Accident dramatique ou violences volontaires ? Quatre hommes sont jugés à partir de mardi devant la cour d'assises de Seine-Saint-Denis, accusés d'avoir provoqué la mort d'un vigile qui s'était noyé dans le canal de l'Ourcq après une banale altercation pour un pot de peinture en 2010.
Âgés de 23 à 30 ans, les accusés comparaissent libres pour "violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner, avec usage ou menace d'une arme". Ils encourent jusqu'à quinze ans de réclusion.
Il y a cinq ans, la mort de ce père de famille marocain de 35 ans avait suscité une vive émotion, notamment dans la communauté musulmane.
Le 30 mars 2010, peu après 19 heures: alors que le magasin de bricolage Batkor de Bobigny (Seine-Saint-Denis) s'apprête à fermer, Saïd Bourarach refuse l'entrée à un jeune homme de 19 ans qui se présente pour acheter un pinceau et un pot de peinture.
Il est pris à partie. Il prend au moins un coup au visage et riposte avec sa bombe lacrymogène. Éconduit, son agresseur part se saisir d'une manivelle à cric dans le coffre de sa voiture et appelle en renfort son frère, habitant une cité voisine à Pantin, qui arrive sur place avec un cousin et des amis.
La dispute se poursuit et le vigile prend la fuite en courant vers le canal situé derrière le magasin. Les quatre accusés le poursuivent, la suite est floue.
Le corps sans vie de Saïd Bourarach sera repêché le lendemain, l'autopsie concluant à une noyade.
- 'Pression psychologique' -
Les accusés ont toujours soutenu que le vigile s'était noyé après s'être volontairement jeté dans le canal, mais la justice leur reproche notamment d'avoir exercé sur lui une "pression psychologique" telle qu'il n'aurait eu d'autre alternative que le saut pour leur échapper.
Une version corroborée par les rares témoins de la scène, qui ont décrit aux enquêteurs avoir vu un homme "apeuré", "à bout de souffle" et bientôt rattrapé par ses assaillants, plonger.
Mais pour sa veuve, le doute subsiste. Saïd a-t-il été frappé avant de tomber ? A-t-il été poussé ? Son conseil, Me François Danglehant, reproche notamment à la justice d'avoir fait "un copier-coller de la version des accusés" et conteste qu'il ait pu sauter "de son propre chef".
L'avocat, par ailleurs parmi les défenseurs du polémiste Dieudonné, qui a lui-même évoqué plusieurs fois le sort de Bourarach, parle en outre d'un procès-verbal qui mentionne "l'appartenance à la LDJ" (Ligue de défense juive) d'un des accusés, tous de confession juive.
Mais l'enquête n'a pas établi d'agression à caractère raciste, de la part de la victime comme des accusés, ni de supposée appartenance de ces derniers à la LDJ.
Leur renvoi devant les assises pour "violences volontaires" avait été décidé en septembre 2013, puis confirmé en mars 2014 par la chambre de l'instruction, deux des mis en examen ayant fait appel.
Car pour l'avocat du principal accusé, Me Paul Le Fèvre, ce dossier résulte "d'une bagarre idiote qui se solde par un accident mortel que personne n'a voulu" et ne méritait pas d'aller aux assises.
"On comprend que la justice ait pu envisager la piste d'un lynchage collectif sur une personne vulnérable et isolée, qui au final aurait été jetée à l'eau. Après 5 ans d'investigations, nous savons tous aujourd'hui que cette piste initiale, et la qualification criminelle qui allait avec, ne correspondent pas aux faits", déclare-t-il à l'AFP. Le procès doit se tenir jusqu'au 26 mars.