La cocaïne, les armes et l'argent étaient dissimulés dans des locaux de la mairie: huit personnes, dont deux anciens employés municipaux, seront jugées en correctionnelle mercredi à Bobigny pour un important trafic de drogue organisé depuis Bagnolet (Seine-Saint-Denis).
Dans leurs échanges téléphoniques comme auprès de leurs clients, ils se faisaient appeler "Diesel", "Le chauve", "Raoul", "Le beauf" ou bien "Gencive"... Les huit prévenus, sept hommes et une femme, âgés de 23 à 42 ans, risquent jusqu'à 10 ans de prison.
Soupçonnés d'avoir mis en place un vaste trafic de cocaïne et de cannabis dans le quartier du Plateau, à Bagnolet, ils avaient été interpellés le 5 juin 2013 au terme d'une enquête de près de 18 mois. Lors de l'opération, les enquêteurs avaient découvert 11 kilos de cocaïne, dissimulée dans un coffre fort du centre technique municipal (CTM), utilisé pour remiser les engins de voirie de la ville.
La perquisition avait également permis la découverte de 15.000 euros en espèces, d'un gilet pare-balles volé à la police et de plusieurs armes, dont une kalachnikov, un pistolet automatique et un fusil à pompe. Tête présumée de ce réseau, Belkacim A., dit "Mismoul" ou "Raoul", connu pour trafic de drogue et alors recherché pour tentative de meurtre, est accusé d'avoir profité de la position de son cadet, Mustapha A., qui dirigeait le centre où était dissimulée la drogue.
Ce dernier, considéré comme le "gros bras" de l'équipe, était chargé de recouvrer les créances auprès des mauvais payeurs. Employé par la mairie depuis 2006, cet ancien boxeur était également craint de ses collègues, qui le décrivent comme un homme violent, faisant régner la "terreur" pour mener à bien ses affaires.
- Les prévenus menaient grand train -
Signe que le système était bien rodé, les deux frères se retrouvaient presque chaque matin dans les locaux du CTM. Belkacim s'enfermait alors avec son frère, avant de filer au volant de sa puissante berline dans le quartier du Plateau, où était écoulée la drogue.
Selon les enquêteurs, le trafic aurait permis aux différents protagonistes de mener grand train: près de 26.000 euros en liquide avaient ainsi été retrouvés chez Belkacim, des pièces de maroquinerie Vuitton ainsi que des montres Cartier et Rolex chez Mustapha.
L'un d'eux avait en outre signé un compromis de vente pour un pavillon de 440 mètres carrés à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), et l'autre comptait acheter une résidence en Espagne. Une partie de l'argent atterrissait sur des comptes bancaires algériens.
Outre les deux frères, le réseau comprenait plusieurs revendeurs, certains très actifs. Parmi eux: un autre ancien agent municipal, surnommé "Morphe", gardien de l'un des gymnases de la ville. Ce dernier, placé sous contrôle judiciaire, a depuis été radié des effectifs municipaux, selon la mairie de Bagnolet. Mustapha A., en détention provisoire, a pour sa part été suspendu sans versement de salaire, en attendant la conclusion de l'enquête pénale.
Lorsque l'affaire avait éclaté, l'ancien maire de la ville, Marc Everbecq (PCF), s'était dit "consterné", affirmant être "tombé de l'armoire" en apprenant l'implication de ses agents. La municipalité s'est depuis constituée partie civile.