Des migrants campent sur les bords du canal de Saint-Denis. Sans eau courante, ni toilettes. Des associations ont saisi la justice pour que les villes de Saint-Denis et Aubervilliers installent des points d'eau et que l'Etat les mettent à l'abri. Le tribunal leur a donné en partie raison.
Faridoon est un exilé afghan. Il vit dans une tente au bord du canal Saint-Denis. Comme lui, ils ont plusieurs centaines, entre 300 et 400 à vivre dans ces campements de fortune disséminés sur les communes de Saint-Denis et d'Aubervilliers. Menacé de mort dans son pays, Faridoon est arrivé en France en 2018. Rencontré par des journalistes de notre rédaction, le jeune homme décrit ses conditions de vie misérables. Ici pas d’eau potable, pas de quoi se laver, pas de commodités. "Il n’y a pas de toilettes. Nous sommes obligés d’aller faire nos besoins autour de nos tentes", explique t-il.
Des conditions de vie indignes
L'insalubrité, la dangerosité de ces campements proches du canal, et l'absence d'eau sont denoncées par plusieurs associations comme Utopia 56, le Secours Catholique, la Ligue des droits de l'Homme, le Collectif Solidarité Migrants Wilson ou Medécins du monde. "Nous nous rendons trois fois par semaine sur ces trois campements informels qui se situent à Aubervilliers et Saint-Denis. Depuis le déconfinement, le nombre de migrants a plus que doublé. On considère qu’il y a environ 400 personnes aujourd’hui. Ce campement est dangereux car il est au bord de l’eau, totalement enclavé. Au point de vue sanitaire, il n'y a pas d'eau, pas de toilettes. Nous retrouvons toutes les pathologies de ceux qui vivent à la rue", nous explique Louis Barda, coordinateur général Paris à Médecins du monde.
Pour la justice, l’Etat et les communes sont défaillantes
Le 27 mai dernier, 16 associations et collectifs ont interpellé l’Etat, le préfet de Région, la préfecture de police de Paris, la préfecture de Seine-Saint-Denis et les mairies des villes d’Aubervilliers et de Saint-Denis en déposant un référé liberté devant le tribunal administratif de Paris. Elles ont dénoncé l’inaction politique et demandé un accès à l’eau et l'installation de sanitaires. Elles ont également demandé à l'Etat la mise à l'abri des migrants.
C’est une victoire partielle
La justice leur a donné en partie raison vendredi 5 juin, en ordonnant aux villes d’Aubervilliers, de Saint-Denis, à l’établissement public territorial Plaine Commune et à la préfecture de Seine-Saint-Denis d’assurer l’installation de points d’eau, des douches, des sanitaires et de distribuer des masques, ainsi que du gel hydroalcoolique. Et cela dans un délai de huit jours. "Une victoire partielle" pour l'association Médecins du monde. "Les villes vont être obligées d'installer des points d'eau mais le tribunal n'a pas statué sur la mise à l'abri de ces exilés", regrette Louis Barda, de Médecins du monde. Les associations rappellent donc "qu’il est de la responsabilité de l’Etat de garantir un hébergement d’urgence pour toutes les personnes en détresse à la rue, et un accueil digne et pérenne pour l’ensemble des personnes exilées présentes sur son territoire".
Installation d'infrastructures sanitaires en cours
Les villes de Saint-Denis tout comme Aubervilliers s’étonnent de ce référé liberté. "Nous avons un peu de mal à comprendre pourquoi cette requête de relogement nous a été aussi adressée. La ville a toujours affiché la volonté d’accompagner les migrants. Nous soutenons le travail de ces associations et nous dénonçons la politique migratoire qui est menée par le gouvernement", affirme-t-on à la mairie d'Aubervilliers. Et de poursuive : des consignes ont été données à l'établissement public Plaine Commune qui est délégataire de l’eau pour installer des infrastructures sanitaires. Mais côté logement, nous sommes une municipalité pauvre, 8000 personnes attendent un logement, toutes nos infrastructures d'hébergement d'urgence comme les gymnases sont utilisées. Nous ne pouvons pas prendre en charge l'hébergement des migrants qui est une prérogative de l'Etat".
Même son de cloche du coté de la ville de Saint-Denis qui n'a que peu apprécié cette action en justice. "Au moment du dépôt du référé nous avions que très peu de tentes sur notre commune. Il est dans nos habitudes de nous occuper des plus démunis et de les aider. Aujourd'hui nous réaffirmons que c'est à l’Etat de trouver des logements pour les migrants", souligne la municipalité.
Selon l'établissement public, Plaine Commune, deux points d’eau potable sont installés aujourd’hui même par Veolia, des toilettes ont été positionnées par la Ville de Paris, le foncier appartenant à la Ville de Paris. Pour les douches, la ville de Saint-Denis souhaite faire passer avec un "camion douche" une fois par semaine. Des bennes à ordures ont également été mis à disposition.
Les associations veillent à la mise en œuvre de la décision de justice, afin de rendre un peu moins indigne le quotidien des 400 personnes vivant aujourd’hui sous des tentes le long du canal Saint-Denis.