Il a défilé à Paris pour la "marche de Beurs". Trente ans après, Azzédine Taïbi enfile samedi l'écharpe tricolore, à Stains, premier maire issu de l'immigration maghrébine en Seine-Saint-Denis et symbole pour les banlieues.

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"Azzédine, c'était le grand frère, l'ami, celui qui aidait les jeunes à réussir", lance Balla Diallo, qui l'a connu animateur dans les quartiers sensibles de Stains pendant plus de 10 ans, et qui dirige aujourd'hui la mosquée locale. "C'est un mec bien, très cool, à l'écoute", abonde un magasinier de 35 ans, rencontré en bas d'une HLM de la cité du Clos Saint-Lazare. Comme d'autres, il se dit fier de voir celui qui organisait tournois de basket et sorties au Louvre lorsqu'il était ado devenir "le premier rebeu élu maire" de la ville.

Carrure imposante, large sourire, Azzédine Taïbi, fils d'immigrés algériens, reçoit en costume sombre sur une chemise sans cravate dans son bureau mansardé de l'hôtel de ville, où il était adjoint au maire communiste depuis trois mandats. "C'est une victoire collective. Contrairement à ce qui est véhiculé, il est tout à fait possible de faire élire un maire qui peut avoir d'autres origines", affirme M. Taïbi, qui refuse pour autant d'être "réduit" à ses origines de jeune de cités. Le maire sortant, Michel Beaumale, loue sa "solide expérience" des quartiers, et sa "très bonne connaissance de la population".

Elu avec 50,3% des voix, il a permis aux communistes de ne pas voir basculer aux mains de la droite un autre bastion, après la perte traumatique de Bobigny ou Saint-Ouen. Mais comme ailleurs dans les quartiers populaires, l'élection n'a toutefois pas déplacé les foules, et M. Taïbi, 49 ans, n'a recueilli au 2e tour que 3.317 voix, alors que près de 57% s'abstenaient, dans cette commune de 35.000 habitants.

"Enfant de la République"


Le parcours de M. Taïbi débute comme celui de milliers d'autres enfants de la "deuxième génération", nés en France et élevés entre deux cultures par des parents étrangers.

C'est dans les années 1960 que ses parents quittent la Kabylie pour s'installer dans les toutes nouvelles barres HLM du Bois L'abbé, dans le Val-de-Marne. "Ma nationalité française, je l'ai eue automatiquement l'année de mes 18 ans", raconte M. Taïbi, qui conserve un passeport algérien, et passe régulièrement des vacances de l'autre côté de la Méditerrannée. Son père avait le "coeur à gauche et une conscience de classe", forgée comme ouvrier dans un garage des beaux quartiers à Paris, confie-t-il. A sa mort, Azzédine est adolescent et se débrouille avec sa mère au foyer, son frère aîné et ses quatre soeurs.

Des marchés, des ménages pour payer ses études puis, "complètement par hasard", il arrive à Stains, au gré d'une offre d'emploi d'animateur dans un centre de vacances. La ville est deshéritée, un ménage sur deux n'est pas imposable, et les cités HLM délabrées, mais ce père d'un garçon de six ans la décrit aujourd'hui comme "accueillante et attachante". "Laïc", "enfant de la République", il vient au PC par la lutte contre l'Apartheid, quatre ans après l'arrivée de la "marche des Beurs", sa "première prise de conscience" politique. Parmi les temps forts, il cite ses trois rencontres avec le leader palestinien Yasser Arafat. Stains est jumelée avec un camp de réfugiés près de Ramallah.

S'il pense avoir été ralenti dans son parcours par ses origines, M. Taïbi se dit "persuadé que ce sera plus facile" pour les jeunes des quartiers d'aujourd'hui. "La société bouge, et la population est souvent plus avancée que la classe politique." Dans la cité du Clos Saint-Lazare, son parcours fait déjà école: "Une bonne nouvelle qu'un fils d'immigré ait gagné! Maintenant, plus de portes vont s'ouvrir pour nous", veut croire Mouadh Zayet, 19 ans.
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