A peine installé, le campement de la Villette évacué ce matin

L’installation n’aura duré qu’une trentaine d’heures. Vers 6h30, 84 personnes qui avaient planté leur tente sur les quais de Loire dans le XIXe arrondissement de Paris ont été évacuées vers des gymnases. Parmi elles, majoritairement des femmes seules avec leurs enfants. 
 

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Ils se sont réveillés vers 5h ce matin pour replier leurs tentes, faire leurs quelques bagages et attendre l’arrivée des policiers. 52 femmes isolées, 19 enfants, âgés de 3 mois à 12 ans, et 13 hommes, échoués depuis mardi soir sur ce bout de quai de Loire, à proximité du touristique Parc de la Villette. La plupart sont originaires d’Afrique subsaharienne. Après plusieurs mois à la rue et des appels répétés au 115, ils espéraient attirer le regard sur leur situation. Une opération réussie car en moins de 30 heures, une solution d’hébergement provisoire leur a été proposée dans 3 gymnases de la ville. "Cela fait deux mois que nous demandions une prise en charge de ces personnes. Sans qu’aucune réponse ne nous soit apportée. Il y avait non-assistance à personnes en danger, explique Florent Boyer, coordinateur de l’association d’aide aux migrants Utopia 56, et à l’origine du campement. Là, la préfecture a trouvé une solution en 24h, preuve que ces places, elle les avait déjà. C’est désespérant qu’il faille être dans le rapport de force pour que cela s’active."

La prise en charge, même temporaire, est un soulagement pour ces exilés, réfugiés, parfois sans papiers. Hier encore, Kelvin, 8 ans, nous racontait l’épreuve de devoir vivre à la rue avec sa mère et ses trois frères et sœurs dont la dernière est âgée d’un an et demi. "On n’arrive pas à dormir la nuit, sans couverture, j’ai froid". Fozia, 47 ans, occupait quant à elle la tente d’à côté avec sa mère et ses quatre enfants. Diabétique, visiblement très fatiguée, elle nous expliquait son parcours, malheureusement classique, en quelques mots. "J’ai eu de gros problèmes en Somalie. Les shebabs (NLDR : des terroristes islamistes) ont tué mon père, mes frères, mon mari et deux de mes fils. J’ai dû partir avec ma mère et mes 4 autres enfants."
 

Un coup de force qui n'est pas une première

Certains de ces infortunés travaillaient au noir. Mais ils ont perdu leurs petits boulots et leurs logements pendant le confinement. D’autres étaient logés, via un réseau d’hébergement solidaire, dans des locaux paroissiaux et dans une entreprise pendant la crise sanitaire. "Ces lieux, on les a perdus, notamment les paroisses avec la réouverture des lieux de culte. Quant à l’entreprise, elle a fait faillite à cause des difficultés économiques engendrées par le coronavirus. Elle a dû céder le bail, indique Florent Boyer d’Utopia 56. L’idée, c’était de faire sortir tout le monde, de les rendre visibles pour obtenir des solutions rapidement."

Un coup de force qui n’était pas une première. Le 23 août dernier, Utopia 56 avait érigé un campement de 120 personnes à ce même endroit, sur la pelouse située derrière la Grande Halle de La Villette. Une opération destinée à interpeller les passant mais surtout l’Etat.Chez les riverains et chez le maire PS du XIXe arrondissement, François Dagnaud, ce mode d’action est loin de faire l’unanimité. "L’association Utopia 56 a pris l’initiative d’organiser l’installation à la rue de quelques dizaines de femmes et enfants, sous des tentes plantées quai de la Loire. Je regrette les modalités de cette action unilatérale. J’ai immédiatement demandé la mise à l’abri de ces personnes vulnérables et le démantèlement de ces installations", a réagi l'élu avant de remercier la préfecture de Région et la mairie. 
De son côté, l’association Utopia 56 envisage de renouveler ces opérations d’appel à l’aide. Car sur le canal, entre Aubervilliers et Saint-Denis, entre 300 et 400 personnes, en particulier des hommes seuls, dorment dans la rue, sans accès à l'eau ou à des sanitaires. "Il y a eu quatre noyades ces deux dernières semaines. Qu’est-ce qu’on attend de plus ? Il y a une mauvaise volonté de la part de l’Etat. On est là dedans. Une volonté de faire dépérir ces gens en les repoussant toujours plus loin de Paris."
 

"Un cycle infernal d'atteintes aux droits fondamentaux"

Seize associations dont Utopia 56, ont déposé hier mercredi un référé liberté pour l’octroi de points d’eau et la prise de mesures d’hygiène pour les exilés du canal Saint-Denis. Ces associations dénoncent "un cycle infernal d’atteintes graves aux droits fondamentaux des personnes à la rue".  "Cela fait maintenant plus de quatre ans que nous constatons dans le nord-est parisien un cycle infernal fait de campements, démantèlements et harcèlements policiers. Quatre ans que nous interpellons, en vain, sur les atteintes graves aux droits fondamentaux des personnes qui y vivent. Elles rencontrent continuellement de grandes difficultés pour avoir accès à l’alimentation, à l’eau, à l’hygiène, aux soins, à l’hébergement et à une information sur leurs droits", écrit cette coalition d'associations et de collectifs dans un communiqué diffusé le 27 mai. 
Les associations ont dénombré au moins trois démantèlements "sans proposition de relogement" les 7 avril, 15 avril et 8 mai par les forces de l’ordre et les équipes de la mairie d’Aubervilliers sur le site du Pont de Stains. Un quatrième a également eu lieu le 15 mai à Paris, au niveau du CAP 18, à proximité de la porte d’Aubervilliers. 
 
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