une grande maison de santé pour un parcours de soins simplifié
Devant ce constat, deux médecins nourrissent le projet d’ouvrir une maison de santé. David Marciano et David Zeitoun, tous deux radiologues, prennent la tête de ce projet. Ils sont vite rejoints par deux autres de leurs collègues, urgentistes, Baptiste Gérard et Patrick Vidal. Plusieurs praticiens les suivent pour pouvoir proposer différentes spécialités à leurs patients.
Les initiateurs du projet comptent proposer quatorze spécialités, dont la gynécologie, la cardiologie, l’ophtalmologie. Sans compter l’accès facilité à la médecine générale. L’Agence régionale de Santé donne son accord. Cette maison de santé pluriprofessionnelle a finalement ouvert le 7 novembre dernier.
Dès son ouverture, la demande des habitants est forte. "Les créneaux de rendez-vous pour les médecins généralistes, la pédiatrie, la gynécologie et la neurologie se sont remplis de suite sur Doctolib", se souvient le Dr Patrick Vidal. Les créateurs du projet se donnent pour objectif de faciliter le parcours de soins des patients. "Dans un même lieu, ils peuvent accomplir plusieurs actes. Quelqu’un qui aurait par exemple du diabète pourrait à la fois voir un ORL pour faire analyser ses yeux, puis voir ensuite au même endroit, l’orthopédiste pour le soin de ses pieds", ajoute le praticien.
La maison de santé s’étend sur 3.500m2 et comprend cinq étages. Une quarantaine de médecins y travaille au quotidien. À chaque étage, sa spécialité : au deuxième par exemple, c’est la cardiologie. "Sept salles d’examen, dont quatre qui permettent les « examens non invasifs », dans lesquelles six à sept médecins exercent à tour de rôle", précise Séverine Sebagh, directrice de l’Institut Cœur Paris Centre.
D'après elle, les équipements ne manquent pas : "Nous disposons de deux Hulks, ce qui est rare en Île-de-France, puisqu’il n’y en a que 12 qui sont déployés dans la région. Il s’agit de machines qui permettent à la fois d’effectuer les épreuves d’effort mais aussi de faire les échographies du cœur." En clair, ces machines dotées d'un simulateur de vélo permettent aux praticiens de faire deux analyses en même temps, sur le patient.
Un étage plus bas, pendant ce temps, David Zeitoun se prépare pour faire des radiographies. Le co-créateur de la maison de santé exerce à cet étage, à plein temps. D’après lui, regrouper plusieurs spécialistes ne peut que bénéficier aux utilisateurs mais aussi aux médecins. "Quand on exerce en libéral, on n’a pas l’impression de participer à la prise en charge du patient. Ici, c’est le cas. C’est très stimulant et très agréable. Le patient fait sa prise de sang, puis s’il a besoin de faire une radio, il peut la faire dans la foulée", explique le radiologue.
Une solution attendue par la ville
L’installation s'est faite quartier Jean Moulin-Beaumonts, à quelques pas de la station de métro Mairie de Montreuil. Un immeuble privé de la rue Gaston-Lauriau s’est libéré. Il était auparavant occupé par la ville de Montreuil. Ce qui a favorisé l'arrivée de cette maison de santé, très attendue par la commune. "En 2019, j’ai souhaité que la Ville soutienne l’installation à Montreuil d’une maison de santé pluriprofessionnelle. Grâce aux nombreuses spécialités dont disposera cette maison de santé, les patients pourront bénéficier d’une prise en charge complète et pluridisciplinaire", indique dans un communiqué Patrice Bessac, maire (PCF-Nupes) de Montreuil.
La municipalité explique avoir soutenu cette initiative avec la "recherche de locaux, (l')instruction et (la) délivrance des permis de construire, structure d'échanges professionnels entre les médecins de nos centres municipaux de santé, et ce nouvel équipement médical pour organiser les complémentarités des consultations".